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Immobilier : le beau sous le boisseau

De Porto-Vecchio à Ajaccio et sur la côte orientale un envahissement des paysages par une nouvelle forme immobilière : l'immeuble

Immobilier : le beau sous le boisseau


Quiconque se promène dans les environs de Porto-Vecchio, d’Ajaccio, sur la côte orientale ne peut que constater un envahissement des paysages par une nouvelle forme immobilière : l’immeuble. Parce que les terrains sont de plus en plus chers, parce que la préfecture préfère la densité à l’aéré, les promoteurs construisent au plus haut que leur permet la loi. Car cette laideur qui s’étale sur nos côtes est parfaitement conforme à la légalité.
Du coup, les associations de défense du littoral, dont on ne soulignera jamais assez l’opiniâtreté, en sont réduites à s’attaquer à des particuliers en infraction, mais à constater les dégâts produits par le légal et le laid au détriment du beau parfois en dehors des clous, mais jamais illégitime.

De faux débats


J’ai pris par le passé la défense de Murtoli, symbole pour les uns d’une insolente richesse qui se serait moquée de la loi et pour bien d’autres, hélas souvent silencieux, la réussite d’un projet étonnant, spectaculaire et, pour tout dire, enthousiasmant. Je défends Murtoli pour avoir connu ces lieux lorsqu’ils étaient dévastés chaque été par des hordes de touristes parfaitement insensibles au respect de la nature. Je défends Murtoli parce que lorsque je constate le massacre des lieux de mon enfance du côté de Picovaghja, de Bucca ll’Oru, massacre on ne plus légal, je me mets à rêver de ce que serait notre île si chacun avait été aussi respectueux des lieux que le sont les propriétaires de Murtoli. On m’a rétorqué que Murtoli était réservé aux riches. Ceux qui osent utiliser cet argument croient-ils sincèrement que les appartements de la rive sud d’Ajaccio à dix mille euros du mètre carré sont plus accessibles aux plus humbles de nos concitoyens ? Murtoli est, à mon humble avis, l’un des projets les plus réussis de cette génération en Corse.

L’échec relatif des associations


Qu’on ne me fasse pas dire ce que je ne pense pas. Sans les associations de défense du littoral, des projets immobiliers sans justification auraient vu le jour. Cela est incontestable. Mais ayons tous l’humilité de reconnaître le frein le plus efficace à la bétonisation de la Corse a été la violence clandestine et cela tout simplement parce que les services de l’État n’ont pas fait leur travail. Trop souvent, ils ont attendu les dénonciations des associations pour agir. Aujourd’hui, dans toute la France, les préfets privilégient les petites surfaces constructibles d’où la préférence donnée aux structures verticales (pas plus de trois étages) qui favorisent la multiplication des appartements, devenus une denrée spéculative. Et contre cela, personne n’y peut rien dès lors que c’est légal. Si bien sûr on continue de penser que la loi littoral et la loi montagne sont les remèdes au mal bétonnier. Le drame est qu’aujourd’hui les boucs émissaires de l’État, mais aussi des associations sont les maires, placés (on me pardonnera ce jeu de mots) entre l’arbre et l’écorce. La pression est terrible sur ces personnes qui, dans l’immense majorité des cas, se dévouent pour leurs concitoyens.

Un grand absent : le peuple corse


La Corse est le royaume de la passivité à tous les niveaux. Les autorités, qu’elles soient locales ou nationales, excellent dans le non-faire. Les uns pour ne pas prendre de risques, les autres pour ne pas se priver d’une clientèle attendent toujours le dernier moment pour se réveiller. Les citoyens ne sont guère plus actifs attendant que les substitutifs à leur indolence, agissent en leur nom : associations, organisations clandestines, collectifs. Mais qu’en pensent les citoyens qui forment le peuple. On n’en sait rien, car il n’est pas consulté. Vaste problème que celui de la démocratie, car le peuple n’est pas nécessairement sage. Mais il reste souverain. C’est à lui qu’appartient la décision finale pour le meilleur et pour le pire. S’il décidait par malheur vouloir le béton pour de mystérieuses raisons, il y aura du béton.
Par contre si les citoyens, dûment convaincus de la laideur de ces immeubles, s’élevaient contre et le faisaient savoir le béton cesserait de détruire les paysages. Personne n’est propriétaire ou gérant de la volonté populaire. Et puis il faudra enfin aborder un sujet toujours escamoté : celui de la Corse que désirons-nous laisser à nos enfants ? Quel projet de société désirons-nous élaborer ? Tout tourisme, tourisme de luxe, taxe de participation, vols low cost ou pas ? Or ça n’est pas aux associations pas plus qu’aux structures clandestines de décider ce que les Corses veulent. C’est aux Corses et à eux seuls. Voilà un débat essentiel qui jusque-là a été soigneusement évité. Et si les citoyens n’imposent pas cette démocratie directe eh bien tant pis pour eux. On a en définitive les régimes de gouvernance qu’on mérite.

GXC
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