Charges de personnel : un poids financier écrasant pour la Collectivité de Corse
Les dépenses de personnel de la Collectivité de Corse (CdC) atteignent en 2023 un vertigineux 300 millions d’euros, selon la chambre régionale des comptes (CRC).
Charges de personnel : un poids financier écrasant pour la Collectivité de Corse
Les dépenses de personnel de la Collectivité de Corse (CdC) atteignent en 2023 un vertigineux 300 millions d’euros, selon la chambre régionale des comptes (CRC). Ce montant représente plus du double des dépenses cumulées des régions et départements métropolitains, rapporté au nombre d’habitants. Une charge salariale devenue un boulet pour le budget de fonctionnement, alors même que les marges financières sont déjà au plus bas. Pourtant, depuis dix ans, l’exécutif n’a de cesse de nous répéter que tout cela, c’est… « la faute de l’héritage ». Une rengaine bien commode pour masquer son incapacité à maîtriser la dépense publique et à gérer efficacement les ressources humaines. La réponse de Gilles Simeoni ne laisse pas d’étonner de la part d’un homme qui se bat pour l’autonomie et donc une moindre dépendance vis-à-vis de l’État français : « Il y a un fossé entre les besoins de la Corse et les moyens. » Conclusion : « Donnez-nous et l’autonomie et toujours plus d’argent. » Voilà qui est convaincant pour le futur de notre île.Un débat attendu à l’Assemblée de Corse
Le rapport de la CRC sera examiné lors de la session de l’Assemblée de Corse, les 26 et 27 juin, et suscite déjà l’attention vigilante de l’opposition. Celle-ci se prépare à questionner l’exécutif sur ses soi-disant solutions pour freiner la hausse vertigineuse des dépenses de personnel. Mais après une décennie d’atermoiements et d’excuses sur « l’héritage », on peut légitimement douter de la sincérité et de la capacité de la CdC à redresser la barre. La maîtrise des charges de personnel n’est pas qu’un enjeu budgétaire, c’est un véritable test politique : réussir à garantir des services publics de qualité tout en évitant que la masse salariale étouffe toute perspective d’investissement et de développement.
Une progression spectaculaire des charges de gestion
La part des charges de gestion liées au personnel a grimpé de 24,3 % à 29,7 %, un saut spectaculaire dénoncé par la CRC. Cette hausse est encore plus marquée dans les agences et offices (+21,9 %) que dans la Collectivité (+16,8 %). Cerise sur le gâteau, le nombre de contractuels a explosé, passant de 228 à 342, sans la moindre compensation par une baisse des fonctionnaires. C’est donc bien une inflation tous azimuts des effectifs, coûteuse et peu maîtrisée. Et tout cela s’est produit surtout entre 2019 et 2020, avec un surcoût immédiat de 4,35 millions d’euros. Plus qu’un héritage, c’est une politique délibérée d’embauche et de dépenses salariales que la CdC peine à justifier.
Les explications un peu trop commodes de cette explosion
Parmi les causes avancées, le régime indemnitaire des agents a augmenté la masse salariale de 16,3 %. Selon une étude interne, 73 % des agents ont vu leurs indemnités grimper dès 2019, sans qu’on nous explique bien pourquoi ni dans quelle limite. Parallèlement, la CdC vante un « déroulement de carrière dynamique » avec un avancement de grade moyen tous les trois ans, excuse récurrente pour justifier la progression des salaires. Mais ce n’est pas tout : le vieillissement des agents et les mesures nationales de revalorisation salariale viennent s’ajouter, augmentant encore la facture de plusieurs millions en 2022 et 2023. Bref, un cocktail explosif que l’exécutif présente comme une fatalité plutôt que comme le résultat de choix budgétaires hasardeux et d’un pilotage déficient.
Un pilotage budgétaire aux abonnés absents
La CRC souligne que cette augmentation spectaculaire des dépenses ne peut s’expliquer uniquement par les circonstances : elle révèle aussi un pilotage budgétaire défaillant. La gestion précise des emplois est la base d’une politique salariale maîtrisée, or il aura fallu attendre… six ans après la création de la Collectivité unique pour qu’un référentiel d’organisation recensant les postes budgétaires soit adopté. Un retard abyssal qui en dit long sur les priorités et la rigueur de l’exécutif. Certes, la chambre se félicite de ce premier pas, mais le constat reste sans appel : l’exécutif a longtemps navigué à vue, laissant la masse salariale dériver sans freins efficaces.
Une invitation à prendre enfin ses responsabilités
Face à cette situation, la chambre régionale des comptes invite la Collectivité à renforcer urgemment le pilotage des ressources humaines pour mieux maîtriser leur impact financier. La question des charges de personnel est loin d’être un simple casse-tête administratif : elle conditionne l’équilibre budgétaire, la qualité des services publics, et la capacité de la CdC à investir pour l’avenir. Les discours sur « l’héritage » et les fatalités sont devenus inaudibles. Il est temps que l’exécutif assume pleinement ses responsabilités, sorte de cette posture d’excuses perpétuelles, et engage enfin des mesures concrètes. La maîtrise des dépenses de personnel n’est pas une option : c’est une urgence politique pour la Corse, qui mérite mieux que des slogans et des prétextes éculés.
GXC
illustration : D.R