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Tourisme : La Sardaigne , la Dalmatie et le Maghreb s'envolent , la Corse s'enlise

Autrefois perçue comme une perle rare de la Méditerranée, la Corse semble aujourd'hui à la traîne dans la grande compétition touristique régionale

Tourisme : la Sardaigne, la Dalmatie et le Maghreb s'envolent, la Corse s’enlise



Autrefois perçue comme une perle rare de la Méditerranée, la Corse semble aujourd’hui à la traîne dans la grande compétition touristique régionale. Pendant que la Sardaigne, sa voisine immédiate, ainsi que la Dalmatie et le Maghreb multiplient les initiatives et s’affirment comme des modèles de dynamisme, la Corse donne l’image d’une île alanguie, minée par des querelles internes, des choix politiques hésitants et une vision à court terme de son avenir.​ De plus cette procrastination joue à rebours d’une autonomie revendiquée par ceux-là même qui en dix ans n’ont fait la preuve de leurs talents de gestionnaires.


Une île sans boussole

« Le monde fortuné se retrouve en Méditerranée aux beaux jours et la Corse est une destination parmi d’autres », rappelle Michel Mallaroni, directeur du port de plaisance de Bonifacio. Pourtant, depuis 2023, les grands navires de plus de 24 mètres désertent l’île, pénalisés par un arrêté limitant leur mouillage pour préserver les herbiers de posidonie. Résultat : jusqu’à 40 % de fréquentation en moins dans certains ports comme Calvi ou Saint-Florent. Les professionnels le disent haut et fort : ces yachts ne peuvent plus accoster, leurs clients ne consomment plus localement, et les ports restent vides. À Bonifacio, la baisse annuelle atteint 10 % depuis 2022. Avec près de 9 millions d’euros de retombées estimées, cette désertion menace 2000 emplois directs et indirects. Les acteurs du secteur réclament des solutions, comme l’installation de coffres d’amarrage écologiques, déjà en place aux Baléares. Mais ce désintérêt ne se limite pas à la plaisance. Dans un contexte méditerranéen très concurrentiel, la Corse donne l’image d’une île hésitante et sans boussole. Pendant que la Sardaigne, la Dalmatie ou le Maghreb déploient des stratégies ambitieuses, l’île de Beauté semble paralysée par des querelles internes et une absence criante de cap.

Transport : là où la Sardaigne investit, la Corse recule

En 2025, la triple augmentation de la taxe de solidarité sur les billets d’avion frappe toute la France, mais les conséquences sont particulièrement lourdes pour la Corse, déjà pénalisée par un désengagement flagrant des compagnies low-cost. En deux ans, l’offre aérienne y a chuté de 15 %. Ryanair et EasyJet ont tout simplement réorienté leur stratégie vers des destinations plus attractives… comme la Grèce, les Baléares et bien sûr la Sardaigne.​ Cette dernière, en revanche, brille par son sens de l’anticipation. Un accord régional stratégique avec Ryanair lui permet d’assurer une desserte large, continue et compétitive, y compris hors saison. Là où les voyageurs corses paient 300 € l’A/R en plein été, les touristes en Sardaigne trouvent des billets à 50 ou 80 € vers Olbia, Cagliari ou Alghero. Cherchez l’erreur.​

Une stratégie touristique structurée contre une absence criante de vision

En Corse, le secteur touristique pèse 39 % du PIB, mais sa gestion relève d’un amateurisme préoccupant. Il n’existe aucun plan stratégique clair, aucune coordination durable, aucune ambition structurée. À l’inverse, la Sardaigne déroule méthodiquement une feuille de route fondée sur le tourisme durable, le patrimoine culturel, la nature et le sport.​ Pendant que la Corse s’enferme dans une vision dépassée de la haute saison et des plages bondées, la Sardaigne mise sur l’arrière-saison, les randonnées, le cyclotourisme, les festivals de musique et les circuits immersifs. Elle attire une clientèle variée, européenne, fidèle et croissante. Résultat : la Corse dépend toujours à 60 % du seul mois d’août. La Sardaigne, elle, vit le tourisme toute l’année.​

Immobilier : la Corse dissuade, la Sardaigne revitalise

Le marché immobilier corse s’effondre : –30 % de ventes en deux ans. Raisons invoquées ? Incertitudes juridiques, conflits fonciers, affaires judiciaires, absence de sécurité pour les investisseurs. Là encore, le contraste avec la Sardaigne est brutal : certaines communes sardes lancent des programmes innovants de revitalisation, comme les maisons à 1 €, inspirés du modèle sicilien. Résultat : les Allemands, les Suisses, les Autrichiens achètent en confiance en Sardaigne. En Corse, ils fuient.​

Offre hôtelière : stagnation d’un côté, rénovation de l’autre

L’offre hôtelière corse reste largement artisanale, marquée par des hôtels familiaux vieillissants et des locations de qualité inégale. Peu ou pas de resorts modernes, peu de structures haut-de-gamme pensées pour une clientèle internationale. En Sardaigne ? Une offre en plein renouveau, mêlant hôtellerie de charme, ressorts durables et développement de villages touristiques dans l’intérieur des terres.​

La Grèce, la Croatie et l’Italie du Sud investissent. La Corse observe, débat, recule.​

