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Comment le grand banditisme corse blanchit son argent ?

Racketter ou rafler de l’argent de manière malhonnête n’est que la partie émergée de la pratique mafieuse.

Comment le grand banditisme corse blanchit son argent


Racketter ou rafler de l’argent de manière malhonnête n’est que la partie émergée de la pratique mafieuse. Le plus important reste à faire : blanchir les sommes ainsi accumulées. Une enquête du journal Le Monde dévoile comment des réseaux criminels comme celui du Petit Bar d’Ajaccio ou précédemment celui de la Brise de Mer parvenaient à rendre « propres » les gains d’activités crapuleuses.


Au cœur du système la Chine


C’est un centre de grossistes en tous genres situé dans la zone commerciale Fashion Center d’Aubervilliers en Seine-Saint-Denis. Selon le quotidien, plusieurs notes des douanes ont alerté les plus hautes autorités sur la place occupée par des commerçants du Centre international de commerce de gros France-Asie dans des circuits de blanchiment utilisés par des réseaux criminels, de la Corse à l’Italie en passant par l’Espagne et la Hongrie. Les descentes de police ont permis de découvrir d’importantes sommes d’argent liquide. Selon l’enquête, les virements ont lieu sur un compte hébergé à Hongkong puis l’argent blanchi ressurgit en liasses. Les enquêteurs soulignent pour ce qui concerne le Petit Bar que les partenaires chinois ont fourni également des reçus fantoches de produits de maroquinerie ou de montres de luxe. L’argent « blanchi » était dans ce cas précis, destiné à être réinvesti par les voyous dans un projet de restaurant à Courchevel en Savoie. Mais parfois il permettait d’acheter des montres de collection, de belles voitures ou des appartements à Paris. Et ce circuit semble être utilisé par de nombreuses bandes et fonctionne depuis longtemps.

Un circuit éprouvé


Dans ce supermarché chinois du blanchiment, les criminels en tous genres se bousculent.
Le Monde cite outre nos voyous corses, « des trafiquants de drogue, escrocs spécialistes des faux ordres de virement, des fraudes à la TVA ou, plus simplement, entrepreneurs dans le BTP en recherche d’espèces pour payer des employés non déclarés ». Les journalistes reprennent à leur compte l’expression employée par les policiers pour qualifier cette multinationale du blanchiment : des hubs criminels. En d’autres termes, des centres qui ensuite partent dans de multiples directions. Or cela semble être une activité quasi officielle pour la Chine puisque même la Bank of China a été épinglée, en 2020, à la suite d’un signalement par Tracfin d’opérations financières jugées « atypiques », doux euphémisme pour désigner un blanchiment. Près de 40 millions d’euros auraient été transférés dans la succursale de la banque de la province côtière du Zhejiang, après avoir navigué entre des sociétés commerciales basées en Lettonie, Lituanie, Pologne et Espagne. Au cœur du système, la ville de Wenzhou, en Chine, une métropole d’environ 10 millions d’habitants, à 400 kilomètres au sud de Shanghai d’où sont originaires 60 % des résidents chinois en France.

D’Ajaccio au cœur de l’Empire du Milieu


Wenzhou-Aubervilliers… un circuit avec de multiples étapes à travers le monde afin de noyer les risques de repérage. Mais Aubervilliers est l’épicentre français du blanchiment avec en vedette le Centre international de commerce de gros France-Asie (CIFA), créé en 2006 et qui possède aujourd’hui 280 grossistes sur 4 000 mètres carrés. La description des lieux, de ses activités rappelle terriblement celle que fait Saviano dans Gomorra des quais de Naples. On y produit des vêtements, de la maroquinerie. On utilise une main-d’œuvre réduite en esclavage en même qu’on fait transiter des sommes colossales issues du crime organisé. « On y vient pour faire de la “décaisse”, c’est-à-dire récupérer des espèces contre un virement vers un compte en Chine, depuis un autre compte auquel on ne peut pas accéder sans alerter d’éventuels enquêteurs ; ou, au contraire, se débarrasser d’espèces issues d’un trafic contre un virement depuis un compte chinois, vers un autre situé dans un pays moins regardant. »

Des voyous à la recherche de la moindre machine à laver


C’est peu dire que la grande criminalité a acquis son droit de résidence au sein du monde mafieux international. Cette pratique du blanchiment chinois le démontre. Mais il y a aussi le blanchiment local qui consiste à investir dans l’immobilier, la restauration.
La mise en cause récente d’un policier, d’une magistrate et d’une avocate dans leurs relations avec le Petit Bar démontre l’emprise de cette bande sur l’économie locale et, au-delà sa place dans le grand banditisme hexagonal. Difficile de ne pas parler de mafia dans un pareil cas.
Pour l’heure, on ne connaît pas l’étendue de l’emprise du gang ajaccien sur le reste de la Corse. Mais il n’en demeure pas moins qu’il a su se hisser à un niveau comparable à celui de la Brise de Mer.

GXC
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