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PNC : PARLER À TOUS LES CORSES POUR CONSTRUIRE UN PROJET

Récente assemblée générale du Partitu di a Nazione Corsa
PNC : PARLER À TOUS LES CORSES POUR CONSTRUIRE UN PROJET


La lecture attentive et l’analyse de la motion d’orientation politique adoptée lors de la récente assemblée générale du Partitu di a Nazione Corsa suggèrent une volonté de transformer la table nationaliste en établi et d’inviter les Corses, nationalistes où non, à y travailler ensemble au salut de leur peuple et de leur terre.


Le Partitu di a Nazione Corsa (PNC) a, il y a quelques semaines, réuni son Cunsigliu. Lors d’une conférence de presse ayant suivi, il a annoncé la tenue d’une Assemblée générale avec principalement à l’ordre du jour : l’examen d’une motion d’orientation politique devant fixer le positionnement stratégique du parti. Cette assemblée générale a eu lieu le 8 juin dernier, à Corti, dans l’amphithéâtre Ettori de l’Università di Corsica. Malgré le week-end de Pentecôte et le début de la haute saison touristique, facteurs d’obligations familiales ou professionnelles, plus de 300 militantes et militants étaient présents. Avaient aussi fait le déplacement, des personnes non membres du PNC invitées à participer aux débats. Comme l’a souligné Pascal Zagnoli, secrétaire national qui a d’ailleurs été reconduit : « Les débats ont été riches ». L’événement majeur a été l’adoption de la motion d’orientation politique. Il a été titré par Corse Matin « Les nationalistes du Partitu di a nazione corsa veulent renverser la table », ce qui suggère que le parti de Jean-Christophe Angelini aurait opté pour une démarche de rupture avec le nationalisme issu des années du Riacquistu du début des années 1970, des événements d’Aleria, de la lutte des clandestins, de la stratégie Lutte de Libération Nationale et de la « victoire historique » de 2015. La lecture attentive et l’analyse de la motion suggèrent plutôt une volonté de transformer la table nationaliste en établi et d’inviter les Corses, nationalistes où non, à y travailler ensemble au salut de leur peuple et de leur terre.


Appel à une remise en question du nationalisme qui ne soit pas un renoncement mais consiste en un repositionnement s’attaquant aux problèmes et prenant en compte les réalités


Dans l’introduction de la motion d’orientation politique, la couleur est d’emblée annoncée : ancrage dans le nationalisme, tableaux alarmants, fidélité aux fondamentaux et aux engagements pris, nécessité d’une nouvelle stratégie. Il est tout d’abord réaffirmé l’ancrage nationaliste et la volonté de faire en sorte que le peuple corse recouvre sa souveraineté : « Notre dernière motion d’orientation politique adoptée le 10 décembre 2022 à l’occasion du 20ème anniversaire du parti remettait en perspective deux orientations principales : l’unité stratégique du mouvement national et notre attachement à un processus d’autodétermination (…) Aujourd’hui, si l’autonomie reste un objectif politique majeur, le PNC réaffirme sa revendication d’autodétermination ». Sont ensuite brossés des tableaux alarmants du nationalisme aux commandes (la responsabilité de tout cela est principalement imputée à la majorité siméoniste) : « Pour l’heure, et depuis 2021, le mouvement national demeure plus que jamais fracturé », de la société corse : « En perte de repères, rythmée par les incendies criminels et les assassinats, dans un contexte économique et social toujours plus tendu », du peuple, de la langue et de la culture corses : «
Sous le poids d’une démographie qui tend année après année, avec un solde naturel négatif, à menacer jusqu’à l’existence même du peuple corse, on constate un recul historique de la corsophonie et une réponse politique des décideurs insuffisante pour entrevoir sereinement l’avenir ».
Est aussi souligné que le PNC, tout en défendant ses fondamentaux (reconnaissance du Peuple Corse, officialité de la langue Corse, transfert du pouvoir normatif à l’Assemblée de Corse sur ses compétences propres, obtention d’outils juridiques et fiscaux, défense de la terre corse), a fait preuve d’un esprit constructif et ouvert au compromis durant le processus Beauvau et honorera les engagements pris :« Nous continuerons comme aux premières heures à le soutenir (le processus, ndlr) avec franchise et loyauté » Enfin, il est appelé à une remise en question du nationalisme qui ne soit pas un renoncement mais consiste en un repositionnement s’attaquant aux problèmes et prenant en compte les réalités : « La rupture de 2021 voulue unilatéralement, et assumée, par le Président de l’Exécutif et sa formation politique, mais également l’absence de visibilité ainsi que les non-choix et les échecs dans les secteurs stratégiques de la majorité nouvelle, ont tôt fait de générer déceptions et rejets à l’endroit de la famille nationaliste. Afin de nous extraire de cet enlisement politique, il nous appartient de sonner l’heure du rassemblement des forces d’alternance, d’abord autour du projet d’autonomie et d’un plan de développement pour l’île […] La Corse et son peuple attendent autre chose des nationalistes, notamment des réponses probantes et pérennes, en traitant au plus près des réalités vécues, en engageant un projet de construction de la société corse à l’horizon 2050 […] L’heure est à la réaction et à la défense des intérêts matériels et moraux d’un peuple qui, si rien n’infléchit le cours des choses, est condamné à mort ». Le repositionnement souhaité est dénommé « Trajectoire politique claire et assumée pour les années à venir ». Cette trajectoire est décrite, dans la première partie de la motion d’orientation politique, selon quatre grandes orientations stratégiques apparaissant étroitement interdépendantes : rapport à la majorité territoriale et au mouvement national devant éviter le piège de la désunion ; rapport à l’État privilégiant la recherche d’une solution politique ; prise en compte de la menace représentée par l’extrême-droite ; riacquistu naziunale (refonte du logiciel idéologique du nationalisme corse, renouvellement du combat culturel).


