Dui anni Dopu : u focu ùn hè spentu
Le processus Beauvau ne saurait satisfaire une grande partie de la base nationaliste.......
Dui anni dopu : u focu un n’hè spentu
Il est évident que l’épilogue proche et prévisible du processus Beauvau ne saurait satisfaire une grande partie de la base nationaliste dont un bon millier de militants et sympathisants a défilé, le 2 mars dernier à Bastia.
Gérald Darmanin a abattu ses cartes et fixé un cadre qui ne devrait guère varier, qui sera à prendre ou à laisser et qui devra passer la barre du Sénat et du Congrès. La Corse aura sa place dans la Constitution mais devra sans doute se contenter d’un article. La spécificité corse sera réduite à la reconnaissance d’une « singularité » insulaire octroyée moyennant l’acceptation d’un ancrage au sein de la République. La Corse sera reconnue en tant que collectivité territoriale dotée d'une autonomie « définie par un statut qui tient compte des spécificités de la communauté insulaire, historique, linguistique et culturelle » au sein de la République, ce qui signifie que le peuple corse ne sera ainsi ni reconnu, ni en conséquence considéré comme ayant des droits historiques lui donnant légitimité de décider librement de son destin. La Collectivité de Corse pourra demander des adaptations ou des règles spécifiques dans le périmètre de ses compétences mais ce périmètre restera rigoureusement délimité et les conseillers territoriaux devront se passer du pouvoir de légiférer. En outre, concernant ce domaine, le choix de Gérald Darmanin de mettre en place ces dispositions dans le cadre de l'article 74-1 de la Constitution, déterminera des conditions peu favorable à en croire l’universitaire Andria Fazi. En effet, très au fait des questions institutionnelles, ce dernier a émis de grandes réserves : « L’habilitation à adapter serait donnée au cas par cas et au bon vouloir du Parlement, et du gouvernement. Ceci existe depuis 2007 dans les DROM et les résultats sont insignifiants. D’ailleurs les projets de loi constitutionnel de 2018 et 2019 tiraient un constat d‘échec et prévoyaient un assouplissement sensible de la procédure ». La langue corse pourra être un peu plus enseignée mais la coofficialité porteuse d’enseignement et d’un usage obligatoires est retoquée. Au mieux, une notion de résidence sera introduite dans la question foncière et immobilière mais le statut de résident qui permettrait une réelle préférence locale en tous les domaines sera mis au rencart. Les déclinaisons de tout cela dans une loi organique resteront soumises aux humeurs des députés et sénateurs. Enfin, bien des questions clivantes ou problématiques, notamment la métropole ajacienne et la modification du mode scrutin territorial, resteront pendantes.
Scepticisme, rejet et étrange argumentation
Trois jours après le souper de Beauvau, le 29 février dernier, les élus de l’Assemblée de Corse ont fait le point. Chaque groupe s’est exprimé. Il n’est par surprenant que Femu a Corsica, PNC-Avanzemu et la plupart des élus de droite aient les uns montré faire contre mauvaise fortune bon cœur, les autres affiché de la satisfaction. Il n’est pas surprenant non plus que Core in Fronte ait fait part de son scepticisme. Paul Quastana a relevé que Gérald Darmanin avait transformé le respect de la minorité en droit de veto, que de ce fait la délibération du 5 juillet était précipitée dans les oubliettes, que les fondamentaux du nationalisme étaient mis hors jeu et que certains faisaient le choix de céder par avance au jacobinisme des sénateurs. Et pour bien se faire comprendre, il a asséné : « On a la définition d'une communauté, avec sa langue, sa culture, sa terre, et cetera. Une communauté, c'est pas un peuple, un peuple a des droits, une communauté n'en a pas. » Quant à l’intervention de Josepha Giacometti, elle n’a pas suscité l’étonnement. La conseillère Nazione a énoncé un constat d’échec et un rejet : « Nous n'avons pas d'accord préalable, ni de paix ni de résolution du conflit. » Ces deux interventions ont fait que le Président du Conseil exécutif a dû, pour appuyer l’appel à la responsabilité et à l’union qu’il avait formulé en début de séance, se lancer dans une argumentation pour le moins étrange car se basant sur une éludation de la délibération du 5 juillet et une demande de révision constitutionnelle minimaliste portée par les nationalistes unis en 2018 : « Dans la demande de révision que nous avons porté ensemble à l'époque, il n'y avait aucune référence à la notion de peuple, il n’y avait aucune référence à la co-officialité […] Dans le domaine foncier et immobilier il n'y avait aucune référence au statut de résident, donc sur les trois points fondamentaux que vous avez évoqué, nous sommes bien au-delà aujourd'hui sur le contenu et bien au-delà sur la légitimité démocratique »
