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Du coup .... Parle-t-on de dialecte, de patois, de régionalisme, de langue ?

Un sujet pour le moins épineux dans le contexte actuel où les échanges tendus au sujet de langues et d’identités régionales et nationales se multiplient.
Du coup…

Parle-t-on de dialecte, de patois, de régionalisme, de langue ? Un sujet pour le moins épineux dans le contexte actuel où les échanges tendus au sujet de langues et d’identités régionales et nationales se multiplient. La question de la langue et de sa défense est loin d’être la chasse gardée des spécialistes ou des militants.


Variations régionales

Régulièrement des mots ou expressions viennent rappeler que le français est loin d’être standard et comporte beaucoup de particularités. Souvenons-nous du débat autour de chocolatine, lancé par Jean-François Coppé en 2016. Selon les régions, cette chocolatine est un petit pain ou plus souvent un pain au chocolat. De nombreuses expressions varient selon les régions. Ainsi, pour désigner un « touriste » ou un « étranger à la région », en Corse on parle de pinzutu, c’est une personne qui vient de France hexagonale, autrement dit : « du continent ». Dans la lutte pour l’indépendance, les Corses ont défini leur identité par opposition aux Lucchesi – les Lucquois, façon péjorative de désigner les Italiens – et aux Pinzuti, d’autre part. Un programme d’enquêtes Français de nos Régions permet de recueillir comment voyagent les mots et expressions locaux jusqu’à les cartographier et les expliciter. Depuis la fin du XVIIe siècle, des spécialistes de la langue (grammairiens, instituteurs, correcteurs, journalistes, etc.) – voire de simples amateurs – ont tenté de répertorier les particularités locales du français des gens qui les entouraient. L’objectif était d’en souligner le côté fautif pour mieux les corriger et les faire disparaître. Au début du XXe siècle, on punissait encore les élèves qui employaient des mots de patois à l’école. Depuis, il est admis que les régionalismes font partie de l’identité de tous les francophones, de leur culture, de leur patrimoine. Et les langues régionales sont enseignées dans les écoles. Selon une enquête sur la langue corse commandée par la collectivité de Corse, 39 % des adultes vivant dans l’île sont des locuteurs actifs.

Attention au snobisme

Après « Voilà ! » et « Pas de soucis », qui suscitèrent en leur temps critiques et controverses, des expressions jugées « fautives », voire impolies, voici le tour de « du coup ». Cette locution adverbiale est considérée comme un tic de langage. Le phénomène est banal : une fois qu’on a remarqué un fait, on ne voit plus que lui, d’où cette impression que « du coup », qui passait inaperçu malgré sa fréquence, est désormais sous le feu des projecteurs. D’autant qu’il est très employé à l’oral, en tant que connecteur discursif. Ce qui le rend passablement détestable est sa fréquence, à toutes les sauces, et plusieurs fois dans un même discours. S’il peut être remplacé par d’autres connecteurs, il est aussi de bon ton de faire attention au jugement moral derrière le jugement du discours. Car on est habitué au discours normatif et au poids d’une vision scolaire de la langue fondée sur l’apprentissage de l’écriture. Cette vision puriste conduit à se priver des outils linguistiques qui fluidifient la communication orale. D’autant qu’il ne faut pas négliger que ce sont les locuteurs qui définissent la norme, et non l’inverse. N’oublions pas qu’il existe autant de normes qu’il existe de régions. Et que les langues dites régionales ont un passé précieux sur lequel se fonde la langue dominante.

Langue d’usage

Les dispositions de l’article 2 de la ­Constitution du 4 octobre 1958 en vertu desquelles « La langue de la République est le français » sont souvent celles utilisées pour trancher la question de la langue à utiliser dans le cadre de la rédaction des documents administratifs. Par extension, « l’usage du français s’impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l’exercice d’une mission de service ­public ». Pourtant, il faut aussi l’associer à l’­article 75-1 de la ­Constitution, qui précise que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la ­France. Car si l’usage de la langue corse est anticonstitutionnel dans les hémicycles, elle n’en reste pas moins vivace. Même Tinder, l’application de rencontre, s’est mise au corse, puisque depuis le 12 juin, il est possible d’afficher le corse comme langue parlée sur son profil. Preuve que les langues régionales redeviennent sexy et ont le vent en poupe. La marche des fiertés n’est pas que pour l’appartenance à un genre ou une orientation sexuelle, c’est aussi celle de l’identité et l’appartenance à une région.

Maria Mariana
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