Faut-il désormais déguiser sa pensée ?
La liberté d'expression est loin d'être protégée dans cette société du bien -penser
Faut-il désormais déguiser sa pensée ?
A l'encontre de ce qui se dit, ou s'écrit sur les réseaux idiots (dits sociaux), la liberté d'expression est loin d'être protégée dans cette nouvelle société qui fait du bien-penser la norme obligatoire du comportement autorisé.
Tout y est cadenassé, de l'expression humoristique jusqu’à l’appréciation religieuse. Il n'est même plus question de liberté de croyance, tant les fondements même de l'enseignement des religions du Livre sont actuellement battus en brèche, au nom d'une liberté individuelle qui subordonne toute appréciation métaphysique à la pratique du sexe, conçu exclusivement comme un exercice sportif, de combat ou de compétition, selon les ardeurs et les talents des protagonistes. La controverse née de la compatibilité de l’Islam, sous toutes ses formes, avec les principes de la République, est l'illustration idéale de ce qu'est un faux débat, le fonds de l'affaire étant l'acceptabilité par la société contemporaine du principe religieux en lui-même.
Si l’islam est aujourd'hui la cible de toutes les alarmes , c'est parce qu'il se voit davantage, car le processus de sécularisation de ses rites et de son culte dans la société moderne occidentale est plus récent. L'intolérance d'une organisation sociale fondée exclusivement sur la satisfaction des besoins de la consommation marchande, hostile à tout principe faisant de la transcendance l'objet de la recherche individuelle et du dépassement des passions comme morale de la vie, concerne toutes les églises. Sur ce point le christianisme est logé à la même enseigne que l’Islam.
Est-il encore utile pour la société, et donc demain sera-t-il encore licite, de croire à autre chose qu'aux satisfactions matérielles ? C'est le problème posé qu'occulte volontairement le parti des démagogues, qui ne voit dans la population musulmane qu’un corps électoral facile à manipuler, afin de remplacer la mythologique classe ouvrière qui n'a jamais existé que dans le phantasme de fils d’ouvriers, désirant devenir des seigneurs, au lieu et place de leurs maîtres d’hier, et se faisant fort d'y parvenir en flattant les rancoeurs et en exaltant les passions de la frustration sociale. (Et je ne mélange pas tout).
Le but de la manoeuvre ourdie consiste aussi à semer le trouble et la discorde au sein des seules catégories de la population, les croyants, de toutes religions, quelques que soient leur rites, qui sont réfractaires par nature à la matérialité famélique de l'idéal qu'on prétend leur enseigner, pour mieux les manoeuvrer et les conduire.
La ficelle est grosse, mais ça fonctionne sous les ukases de la nouvelle doxa comportementale, qui promeut l'abandon des hiérarchies, du savoir, à commencer par l'orthographe et la grammaire, et même la simple logique et le bon-sens, on le voit avec cette invraisemblable théorie du genre. C’est étonnant mais ça marche, tant la pression médiatique est forte ! Que faire? Penser, sans doute, déguiser l'expression de ses réflexions, pratiquer en somme ce que le Jésuite appelait la restriction mentale, qui consiste à penser fort et en silence ce qu'on ne peut plus dire, les yeux parlant en somme quand la bouche se tait.
Comprendre et savoir devraient suffire pour traverser l'espace qui s'ouvre devant nous, sous les auspices de la contrainte intellectuelle, de la censure, et donc de la dénonciation considérée comme eût pu l'écrire Thomas de Quincey comme un des beaux-Arts.
A toute chose malheur est bon, comme l'affirmaient nos maîtres d'école quand il y en avait encore une, cela contraindra ceux qui écrivent à avoir du talent pour contourner les interdits. Voilà le but enfin dévoilé : défier l’interdit par la ruse et même la dissimulation, cela s’appelle la liberté reconquise. Larvatus prodeo (je m’avance masqué) disait Descartes.
Un mot pour dire in fine que les commentaires accompagnant les entrées et sorties des personnalités jetées en prison du lieu de leur détention, ne révèlent que la médiocrité et la bassesse de ceux pour qui la punition d'autrui sert d'exutoire et de vengeance à leurs échecs personnels.
Il fut un temps où les imbéciles et les ratés brûlaient les chats noirs au nom de leur mystique bêtise.
Aux fêtes des Rubigalia à Rome, en honneur du retour d’Apollon, signe de la renaissance du printemps, on brûlait de même les chiens roux pour conjurer le mauvais sort.
Aujourd’hui on dénonce à tout va.
Jean-François Marchi