Nécessité aujourd’hui de décliner, devant le peuple corse, l’ambition politique des vingt prochaines années


Le rapport à la majorité territoriale et au mouvement national appelle un repositionnement stratégique : « Le rejet de l’union par les représentants de l’actuelle majorité territoriale conduit à une impasse politique et à une inefficacité patente. [...] Cette situation politique, nous oblige à opérer un repositionnement clair et stratégique visant à récuser ce mode de fonctionnement et à poursuivre tous nos efforts en vue de combattre politiquement sur tous les terrains ce mouvement politique. C’est sur cette base que nous allons résolument travailler à soutenir la démarche Avanzemu chargée de constituer une force d’alternance autour des nationalistes mais également des femmes et hommes qui partagent notre idéal et notre vision de développement pour la Corse. » Repositionnement ne peut toutefois pas être synonyme de rejet, de reniement ou de division : « Nous ne saurions combattre une stratégie isolationniste en y répondant par une stratégie de différenciation qui nous conduirait à tourner le dos à notre famille politique. Si le PNC, via la démarche Avanzemu, à vocation à réunir tous les Corses en accord avec nos fondamentaux, le PNC continuera d’être un artisan du dialogue permanent dans la famille nationaliste. » Le dialogue entre nationalistes est d’ailleurs nécessaire car indispensables pour arracher à l’État une solution politique dont, à ce jour, la première étape ne peut être que la conclusion heureuse du processus Beauvau : « Le PNC renouvelle son attachement profond à une solution politique qui doit aboutir à une reconnaissance du Peuple corse, une autonomie et un arrêt des logiques répressives à l’endroit des militants nationalistes […] Nous renouvelons notre volonté de voir l’État se cantonner à ses missions régaliennes, et la Collectivité autonome de Corse détenir les autres compétences ainsi qu’un pouvoir normatif [...] Nous arrivons à la phase finale du processus : la saisine du Parlement après avis consultatif du Conseil d’État. Le PNC, notamment par la voix et l’action de son député, s’engagera sans équivoque dans ces joutes parlementaires pour faire valoir un niveau de revendication ayant déjà fait le fruit d’un travail de consensus en Corse. » Solution politique à terme et conclusion heureuse du processus Beauvau dès les prochains mois sont cependant menacées par une montée en puissance électorale de l’extrême-droite, aussi bien dans l’Hexagone que dans l’île. Il est appelé à ne pas la relativiser et à produire des réponses concrètes : « Ce vote, s’il peut être en partie attribué aux évolutions démographiques de notre territoire et au rejet de la politique de la majorité présidentielle, est aussi un vote sanction à l’endroit de la majorité territoriale, mais aussi du mouvement national. Croire que le phénomène de 2024 est anecdotique serait une erreur. Cela commande une réaction vigoureuse pour réhabiliter par le discours et les propositions, la crédibilité et l’objectif permanent du combat national corse […] Le Rassemblement National et l’extrême droite en général sont nos adversaires idéologiques de toujours, nos adversaires électoraux d’aujourd’hui et de demain, une véritable menace létale pour la Corse dont nous rêvons. » Réhabiliter par le discours et les propositions, la crédibilité et l’objectif permanent du combat national corse pour combattre l’extrême droite et aussi et surtout relancer la machine nationaliste, ne peut toutefois se faire sans une profonde remise en question, d’où la préconisation d’une riacquistu naziunale (refonte du logiciel idéologique du nationalisme, renouvellement du combat culturel) : « Le peuple Corse, minoritaire sur sa terre, devient menacé par une démographie toujours plus étouffante, dans une Corse en perte de repères […] Il apparaît évident que le Peuple Corse vit ses dernières années si nous ne sommes pas en mesure de trouver les moyens d’un sursaut collectif. Nous devons, dans les toutes prochaines semaines, être en capacité d’étudier les mécanismes actuels favorisant les nombreuses arrivées afin d’y répondre politiquement. Un discours clair et sans la moindre ambiguïté doit être porté : celui consistant à prioriser l’accès au logement et à l’emploi aux corses sur leur terre […] Il nous appartient aujourd’hui de décliner, devant le peuple corse, l’ambition politique des vingt prochaines années. Elle regarde à la fois les propositions énoncées par le PNC lors du processus de Beauvau et le traitement des grandes problématiques actuelles qui interpellent la société corse » Sont citées les problématiques suivantes : le peuple corse et la démographie, la Corse autonome dans son environnement méditerranéen et européen, la laïcité paoliste, la diplomatie de la Corse autonome, les enjeux sociétaux, la stratégie économique, environnementale, énergétique, hydraulique et agricole, la réforme des outils de la Collectivité de Corse, l’autonomie et la question de la santé, la mise hors-norme de l’Académie de Corse.