Avemu manghjatu i lacrimo
Il est évident que l’épilogue proche et prévisible du processus Beauvau ne saurait satisfaire une grande partie de la base nationaliste dont un bon millier de militants et sympathisants a défilé, le 2 mars dernier à Bastia, pour rendre hommage à Yvan Colonna et crier « Basta a ripressione », et qui se reconnaît dans ces mots écrits par de jeunes militants sur une banderole : « Avemu manghjatu i lacrimo per vede vi tichjà vi in Beauvau » (Nous avons mangé des gaz lacrymogènes pour vous voir vous goinfrer à Beauvau). Cette partie de la base fait sienne ces paroles de Jean-Philippe Antolini, porte-parole de Patriotti et de Nazione : « Les droits du peuple corse doivent être reconnus sur sa terre pour que celui-ci puisse y vivre et y travailler en étant respecté. » Cette partie de la base soutient le retour au premier plan du FLNC, ce dernier s’étant d’ailleurs à nouveau et récemment manifesté en distribuant des tracts lors d’une soirée culturelle estudiantine. Cette partie de la base est solidaires des « peintres » et des « ninjas » qui ont affronté les forces de l’ordre à la fin de la manifestation de Bastia. Il semble donc que soit justifié ce récent titre de Corse Matin : « Une voix dissonante chez les nationaliste ». Il semble bien qu’au souper de Beauvau sous les ors de la République, un nombre non négligeable de nationaliste préfère les barbecues de conteneurs à déchets et de palettes des fins de manifestation. Dui anni dopu a morte tragica d’Yvan Colonna, u focu un n’hè spentu.
Pierre Corsi
Il est évident que l’épilogue proche et prévisible du processus Beauvau ne saurait satisfaire une grande partie de la base nationaliste dont un bon millier de militants et sympathisants a défilé, le 2 mars dernier à Bastia.
Gérald Darmanin a abattu ses cartes et fixé un cadre qui ne devrait guère varier, qui sera à prendre ou à laisser et qui devra passer la barre du Sénat et du Congrès. La Corse aura sa place dans la Constitution mais devra sans doute se contenter d’un article. La spécificité corse sera réduite à la reconnaissance d’une « singularité » insulaire octroyée moyennant l’acceptation d’un ancrage au sein de la République. La Corse sera reconnue en tant que collectivité territoriale dotée d'une autonomie « définie par un statut qui tient compte des spécificités de la communauté insulaire, historique, linguistique et culturelle » au sein de la République, ce qui signifie que le peuple corse ne sera ainsi ni reconnu, ni en conséquence considéré comme ayant des droits historiques lui donnant légitimité de décider librement de son destin. La Collectivité de Corse pourra demander des adaptations ou des règles spécifiques dans le périmètre de ses compétences mais ce périmètre restera rigoureusement délimité et les conseillers territoriaux devront se passer du pouvoir de légiférer. En outre, concernant ce domaine, le choix de Gérald Darmanin de mettre en place ces dispositions dans le cadre de l'article 74-1 de la Constitution, déterminera des conditions peu favorable à en croire l’universitaire Andria Fazi. En effet, très au fait des questions institutionnelles, ce dernier a émis de grandes réserves : « L’habilitation à adapter serait donnée au cas par cas et au bon vouloir du Parlement, et du gouvernement. Ceci existe depuis 2007 dans les DROM et les résultats sont insignifiants. D’ailleurs les projets de loi constitutionnel de 2018 et 2019 tiraient un constat d‘échec et prévoyaient un assouplissement sensible de la procédure ». La langue corse pourra être un peu plus enseignée mais la coofficialité porteuse d’enseignement et d’un usage obligatoires est retoquée. Au mieux, une notion de résidence sera introduite dans la question foncière et immobilière mais le statut de résident qui permettrait une réelle préférence locale en tous les domaines sera mis au rencart. Les déclinaisons de tout cela dans une loi organique resteront soumises aux humeurs des députés et sénateurs. Enfin, bien des questions clivantes ou problématiques, notamment la métropole ajacienne et la modification du mode scrutin territorial, resteront pendantes.
