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Festival des "Nuits Med" 2025

Emotion -Rire - Singularités au palmarès

Festival des « Nuits Med » 2025
Emotion. Rire. Singularités au palmarès



Neuf courts-métrages primés au palmarès au festival des « Nuits Med » de cette année. Des sujets très divers. Des talents à découvrir. Des images subtiles. Des récits, pour certains, conduits avec brio. Bref, des courts sachant dire leurs univers pluriels. Des comédiens efficaces… Et une magnifique enfant de six ans qui crève l’écran, Alya Tebbal dans « L’oncle ». Une révélation !




Un sacré coup au cœur

Grand Prix des « Nuits Med » de la « Section méditerranée », « Upshot » de Maha Haj, cinéaste palestinienne qui a déjà obtenu de nombreuses récompenses dans des festivals. « Upshot » ou la sobriété et la puissance. Une histoire en apparence arachnéenne mais qui vous assène un coup foudroyant au cœur. Un couple, Lubna et Suleiman, retiré dans une vallée solitaire de Galilée. Il soigne ses oliviers. Elle s’occupe de la maison. Leurs journées sont rythmées par les repas, moments où ils échangent des riens ou presque. Souvent leurs discussions tournent autour des choix de vie de leurs cinq enfants vivants loin d’eux. La nuit, règnent les oiseaux. Le jour une gaze de brume flotte sur leur oliveraie. C’est l’automne une saison où la pluie peut tomber à sceaux. Un quotidien ordinaire et feutré. Survient un visiteur inattendu. Messager d’une tragédie qui les transperce. A cet instant le jeu des acteurs est remarquable par son économie de moyens : quelques rides qui se durcissent, quelques frémissements de lèvres qui se crispent, quelques regards qui s’aiguisent. Puis retour à la normale de leurs traits, manière de cacher leur peine énorme. Pudeur.

« Better than the earth » de Shérif Elbendary, Prix Allindi, traite d’une thématique assez inédite dans le cinéma des pays arabes : l’homosexualité féminine. Le cadre ? Une résidence universitaire cairote pour étudiantes. Le cinéaste procède à pas de loup. D’où la nécessité de décrypter avec une vigilance soutenue atmosphère des lieux exclusivement féminine et comportement de la protagoniste principale, Radwa. Hétérosexuelle affichée, elle se plaint de l’attitude de sa colocataire, Sarah, auprès de Magda, directrice de ce pensionnat. De quoi l’accuse-t-elle ? De harcèlement. Mensonge ? Vérité ? Un doute fuse car Radwa traine un air bizarre. Un air ressemblant à de la culpabilité. Mais est-ce si sûr ? En fouillant les affaires de Sarah les responsables de l’établissement trouvent un tee-shirt aux couleurs LGBT. Est-ce la preuve de son lesbianisme ? Radwa affiche une mine de plus en plus sombre qui devient dévastée lorsque Sarah est retrouvée morte, baignant dans une mare de sang, enfermée dans des WC. Quelle explication avancer ? Urgence… ne doit-on pas se rappeler qu’en Egypte être lesbienne équivaut à la damnation !

Deux Algériens dans un cimetière allemand

Le court-métrage de Clément Carvin nous amène à « Montesoro », non le quartier, mais le carré où sont enterrés des soldats allemands tués pendant le deuxième conflit mondial du XX è siècle. Là, deux solitaires discutent. Deux Algériens aussi étrangers que les hommes gisants sous terre. Deux ouvriers qui travaillent le jour dans une sablière et qui, la nuit, semblent veiller sur cette portion de « champ des morts » accompagnant ainsi le sommeil éternel d’ennemis d’hier. Le réalisateur suggère plus qu’il n’explicite et c’est très bien. Cela suffit en tous cas pour en dire long ! Le film a reçu le Prix RCFM pour sa musique composée par Célia Picciochi.

D’un ton radicalement différent, « Le diable et la bicyclette » de Sharon Hakim, qui avec une infinie audace – on pourrait écrire courage ! - pratique un humour décapant avec en points de mire émois sexuels d’une communiante sur un vélo et rituel de l’Eglise. Dilemme de l’adolescente : Jésus ou le réparateur tendrement ironique de sa bicyclette… Un film drôle. Culotté. Gentiment blasphématoire. Une réalisation surprenante couronnée par les « Nuits Med » d’une Mention spéciale « coup de cœur ».