Négocier avec l’État et l’Union Européenne une mise à niveau pour enfin rattraper le retard historique, limiter la toute puissance centraliste de la Collectivité de Corse et faire du PNC un parti de proximité et de gouvernement


La seconde partie de la motion d’orientation politique indique comment porter et mettre en œuvre les quatre grandes orientations stratégiques de la « Trajectoire politique claire et assumée pour les années à venir ». En ce sens, il est préconisé trois démarches. La première est de négocier vraiment avec l’État et l’Union Européenne une mise à niveau pour enfin rattraper le retard historique : « Il importe d’être en mesure de négocier avec Paris un grand plan de relance et de transformation pour l’île pour enfin rattraper le retard historique que nous connaissons. Il nous faut également actionner tous les leviers de financement existant à Paris ou Bruxelles ». La deuxième démarche préconisée est de limiter la toute puissance centraliste de la Collectivité de Corse : « La révolution politique et structurelle passe par l’ensemble des strates institutionnelles, en première ligne les communes et les communautés de communes. Au-delà des compétences nouvelles qu’elles ont vocation à exercer, leur statut d’établissements politiques de proximité leur confère le rôle de locomotive du développement social, culturel, économique et sociétal. La transformation de la Corse passe par leur action auprès des Corses. » La troisième démarche est de construire faire du PNC un parti de proximité et de gouvernement : « Le PNC entend se déployer dans l’ensemble des territoires, via ses militants et sympathisants, et sera présent dans l’ensemble des démarches municipales ayant vocation à jouer un rôle actif dans l’administration des communes et communautés de communes. 2026 doit être l’année de l’accroissement de notre rayonnement à l’échelon communal et intercommunal. Notre rayonnement passe aussi par nos partenariats internationaux […] Le PNC entend initier une transition générationnelle, développer et structurer la formation de ses militants, notamment les plus jeunes, afin de multiplier ses cadres et leur permettre de remplir pleinement les fonctions qui leur seront conférées, demain, au service de la Corse. Nous mettrons un accent sur les jeunes militants. Le PNC a vocation à se renouveler pour rester au fait des aspirations de notre jeunesse. Une intégration plus importante des jeunes militants au sein de nos différentes instances est une priorité organisationnelle et constitue un véritable pari sur l’avenir […] Le périmètre et le champ d’action de chaque organe du parti sera repensé afin de coller, au mieux, aux réalités pratiques du terrain. La proximité est indispensable afin d’éviter la déconnexion avec le peuple. Le souffle démocratique passe par une politique ascendante. Il nous faut, par conséquent, valoriser et développer le travail des militants dans les régions, notamment à travers des missions opérationnelles et exécutives. La respiration des régions est un pilier sur lequel le parti peut construire et développer des politiques adaptées aux territoires. Cela passe aussi par un véritable projet politique dont l’élaboration est dévolue à un Cunsigliu ouvert à tous les militants souhaitant y contribuer. Celui-ci s’appuiera sur un bureau densifié avec pour missions de chapeauter le projet, animer les territoires, organiser les débats généraux ou thématiques mais aussi faire le lien entre tous les organes du parti. L’Exécutif, en format restreint, se consacrerait alors à la gestion quotidienne du parti, à la promotion des productions et actions des autres instances et aux arbitrages politiques. » Il est prévu que « la mise à jour interne » sera présentée au plus tard dans un an, lors de la prochaine Assemblée Générale du parti.


Pierre Corsi
Photos :PNC
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