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L'effondrement des insectes : un déclin silencieux aux conséquences colissales

Les populations d'insectes sont en chute libre à l'échelle mondiale

L’effondrement des insectes : un déclin silencieux aux conséquences colossales



Les populations d’insectes sont en chute libre à l’échelle mondiale. En Europe, certaines études évoquent des pertes de 75 % à 80 % en seulement deux décennies, avec des données récentes indiquant un recul de 63 % des insectes volants au Royaume-Uni entre 2021 et 2024. Malgré ces chiffres alarmants, la crise reste largement absente du débat public. Contrairement à l’extinction visible de certains mammifères ou à la diminution des oiseaux pourtant déjà frappante, le déclin des insectes semble se dérouler dans une indifférence généralisée.


Pourtant, cet effondrement ne se limite pas à quelques espèces spectaculaires. Il s’agit d’un phénomène massif, global et multifactoriel qui affecte tous les types d’insectes : pollinisateurs, décomposeurs, prédateurs, parasites… Le tout formant une trame écologique aussi invisible qu’essentielle.

Les insectes : des ouvriers invisibles de l’équilibre planétaire


La planète compte plusieurs millions d’espèces d’insectes, dont environ 40 000 en France métropolitaine. Leur biomasse cumulée dépasse largement celle de l’humanité. Ils assurent des fonctions écologiques fondamentales telles que la pollinisation, le recyclage de la matière organique, la régulation biologique puisque certains insectes limitent les populations d’autres, parfois nuisibles (coccinelles contre pucerons par exemple), la préservation de la chaîne alimentaire.

Les causes de l’effondrement : un cocktail toxique


L’origine du déclin est multifactorielle, avec des effets cumulatifs :
Perte et fragmentation des habitats naturels : l’urbanisation, la déforestation, l’agriculture intensive réduisent drastiquement les zones favorables à la survie des insectes.
Usage massif des pesticides : les néonicotinoïdes, même partiellement interdits, continuent de polluer les milieux ; les insecticides, fongicides et herbicides ont des effets synergiques.
La pollution lumineuse perturbe la navigation, la reproduction et les rythmes biologiques, notamment chez les papillons de nuit et les coléoptères.
Le réchauffement climatique qui modifie les cycles de vie, désynchronise les interactions plantes-pollinisateurs, et pousse certaines espèces au-delà de leurs limites de tolérance thermique.
À cause de la monoculture et uniformisation des paysages agricoles, les grands champs de maïs, betterave ou blé sont des déserts écologiques, favorisent quelques ravageurs mais excluent la diversité fonctionnelle.

Une agriculture contre-productive


Le paradoxe est frappant : tandis que les populations d’insectes utiles s’effondrent, certains ravageurs (pucerons, criquets, charançons) prolifèrent. En cause ? La simplification extrême des écosystèmes agricoles, qui favorise l’explosion des espèces opportunistes. Les insectes bénéfiques (pollinisateurs, prédateurs) étant absents, les cultures deviennent vulnérables, et les agriculteurs sont piégés dans une spirale chimique avec pour eux des conséquences en cascade comme la baisse des rendements agricoles jusqu’à 30 % de rendement en l’absence de pollinisation, l’appauvrissement génétique des plantes sauvages, la disparition d’oiseaux et d’amphibiens : la perturbation globale des écosystèmes.

Peut-on encore inverser la tendance ?


La réponse est oui, mais dans certaines limites. La situation est partiellement réversible, à condition d’agir vite et fortement :
— Réduire drastiquement l’usage des pesticides, interdire les substances les plus toxiques et cumulables.
— Réhabiliter les haies, les prairies fleuries, les zones humides, les lisières de forêts – autant de microhabitats cruciaux.
— Diversifier les cultures, associer les espèces, introduire des rotations longues, créer des corridors écologiques.
— Repenser l’éclairage nocturne, réduire les nuisances lumineuses inutiles.
— Accompagner les agriculteurs dans la transition agroécologique par des aides concrètes et un cadre cohérent.

Deux écueils majeurs qui persistent


Les polluants persistants : de nombreuses molécules continuent d’agir des années après leur usage initial. Et dans ce domaine même les pays qui avaient promis de faire des efforts comme la France ont reculé.
Le dérèglement climatique : même si l’on arrête les pressions chimiques, les effets du réchauffement climatique continueront d’impacter les insectes, notamment par des sécheresses prolongées, des canicules ou des événements extrêmes.

Un enjeu de civilisation


L’effondrement des insectes n’est ni marginal ni anecdotique. C’est un indicateur de la santé globale de la biosphère. Leur disparition pourrait signifier l’effondrement progressif des systèmes alimentaires, des équilibres naturels, et de la capacité de résilience de nos sociétés.
Ce déclin devrait être au cœur des débats sur l’avenir, au même titre que le climat ou la biodiversité emblématique. Car sans insectes, c’est l’architecture même de la vie qui vacille et c’est l’homme qui court à sa perte.

GXC
illustration : D.R
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