Yachting : la Corse rejette, la Sardaigne accueille

Dernier symbole du non-choix corse : le refus persistant d’installer des caissons d’amarrage écologiques pour les yachts. Résultat ? Les grandes unités, qui ne trouvent ni accueil ni service digne de ce nom, traversent le détroit pour jeter l’ancre… en Sardaigne. Là-bas, on leur déroule le tapis bleu : amarrages durables, infrastructures modernes, services sur mesure.​

Les retombées économiques ? Carburant, avitaillement, restaurants, commerces, artisans locaux : des dizaines de milliers d’euros par bateau, et des emplois pérennes. Pendant que Porto Cervo prospère, Bonifacio regarde passer les bateaux. Là encore, la Corse refuse de choisir.​

Image et attractivité : la carte postale se froisse

Autrefois symbole d’authenticité, la Corse souffre d’une image devenue élitiste, peu accessible, voire hostile au tourisme international. Saturation des sites, tarifs dissuasifs, absence de politique d’accueil cohérente : tout concourt à faire fuir les clientèles étrangères. En juillet 2024, les aéroports corses ont perdu 10 % de leurs passagers. Dans le même temps, la fréquentation touristique croate bondissait de 4 %, celle de la Sardaigne de 12 %.​

En Corse, les acteurs du tourisme expriment leur détresse. Mais que fait la Collectivité ? Quelles décisions concrètes prend-elle ? Quels leviers active-t-elle ? Peu, voire rien, si ce n’est quelques opérations ponctuelles comme le partenariat avec Air Corsica, censé proposer des billets à -30 %. Insuffisant, car l’inaction structurelle perdure.​

La Sardaigne trace son cap. Et la Corse ?

Face à ce tableau, une évidence s’impose : la Sardaigne agit, la Corse réagit… ou pas. Pendant que l’île sœur affine ses stratégies, attire des compagnies, investit dans le patrimoine, la Corse reste bloquée dans un immobilisme institutionnel. Les querelles entre institutions, les blocages idéologiques, la peur de « trop de touristes » et l’absence de pilote à bord condamnent l’île à décrocher toujours plus.

Conclusion : trancher ou disparaître

La Corse, aujourd’hui, semble plus occupée à idéologiser les questions qu’à y répondre. Chaque débat — sur les ports, sur l’aérien, sur l’immobilier, sur l’accueil — devient un champ de bataille où s’affrontent postures, méfiances et réflexes d’opposition, au lieu d’être abordé avec pragmatisme et clarté. Pourtant, les enjeux sont simples, les solutions souvent de bon sens : voulons-nous du tourisme ou non ? Et si oui, lequel ? Et comment l’organiser, l’accueillir, l’encadrer ?

Car on ne peut pas à la fois réclamer des retombées économiques et repousser les visiteurs, vouloir des jeunes qui restent mais empêcher la création d’emplois durables, critiquer l’été surchargé sans investir dans le reste de l’année.

Un choix de société s’impose. Il faut oser trancher, sans peur des caricatures ni des slogans. Accepter d’ouvrir, d’accueillir, d’organiser, de proposer une vision claire et lisible. Encourager une hospitalité maîtrisée, intelligente, respectueuse, au lieu de dénoncer ceux qui viennent quand on n’a rien anticipé. Sinon, le déclin va s’aggraver. Le monde avance vite, les concurrents méditerranéens s’adaptent, séduisent, prospèrent.

Et il faut le dire sans détour : la Corse n’est pas indispensable. Elle n’est pas le centre du monde. Si elle se ferme, d’autres îles, d’autres côtes, d’autres peuples prendront sa place. Elle peut choisir l’excellence. Ou elle peut s’enliser dans l’exception vide.

Mais elle ne pourra plus longtemps prétendre ne pas avoir su.

GXC
photo: D.R

Politiques publiques : pragmatisme ou paralysie ?

Territoire

Stratégie touristique

Résultat

Corse

Flou stratégique, moratoire sur les aménagements, rejet des infrastructures type caissons d’amarrage, forte politisation des débats environnementaux.

Perte d’attractivité, recul de fréquentation étrangère, crispation locale.

Sardaigne

Soutien actif aux compagnies low-cost, implantation de caissons d’amarrage écologiques, amélioration de l’accueil rural et côtier.

Doublement des flux en 20 ans, montée en gamme progressive.

Grèce

Réhabilitation du patrimoine, valorisation des îles moins connues, soutien à l’hébergement chez l’habitant, aides à l’accessibilité aérienne.

Diversification des flux, meilleure répartition géographique.

Croatie

Forte libéralisation du secteur, investissement dans les ports de plaisance, rénovation urbaine des villes côtières.

Explosion du yachting, succès de l’écotourisme et du patrimoine culturel.

Maroc

Plans stratégiques décennaux (Vision 2020, Plan Azur), incitations fiscales, soutien à l'hôtellerie indépendante.

Résilience post-COVID, montée en puissance des régions côtières secondaires.

Tunisie

Réorientation post-2015 vers le tourisme culturel et saharien, avec soutien européen à la formation et à la sécurité.

Image plus diversifiée, regain de confiance.

Recettes touristiques : la Corse à la traîne

Destination

Recettes annuelles estimées

Recette moyenne par touriste

Contribution au PIB régional/national

Corse

~1,8 milliard €

~515 €

24 % (estimée, mais en baisse)

Sardaigne

~4,1 milliards €

~630 €

33 % (en hausse)

Grèce (îles)

~13,5 milliards €

~675 €

25 % (à l’échelle nationale)

Croatie

~14 milliards €

~700 €

19 % (mais croissance rapide)

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