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Réforme des institutions : l'Alsace prend date

Les élus de la collectivité Européenne d'Alsace ont confirmé leur revendication d'une région Alsace de plein exercice.....

Réforme des institutions : l’Alsace prend date

Dans la perspective de la réforme des institutions qu’Emmanuel Macron souhaite mettre en œuvre en 2024, les élus de la Collectivité Européenne d’Alsace (CEA) ont confirmé leur revendication d’une région Alsace de plein exercice et consultent la population pour enrichir le projet de future Région.


Le conflit social en cours et les dossiers corse et néo-calédonien ont presque fait passer inaperçu que, dans le cadre de la réforme des institutions qu’il souhaite mettre en œuvre en 2024, Emmanuel Macron envisage de redéfinir les limites territoriales de quatre grandes régions - Occitanie, Nouvelle-Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes, Grand Est - dont les contours ont été dessinés et imposés en 2015 durant le quinquennat de François Hollande.
Dans cette perspective, le 13 avril dernier, un acte fort d’anticipation a été posé par 74 des 80 membres (conseillers d’Alsace) de la Collectivité Européenne d’Alsace (CEA, collectivité territoriale née en 2021 de la fusion des collectivités départementales du Bas-Rhin et du Haut-Rhin). Ils ont adopté une délibération qui, d’une part, énonce leur aspiration à que l’Alsace soit sortie du Grand Est, devienne une région de plein exercice et cumule les compétences de la CEA et celles d’une région ; qui, d’autre part, approuve le lancement d’une action de démocratie participative (Construisons ensemble l'Alsace de demain, Contribution citoyenne). « Vos contributions enrichiront le projet de la future Région Alsace que ses élus mettront en œuvre avec les moyens qui seront définis par la loi. Nous avons fixé le cap du retour de l’Alsace comme région à part entière. Nous avons besoin maintenant de connaître l’avis des Alsaciens sur les grandes questions qui les préoccupent afin d’alimenter notre projet politique » a expliqué le Président de la CEA. L’adoption de cette délibération ne représente pas une grande surprise. En effet, depuis la création du Grand Est en 2015, les enquêtes d’opinion indiquent une aspiration des Alsaciens à quitter le Grand Est et à revenir à une région Alsace à part entière, qui est relayée par des élus de tous bords et incite Paris à la vigilance et à l’écoute.

Création de la CEA


En octobre 2018, à la suite de la remise d’un rapport du préfet de la région Grand Est et des discussions ayant suivi, l’État et les élus des département du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ont signé une déclaration commune prévoyant la création de la CEA dont le territoire, en réunissant les territoires du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, serait identique à celui de l’ex-région Alsace. Le 1er janvier 2021, cette nouvelle collectivité relevant de la catégorie juridique d’un département mais dotée de davantage de compétences, a été mise en place. Son installation officielle a eu lieu à Colmar. Frédéric Bierry, ancien président du Conseil départemental du Bas-Rhin, a été élu à la présidence. D’autres faits ou initiatives ont révélé l’aspiration à ce que l’Alsace redevienne une région à part entière.
En février 2017, les Conseils départementaux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ont adopté une motion commune en faveur de la « renaissance institutionnelle et politique de l’Alsace ». En février 2022, lors d’une consultation locale organisée par la CEA, 92,4 % des votants se sont prononcés pour la sortie de l’Alsace de la région Grand Est (vote informel par courrier ou internet, sans valeur juridique, ayant mobilisé 153 000 des 1 307873 inscrits constituant le corps électoral alsacien). En juin 2022, deux députés alsaciens Les Républicains ont déposé une proposition de loi pour obtenir l'établissement d'une région Alsace. En septembre 2022, des élus alsaciens ont été reçus par le ministre de l’Intérieur pour examiner les possibilités d’évolution de la CEA. Enfin, en décembre 2022, une dizaine de parlementaires alsaciens de la majorité présidentielle ont déposé une proposition de loi pour la création d'une région Alsace « pleine et entière ». L’un des signataires de la proposition a expliqué : « Le texte vise à donner à la Collectivité Européenne d’Alsace les ressources et les compétences régionales lui permettant d’agir sur l’ensemble du territoire tant sur le développement économique que sur le transport, le tourisme ou encore l’environnement. »

