33e Festivoce , du 15 au 19 juillet
Pigna illuminé de musiques
33 è Festivoce, du 15 au 19 juillet
Pigna illuminé de musiques
Du 15 au 19 juillet Festivoce offre un grand voyage sur les ailes de musiques allant du traditionnel au jazz européen, du classique aux musiques du mondes, de créations aux reprises. Dans une fusion des genres, souvent. Sur des recherches larges ouvertes à l’originalité, à la nouveauté, à l’authenticité.
Festivoce résonne aux sons des langues corse, catalane, italienne, espagnole, française, anglaise… Des langues bordant plutôt la Méditerranée… sauf échappées anglophones. Des sonorités d’ici et d’ailleurs vibrantes de couleurs. Des concerts exprimant des univers d’artistes très personnels avides d’air du large ou des sommets. Des univers d’une attention vigilante et soucieuse aux malheurs des autres et à leurs joies, remède aux désespérances.
Réconfortante, en préface de la manifestation, la berceuse en corse écrite par Jérôme Casalonga, directeur du festival. Berceuse antidote à nos temps brouillés, lourds de menaces. « Berceuse chantée au monde pour qu’il s’endorme sans inquiétudes, sans tourments, sans turpitude. Qu’il s’endorme et surtout qu’il se réveille en pouvant ouvrir les yeux sans blessure, sans disparition, dans une éternelle renaissance ».
Le festival accueille trois concertes par soir, du lundi au vendredi inclus. Des concerts à découvrir à 19 h 30, à 21 h, à 22 h 30.
Mardi, le coup d’envoi des festivités est donné par « I Maistrelli », des polyphonies féminines chantées par six femmes joignant la tradition à des inédits sur des poèmes de Rinatu Coti et des compositions de Jean Pierre Godinot. Leur emboîtant le pas « Alosa » un duo constitué de Giulietta Vidal, voix et percussions, associée à la violoncelliste, chanteuse, percussionniste, Irene Romo, pour du jazz, de la bossa, de la musique classique et de la pop. Fermant le ban« Medi Otto » avec G.de Gennaro, voix, vielle, traverses du Moyen Age et Serkan Mesut Halili au kanun, instrument turc, pour un mélange de mélodies d’Europe médiévale et de musique classique de Turquie.
Mercredi, « Marcello Fera Solo » avec la pièce « Canti dal Silenzio », un récital de violon sur la condition du musicien. « Aupa Strings », quatre violonistes et un violoncelliste dans un alliage de musiques urbaines et d’instruments à cordes classiques. « Gavino Murgia Trio », saxo, accompagnés de Fabio Giachino, piano, Mattia Barbieri, batterie, jouant la composition « L’Ultima Mattanza », évocation d’une pêche au thon ancestrale.
Jeudi, « Duo Francis Lassus et Mattia Barbieri », des batteurs et percussionnistes croisant leurs voix et leurs rythmes dans un répertoire inédit. « Emile Parisien Quartet », quatre musiciens passionnés de jazz, de classique, de rock, d’électronique, de chansons qui décloisonnent les genres. « Giuseppe Verdi Veste Rosa », une voix, un piano, une trompette, un saxo, une contrebasse en un hommage aux figures féminines de Verdi.
Vendredi, « Arar », duo de Marina Tomàs Amado (guitare, chant) et Maria Cruz Millet (saxophoniste, chant) misant sur la curiosité et l’expérimentation. « Projet Lento » sur une idée de Gilles Barikosky (saxo) et Nicolas Torracinto (guitare), avec sur scène Clément Brajtman (batterie) et Fabricio Nicolas, (contrebasse), exécutant une musique basée sur dujazz urbain, de la musique improvisée et des sonorités latines. « Fanfara Tadjiguina », huit musiciens dessinant un monde métissé et festif.
Samedi, « Paese in Musica », feu d’artifice final. Sur cinq scènes les musiques de tous les artistes !
Festivoce et toujours le même impératif : une bonne musique, de belles écritures et interprétations.
Michèle Acquaviva-Pache
ENTRETIEN AVEC JÉRÔME CASALONGA
Bâtir la programmation de Festivoce prend-t-il beaucoup de temps ?
Il faut préciser que Festivoce n’est qu’une des actions de « Voce – Centru Nazionale di Creazione Musicale », puisque nous donnons 120 concerts au cours d’une année. En fait la programmation du festival se déroule sur douze mois. Parfois le projet murit depuis l’an précédent. Parfois nous saisissons une opportunité. Cette saison j’ai participé à un festival en Catalogne et j’ai eu l’occasion de rencontrer des artistes intéressants. On doit aussi tenir compte de contraintes particulières et des disponibilités de nos invités. Les artistes doivent également pouvoir rester sur place durant toute la manifestation car nous les programmons en concert et lors de « Paese in Musica », soirée spéciale de clôture.