Autre Mention spéciale décernée par le festival corse, « Morra murrina » de Miché D’Onofrio. On retrouve la saveur de la farce qui plaisait tant à nos anciens. On rit parce que les comédiens, Didier Ferrari et Jean François Perrone, forment un truculent duo. Sur une musique d’EPPÓ, la comédie au ton blagueur suit un rythme qui colle au jeu de mains – pardon de doigts – du binôme Batti et Don Jean. On devine ce qui va se passer et on en est ravi. C’est un peu comme au Guignol où l’on serait bien marri d’avoir tout faux en ayant cru que nos deux héros n’allaient pas remporter le concours de morra de leur microrégion ! Nos deux nigauds ne doivent-ils pas, en effet, être vainqueurs car c’est la loi du genre.

Transgresser une coutume périmée

« Les gardiennes de nuit » de Nina Khada, ont valu à Sonia Faidi, une jeune comédienne très remarquée, une Mention spéciale pour son interprétation. Dans son rôle de Nora elle incarne avec beaucoup de sensibilité une fille de 20 ans, qui vient de perdre sa grand-mère. Une aïeule à qui elle doit beaucoup et dont elle accompagne le corps dans son retour en Algérie que celle-ci a quitté il y a des décennies pour suivre son époux. Fatima, la grand-mère est le symbole de l’arrachement à la terre, de la déperdition d’âme, malgré elle, d’une part de sa culture. Fatima ou une figure de l’exil, d’un ailleurs supporté plus que véritablement vécu. Fatima, qui a su envers et contre tout transmettre à Nora des valeurs essentielles. Au pays,Nora est perturbée, choquée parce que la coutume lui interdit d’assister à l’enterrement de celle qu’elle chérit. Qu’importe les lois édictées par le patriarcat souverain, elle va les transgresser, soutenue par sa tante. Peu à peu Sonia Faidi est une Nora affligée par son deuil, puis elle enrage de la situation qu’elle subit. Enfin la révolte va l’emporter sur son chagrin pour le sublimer : elle sera présente lorsque sa grand-mère sera mise en terre. Et son devoir accompli ce sera l’apaisement. Un apaisement rayonnant.

Le palmarès de la Section Premier film a été l’occasion d’excellentes surprises. « Mort d’un acteur » d’Ambroise Rateau, primé par le cinéma parisien « Grand Action » est une réussite rare pour un premier essai cinématographique. Certes ce court-métrage doit énormément à Philippe Rebbot, mais… pas que ! Le réalisateur est un maestro de l’image. Truculent son récit qui évolue du dérisoire au burlesque, de l’ironie acide à l’absurde, de la malignité à la naïveté, qui peut rassurer ou faire très mal, de la stupéfaction baroque à la clownerie primaire. Scénario impeccable. Gags à la chaîne et toujours renouvelés. On rit de cette satire du temps actuel soumis à l’ineptie des réseaux sociaux finalement domptés par des renversements de pacotilles. Mimiques, tics, gestuelle de Philippe Rebbot viennent fleurir un feu d’artificesdrolatique, d’autant que le comédien n’hésite pas à en rajouter des tonnes à la façon d’un Jerry Lewis jamais avare d’excès. Et ça marche avec une cascade de scènes hilarantes. Au cinéma il est plus facile de faire pleurer, faire rire exige d’avoir un don, voire du génie !

Père idéal et gentils monstres

« Les petits monstres » de Pablo Léridon a emporté un Prix du jury bien mérité. Avec ce film on va du côté des handicapés. Ils sont jeunes, à peine adolescent pour l’un d’eux. Assis dans un van qui va les transporter à l’endroit de leur occupation journalière, ils se disputent, s’égueulent, prêts à n’importe quelle bêtise en l’absence momentanée de leur accompagnatrice. Histoire au bon tempo, allègre même. Et ce qui doit arriver… arrive ! Preuve que la connerie n’est pas l’apanage des valides ! En prime un humour à peine grinçant… crissant plutôt.

Le Prix des « Nuits Med », Premier film, a couronné « L’oncle » de Maëva Leïla Youbi, une merveille de grâce et d’amour filial. Un père d’une immense tendresse pour ses filles, surtout pour sa cadette, amatrice de foot et de l’OM. Un père pas comme les autres… Un père qui sème la violence et la peur dès qu’il a franchi la porte de sa maison. La réalisatrice montre deux images de la même famille, l’une toute de douceur, clé du bonheur, l’autre emprunte d’une effrayante réalité, clé du malheur, qu’elle a vécu elle-même fillette. Si le récit de Maëva Leïla Youbi est si attachant et si poignant c’est parce que ses personnages sont pétris d’humanité, y compris le plus contestable d’entre eux. Illustration de situations qu’on connait en Corse… A méditer.

Michèle Acquaviva-Pache
crédit photo : Festival des " Nuits Med " 







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