Scepticisme, rejet et étrange argumentation
Trois jours après le souper de Beauvau, le 29 février dernier, les élus de l’Assemblée de Corse ont fait le point. Chaque groupe s’est exprimé. Il n’est par surprenant que Femu a Corsica, PNC-Avanzemu et la plupart des élus de droite aient les uns montré faire contre mauvaise fortune bon cœur, les autres affiché de la satisfaction. Il n’est pas surprenant non plus que Core in Fronte ait fait part de son scepticisme. Paul Quastana a relevé que Gérald Darmanin avait transformé le respect de la minorité en droit de veto, que de ce fait la délibération du 5 juillet était précipitée dans les oubliettes, que les fondamentaux du nationalisme étaient mis hors jeu et que certains faisaient le choix de céder par avance au jacobinisme des sénateurs. Et pour bien se faire comprendre, il a asséné : « On a la définition d'une communauté, avec sa langue, sa culture, sa terre, et cetera. Une communauté, c'est pas un peuple, un peuple a des droits, une communauté n'en a pas. » Quant à l’intervention de Josepha Giacometti, elle n’a pas suscité l’étonnement. La conseillère Nazione a énoncé un constat d’échec et un rejet : « Nous n'avons pas d'accord préalable, ni de paix ni de résolution du conflit. » Ces deux interventions ont fait que le Président du Conseil exécutif a dû, pour appuyer l’appel à la responsabilité et à l’union qu’il avait formulé en début de séance, se lancer dans une argumentation pour le moins étrange car se basant sur une éludation de la délibération du 5 juillet et une demande de révision constitutionnelle minimaliste portée par les nationalistes unis en 2018 : « Dans la demande de révision que nous avons porté ensemble à l'époque, il n'y avait aucune référence à la notion de peuple, il n’y avait aucune référence à la co-officialité […] Dans le domaine foncier et immobilier il n'y avait aucune référence au statut de résident, donc sur les trois points fondamentaux que vous avez évoqué, nous sommes bien au-delà aujourd'hui sur le contenu et bien au-delà sur la légitimité démocratique »
Avemu manghjatu i lacrimo
Il est évident que l’épilogue proche et prévisible du processus Beauvau ne saurait satisfaire une grande partie de la base nationaliste dont un bon millier de militants et sympathisants a défilé, le 2 mars dernier à Bastia, pour rendre hommage à Yvan Colonna et crier « Basta a ripressione », et qui se reconnaît dans ces mots écrits par de jeunes militants sur une banderole : « Avemu manghjatu i lacrimo per vede vi tichjà vi in Beauvau » (Nous avons mangé des gaz lacrymogènes pour vous voir vous goinfrer à Beauvau). Cette partie de la base fait sienne ces paroles de Jean-Philippe Antolini, porte-parole de Patriotti et de Nazione : « Les droits du peuple corse doivent être reconnus sur sa terre pour que celui-ci puisse y vivre et y travailler en étant respecté. » Cette partie de la base soutient le retour au premier plan du FLNC, ce dernier s’étant d’ailleurs à nouveau et récemment manifesté en distribuant des tracts lors d’une soirée culturelle estudiantine. Cette partie de la base est solidaires des « peintres » et des « ninjas » qui ont affronté les forces de l’ordre à la fin de la manifestation de Bastia. Il semble donc que soit justifié ce récent titre de Corse Matin : « Une voix dissonante chez les nationaliste ». Il semble bien qu’au souper de Beauvau sous les ors de la République, un nombre non négligeable de nationaliste préfère les barbecues de conteneurs à déchets et de palettes des fins de manifestation. Dui anni dopu a morte tragica d’Yvan Colonna, u focu un n’hè spentu.
Pierre Corsi