De fortes oppositions


La délibération du 13 avril dernier exprime une forte détermination. Il en faut car les opposants au retour à une région Alsace sont nombreux et vindicatifs. Au sein de la CEA, les conseillers de gauche ont affiché leur opposition. Deux d’entre eux ont voté contre (Parti Socialiste), les quatre autres (Alsace écologiste, citoyenne et solidaire) ont boycotté la séquence de vote. Pour expliquer leur boycot, les intéressés ont expliqué dans un communiqué que tout en n'étant pas a priori opposés à une sortie du Grand Est, ils refusaient que la question institutionnelle « serve d'écran de fumée aux nombreuses insuffisances du projet politique de M. Bierry
et assuré : « Nous pouvons parler d'Alsace mais nous devons surtout agir pour les Alsaciens et les Alsaciennes ». L’un d’eux a ajouté « Près de 300 enfants sont en attente de placement en Alsace. Plusieurs collèges n'ont toujours pas de cantines, certainement pour faire des économies […] La CEA ne parvient pas à assumer ses compétences sur ces sujets, comment vont-ils le faire lorsque l'Alsace sera sortie du Grand Est ? » Le président du Conseil régional Grand Est et la plupart des conseillers régionaux de Lorraine, de Champagne, des Ardennes et d’Alsace sont hostiles à ce que l’Alsace puisse larguer les amarres. Ainsi la Présidente du groupe Majorité régionale a dénoncé une ambition personnelle et invoqué la nécessité d’une grande région : « Frédéric Bierry cherche à exister […] En Europe, tout se joue à l'échelle des régions qu'il faut renforcer », alors que le leader de l’opposition (groupe Gauche solidaire et écologiste) a de son côté proclamé rester favorable à des grandes régions « un peu à l'image de celles de nos voisins allemands ». En Alsace-même, si la quasi totalité des conseillers d’Alsace, plusieurs parlementaires et la plupart des maires ruraux sont favorables à un retour à la région Alsace, les maires des deux principales villes (Strasbourg, Mulhouse) et plusieurs autres élus sont plus que réticents. En conclusion : le Président de la République semble certes favorable à un redécoupage des grandes régions qui ont été créées en 2015, mais rien n’est gagné pour l’Alsace car les opposants sont influents et sauront se faire entendre. D’autant que Carole Delga qui préside la région Occitanie ainsi que Régions de France, institution qui, en les personnes de leurs présidents, réunit et représente les Régions et Collectivités régionales de métropole et d’Outre-mer, a fait savoir que la grande majorité de ces présidents et des conseillers régionaux étaient opposé à toute modification des frontières des régions. Nous nous sentons moins seuls...

Pierre Corsi




La Collectivité Européenne d’Alsace (CEA)


Organisation

- Catégorie juridique : département.
- Siège : Colmar.
- Organe délibérant : Conseil départemental (Assemblée d’Alsace) composé de 80 conseillers départementaux (conseillers d'Alsace).
- Président du Conseil départemental : élu par les conseillers d’Alsace ; chef de l’exécutif, à ce titre oriente et met en place les politiques de la CEA, préside et dirige les débats de l’Assemblée d’Alsace; prépare et exécute les délibérations, élabore et exécute le budget, dirige l’ensemble des services.

Compétences

Mêmes compétences que celles dévolues aux départements et compétences spécifiques suivantes :
- Organisation de la coopération transfrontalière avec l’Allemagne et la Suisse (chef de file).
- Gestion des routes et autoroutes non concédées classées dans le domaine public routier national.
- Promotion du bilinguisme
- Animation et coordination de la politique touristique.



Construisons ensemble l'Alsace de demain, Contribution citoyenne

A partir d’une plateforme numérique ou du bulletin de participation inséré dans le magazine Toute l'Alsace (magazine du CEA distribué dans les boîtes aux lettres) par voie postale, les Alsaciens peuvent participer à la définition d'un « projet territorial » en s'exprimant sur cinq grands thèmes : la solidarité et les soins, les transitions énergétiques et environnementales, l'attractivité économique et l'emploi, les services publics, et la culture et l'éducation. L'objectif, pour Frédéric Bierry, est que cette initiative « donne de la force pour négocier une évolution institutionnelle » dans le cadre de la loi de décentralisation qui pourrait être adoptée et mise en œuvre en 2024. La Contribution citoyenne aboutira à un texte qui sera examiné le 18 décembre 2023 lors d'une séance plénière de la CEA.
 
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