• Le doyen de la presse Européenne

Collectivité de Corse : les bougies sont soufflées sur un mauvais gâteau

Les critiques sont légion à l’heure du bilan de 10 ans d’exercice du pouvoir territorial par Gilles Simeoni,

Collectivité de Corse : les bougies sont soufflées sur un mauvais gâteau



Les critiques sont légion à l’heure du bilan de 10 ans d’exercice du pouvoir territorial par Gilles Simeoni, le président du Conseil Exécutif de Corse. L’état général de la Collectivité de Corse est « toussif », le processus devant conduire à une autonomie au rabais et au contenu encore étant non défini (il faudra attendre la loi organique) est au ralenti. Le nationalisme est en miettes et a connu une première raclée électorale lors des dernières élections législatives. Gilles Simeoni va devoir probablement quitter la barre du navire amiral Collectivité de Corse pour tenter de sauver l’escorteur Ville de Bastia. Les bougies sont soufflées sur un mauvais gâteau.


Des promesses non tenues

Il y a dix ans Gilles Simeoni promettait de faire valoir un intérêt collectif corse, d’en finir avec le clanisme et le clientélisme et de construire une Corse épanouie dans sa langue et sa culture, de l’éthique, de la transparence cristalline, de l’ambition, de la prospérité par l’innovation, le travail et l’investissement productif, du développement durable. Par ailleurs, son discours modéré et apparaissant progressiste qui séduisait au-delà du camp nationaliste était complété par le discours plus radical d’au moins un de ses alliés (Corsica Libera), ce qui retenait les électeurs les plus identitaires ou contestataires d’aller voir ailleurs que dans la majorité territoriale d’alors.
Dix ans plus tard, rien de cela. Économiquement et socialement : la Corse est rongée par l’endettement de ses collectivités, la cherté, la crise du logement, les bas salaires, l’emploi précaire, le chômage, l’exil à nouveau de sa jeunesse, le tourisme de masse, la bétonisation, la spéculation immobilière, la désertification rurale, la dépendance accrue aux aides de l’État. Sociologiquement : la Corse est rongée par une dérive mafieuse, la consommation galopante et le trafic de stupéfiants, la perte des valeurs traditionnelles. Culturellement : la Corse est rongée par la dilution dans le mondialisme de la langue corse et de la création nustrale. Politiquement : la « famille » nationaliste est divisée et s’étripe. Démographiquement : la Corse est rongée par la dénatalité et noyée par des arrivées massives de nouveaux habitants. Institutionnellement : ralenti du fait que le recours à tout rapport de forces avec Paris ou à toute mobilisation populaire ont été écartés ou étouffés par Gilles Simeoni et ses partisans. Ces derniers ne sont certes pas responsables ou coupables de tout, mais ayant voulu, depuis 2020, diriger seuls le navire Collectivité de Corse, c’est à eux qu’il est demandé de rendre des comptes.

Forte dégradation de la santé financière


L’échec le plus patent, le plus accablant est la trajectoire financière désastreuse de la Collectivité de Corse qui souffre de « signes de détérioration préoccupants » selon la Chambre régionale des Comptes (rapport rendu public lors de sa présentation à l’Assemblée de Corse, au début de l’ère dernier). Ce rapport révèle : une forte « dégradation de la santé financière » (moins de recettes et plus de charges de gestion) ; un taux d’épargne brut (différence recettes/dépenses) se contractant ; une hypertrophie du Fonctionnement (1,5 milliard d’euros de budget, 72 % de frais de fonctionnement, 28 % d’investissements) ; une incapacité de maîtriser les dépenses de personnel ; un lourd endettement (il dépasse le milliard d’euros). Ce qui fait craindre une dépendance accrue à l’emprunt et une remise en cause de la soutenabilité de la politique d’investissement et de sa solvabilité. Tout ceci pèse lourd sur les Corses : notamment augmentations d’impôts et taxes, dégradation ou retard de réalisation des équipements publics. Les magistrats ont d’ailleurs souligné les retards pris par la programmation pluriannuelle des investissements. Pour la Chambre régionale des comptes, la trajectoire financière sera difficilement soutenable au-delà de 2026. Et ce, d’autant UE les charges de personnel, les dépenses d’aides sociales et le coût des délégations de service public sont insuffisamment anticipés. Ce qui conduit la Chambre à faire la maîtresse d’école en préconisant des actions concrètes pour réduire les dépenses de fonctionnement et des agences et offices, en prévenant qu’à défaut il faudra réduire la voilure de l’investissement pour limiter l’endettement, en conseillant l’élaboration d’un véritable plan pluriannuel d’investissement. Une constante des réponses apportées est que le processus relatif à l’évolution institutionnelle de la Corse vers un statut d’autonomie doit permettre de construire un nouveau cadre budgétaire. L’autonomie, remède miracle dont l’absence permet de renvoyer le poids des responsabilités à l’État.

La disette imposée aux communes


Tout va si mal qu’un autre responsable est désormais aussi implicitement pointé du doigt : les communes. La Collectivité de Corse présente une réforme majeure de ses aides aux communes qui conditionne une partie des subventions à des objectifs en matière de logement, de foncier et de langue corse. Sous les dehors techniques d’un règlement budgétaire, une évolution politique est mise en branle : la réduction des aides aux communes destinées au financement des investissements locaux par des conditions difficiles à respecter, pour camoufler le manque de moyens à leur allouer. Désormais, 20 % de l’aide aux communes de plus de 1 000 habitants seront, si l’Assemblée de Corse le vote, conditionnés au respect d’objectifs fixés par la Collectivité de Corse. Il est à craindre qu’une part de l’enveloppe de 103 millions d’euros ne soit jamais versée. La disette imposée aux communes, nouveau remède miracle. Pas de quoi donner des envies d’autonomie, Les Jacobins ont matière à exulter et à rêver de revanche.

Pierre Corsi
Photo : CDC
Partager :