Le choix des musiciens composant l’affiche du festival est-il facile ?
Musicien moi-même je tourne beaucoup, je vais dans les salons spécialisés, ces contacts directs facilitent beaucoup les choses. En outre on est très sollicité : réceptions de maquettes, de lettres comprenant des liens pour écouter et voir des prestations. On reçoit de 15 à 20 courriers par jours provenant de Corse, de France, du bassin méditerranéen, mais la prédominance est surtout française.
Vous recherchez l’éclectisme. Quelle définition donnez-vous à cette notion ?
Ce que nous ne voulons pas ce sont des musiques industrielles. Nous sommes en quête de musiciens passionnés et humains par-dessus tout. Qu’ils viennent des musiques du monde, du classique, du jazz, qu’ils s’impliquent dans des genres musicaux qui se croisent et de qualité,voilà qui retient notre attention. Nous voulons de l’originalité non de la notoriété. Nous refusons l’hyper commercial. Nous ne rejetons pas l’électronique à condition que ce soit un moyen non une fin. Les artistes reçus peuvent avoir des parcours très divers ce n’est pas un obstacle !
Y-a-t-il un artiste que vous vouliez accueillir à Pigna depuis longtemps ?
Gavino Murgia, qui vient avec son trio. L’artiste est Sarde. C’est un musicien majeur et très bon chanteur. Il s’est frotté aux plus grands du jazz. Il appartient à une île enracinée dans sa culture. Une île métissée. A son actif, plusieurs tours du monde et les voyages sont indispensables à tous bons musiciens. Ses compositions sont le contraire de la musique banalisée qu’on entend aujourd’hui. Il est de ceux qui ont un univers et défendent leur culture, de ceux dont les morceaux vont rester.
Certains de vos invités ont créé leur formation il y a peu. Les avez-vous choisis pour offrir de la nouveauté à votre public ?
Ils ne répondent pas à une logique de groupe, c’est pourquoi selon les projets auxquels ils participent ils changent le nom de leur formation. Qu’ils fassent du jazz ou du classique c’est l’individu qui est reconnu et recherché pour sa valeur. « Projet Lento » de Gilles Barikosky et Nicolas Torracinta nait en 2021 mais les deux artistes se produisent ensemble entre la Corse et Paris depuis 2014… Avec « l’Operai » c’est moi qui suis à l’initiative. Les cinq chanteurs, originaires de Castagniccia, ont de très belles voix. Ils chantent la paghjella transmise par la voie orale. A « Paese in Musica », le samedi, ils vont se produire a cappella. J’ai voulu qu’ils participent à Festivoce car ils m’ont touché. Pour moi le festival reste avant tout fait de découvertes.
Quel est votre public ?
Il est local et vient de partout en Corse. Il y en a qui font coincider leurs vacances avec la manifestation pour suivre tous les concerts. On délivre de plus en plus d’abonnements et de pass d’une journée qui permettent d’assister à trois récitals pour le prix de deux. Notre public est poussé par la curiosité, sûr d’écouter et de voir des artistes différents d’une année sur l’autre. « Voce – Centru Nazionale di Creazione Musicale » fonctionne sur l’année entière : concerts, ateliers, école de musique, recherches qui débouchent sur l’édition de livres et la participation à des projets européens. En 2025 on collabore à l’une de ces initiatives avec le Liban, Gênes, l’Allemagne, la Grèce et la Corse, projet étalé sur trois ans. On a lancé un site, « Telavoce », sur lequel un peut retrouver des captations de concerts que nous avons proposé. C’est en quelque sorte une banque de données.
Qu’est-ce que les artistes peuvent attendre de « Voce – Centru Nazionale di Creazione Musicale » ?
On leur donne des moyens et des outils. Notre auditorium, qui est exceptionnel, est à leur disposition. On a un studio d’enregistrement, qui a déjà sorti environ 70 CD de différents artistes. Eh ce moment on travaille à une collaboration avec « L’Aria ». On est en relation avec les autres Centres nationaux de Créations Musicales » (CNCM). En Corse nous sommes les seuls à avoir ce label. Pour avril 2026 on prépare un festival avec les sept autres directeurs de CNCM. Cette manifestation doit se dérouler à la Philharmonie de Paris.
photos: Jérôme Casalonga