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Core in Fronte : la carte du pragmatisme

Le parti de Paul-Félix Benedetti adopte la posture d'acteur responsable et rigoureux,.....
Core in Fronte : la carte du pragmatisme

Le parti de Paul-Félix Benedetti adopte la posture d’acteur responsable et rigoureux, affirme sa volonté de tout faire pour éviter la division du camp nationaliste et se positionne en gardien des fondamentaux du nationalisme.



Quelques jours après le vote par ses six élus de la délibération du 5 juillet relative au statut d’autonomie, Core in Fronte a rendu public un long document d’analyse et d’explication dans lequel, en premier lieu, il affiche sa satisfaction. D’abord concernant l’issue des débats : « L’adoption, par une forte majorité, de la délibération portant sur l’autonomie de la Corse est à situer comme une potentielle étape supplémentaire dans l’histoire récente des évolutions institutionnelles qu’a connues notre pays ». Ensuite concernant son apport avant et durant la session car, selon le parti, la délibération du 5 juillet témoigne de « la portée et de la hauteur de ses propositions », notamment du fait qu’a été retenue l’option « Titre XII bis pour la Corse » comme solution constitutionnelle. Core in Fronte a enfoncé plus profondément encore le clou de la satisfaction en ajoutant : « Cette proposition était, en matière institutionnelle, la plus haute jamais formulée, elle est aujourd’hui la proposition majoritaire de la CDC et de toute la Corse (...) Nous nous félicitons de ce saut qualitatif. »


Adhésion à une logique de souveraineté



Sur le fond, le document livre une interprétation a maxima de la délibération du 5 juillet. En effet, selon ses rédacteurs, les élus ayant voté ce texte ont au moins implicitement adhéré à une logique de souveraineté :
« Ils ont su, dans le respect des différences et des divergences, partager avec nous cet audacieux rapport (…) pour ancrer la Corse dans un logique de maîtrise effective des outils de sa souveraineté ». Pour étayer cette interprétation a maxima, les rédacteurs ont suggéré que l’intégration dans la délibération de la proposition de titre XII bis en ayant «nourri les débats », a ouvert une voie vers la prise en compte du droit à l’autodétermination. Et pour qui n’aurait pas compris la dimension qu’il entend donner à la délibération et l’exploitation qu’il veut en tirer pour aller plus loin, les rédacteurs ont ajouté : « L’autonomie constitue à nos yeux une étape importante adossée à une clause de revoyure stipulée d’ailleurs dans le projet de loi organique relative à la Corse proposée par la motion du 5 juillet. La motion précise que devront être actées les conditions et la composition du corps électoral selon lesquelles les Corses seront à nouveau consultés par voie de référendum concernant l’évolution du statut d’autonomie ».


Un schisme politique majeur



Le document énonce aussi des conclusions sur l’état du champ politique tirées d’une interprétation du vote de la délibération du 5 juillet et des débats ayant précédé. Selon les rédacteurs, chaque force politique corse représentée dans l’hémicycle de l’Assemblée de Corse a été contrainte de se découvrir et d’assumer un positionnement. Ce qui a mis en exergue « un schisme politique majeur »
entre « des parties prenante d’un projet s’inscrivant résolument dans le mouvement de notre histoire » et « des tenants de l’archaïsme, hostiles à toute évolution ». Il ressort donc nettement qu’il est ainsi quasiment désigné un « parti corse » et un « parti français ». C’est d’autant plus lisible que les rédacteurs du document ont forcé le trait. D’une part, le régionalisme qu’a défendu Un Soffiu Novu à travers sa proposition de constitutionnaliser un pouvoir d’adaptation des lois (par l’Assemblée de Corse dans le cadre de tout son domaine de compétences), est dénoncé comme étant une « illusion » relevant d’un archaïsme et d’une hostilité à toute évolution. D’autre part, il est suggéré que Un Soffiu Novu était manipulé : « Son instrumentalisation par les affidés du pouvoir français a démontré clairement son rôle dévolu de courroie de transmission (…) Ce rôle est d’autant plus dangereux qu’il mine et tente de circonscrire débat et projet pour imposer en lieu et place un nouvel encadrement institutionnel octroyé et surveillé (…) Ce rôle s’inscrit dans le sillage d’une CFR que l’on croyait disparue. Il a vocation à matérialiser, à travers même la Collectivité de Corse, ces capitulardes lignes rouges que le gouvernement français avait déjà signifiées ». Selon les rédacteur, se découvrir et assumer un positionnement va devoir aussi et très vite s’imposer à l’État car le vote du 5 juillet le met au pied du mur : « L’État français a obligation de choisir entre la validation démocratique d’un option politique courageuse, faisant acte d’initiative et de réparation historique, et l’option de réfutation, outrepassant le choix du peuple pour laisser place à une logique de coercition autoritaire centraliste ».


Rassurer les militants et sympathisants



Enfin, il semble bien que le document ait aussi vocation à rassurer des sympathisants Core in Fronte qui ont cru voir, dans le vote de la délibération du 5 juillet par les élus du parti, une complaisance envers la majorité siméoniste. Les rédacteurs rappellent qu’il importait ne pas donner prise à des manœuvres visant inciter les nationalistes à se diviser : « L’ensemble du Mouvement national a su éviter l’écueil de la fragmentation planifiée, de la la dissension attendue et de l’abjuration fomentée ». Les rédacteurs assurent que l’objectif du parti n’a pas changé : « Le patriotisme corse que nous soutenons ne saurait se dissoudre dans un politiquement correct servile (…) Nous entendons, encore et toujours, sans renonciation, ni reniement aucun, reposer notre projet d’une Corse libre et souveraine (…) Nous entendons continuer notre mobilisation pour la Corse indépendante ».


Acteur responsable et rigoureux



Qu’en conclure ? Le parti de Paul-Félix Benedetti joue le pragmatisme. Il adopte la posture d’acteur responsable et rigoureux en acceptant le projet autonomiste tout en faisant savoir qu’il le considère comme une étape vers la pleine souveraineté. Il affirme sa volonté de tout faire pour éviter la division du camp nationaliste tout en étant en désaccord avec la finalité, l’autonomie, défendue par Gilles Simeoni et ses amis. Enfin, il se positionne en gardien des fondamentaux du nationalisme : « Le patriotisme corse que nous soutenons ne saurait se dissoudre dans un politiquement correct servile. » Le choix du pragmatisme a d’ailleurs été confirmé lors de l’événement annuel et désormais traditionnel du parti. En effet, à l’occasion de la quatrième édition des Scontri Populari qui a eu lieu le 16 juillet dernier à Ponte Novu, Core in Fronte a confirmé son attachement à la « convergence patriotique », renouvelé son exigence d’un « Titre XII bis pour la Corse » et d’un droit de « revoyure » laissant ouverte la porte vers la pleine souveraineté et affirmé la nécessité de « créer les conditions d'un rapport de force populaire avec le gouvernement français ».


Pierre Corsi
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