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Jean Pierre Giudicelli Zoom sur " Zoom " !

" Zoom " , le truc pour se voir, se parler sur le net. Pour faire des visio-conférences, des débats en distantiel...
Jean Pierre Giudicelli  Zoom sur « Zoom » !

« Zoom », le truc pour se voir, se parler sur le net. Pour faire des visio-conférences, des débats en distantiel... « Zoom » en attendant des jours meilleurs, Jean Pierre Giudicelli utilise cette « appli » pour s’adresser à ses étudiants de Corte… Hélas ! la programmation qu’il a pensé pour le Centre Culturel Universitaire-Natale Luciani ne peut bénéficier de cette bouée de sauvetage.


Comédien. Enseignant à l’Université de Corse. Programmateur au CCU.
Jean Pierre Giudicelli a beaucoup de cordes à son arc. « Zoomer » est pour lui en cette période de pandémie un moyen mis à disposition par la technologie numérique pour éviter une coupure complète avec le monde estudiantin. Il voit dans « Zoom » un support à son enseignement.

Chaque semaine, en effet, en tant que responsable de la filière « Arts du spectacle » il envoie à ses étudiants moult pages pour préparer les cours avec d’une part des éclaircissements, des explications et d’autre part des demandes de travail de recherche. Les heures imparties à « Zoom » se veulent autant que possible actives. Elles comportent donc des échanges, des discussions, et jouent un rôle d’écoute afin de contourner le piège de l’isolement.

Sur les campus de Corte restent actuellement les jeunes qui n’ont pas de famille en Corse. La plupart des insulaires ont, eux, la chance de pouvoir rejoindre des parents. Pour les continentaux la solitude devient vite pesante, cloîtrés qu’ils sont dans des chambres souvent petites et privés de la convivialité qui est le sel de la vie étudiante. Il n’est alors pas rare que les problèmes psychologiques viennent doubler les difficultés financières. Dans de telles situations « Zoom » qui est déjà intéressant pour tous, est, pour les plus mal lotis, un indiscutable outil s’ils veulent tout simplement continuer à ETRE.

Le Centre Culturel Universitaire
– Natale Luciani a, lui, dû tirer le rideau. Rien qu’en théâtre treize spectacles n’ont pu être joués. Déprogrammés. Différés. Annulés… Ainsi la représentation sur César Vezzani. Le « Coriolan » monté par la compagnie insulaire, « Nénéka » qui avait aussi quarante dates à son agenda sur le continent. « Sintinelli » de Laurent Simonpolli, qui retrace par le texte et le chant quarante ans de la vie d’une famille corse d’aujourd’hui. L’adaptation en lingua nustrale des « Précieuses ridicules » de Molière par Guy Cimino du Teatrinu. « Et si on ne se mentait plus », qui avait fait un triomphe à Avignon et qui donne un aperçu de l’histoire du théâtre. « La passion selon Marie » de Charlotte Arrighi de Casanova… Autant de pièces, de spectacles, qui pour les plus chanceux n’auront pu rencontrer le public qu’une fois, à Bastia ou Ajaccio, ce qui plombe évidemment leur envol !

Dans les limbes également les créations prévues par les étudiants en « Arts du spectacle » dont l’une mêlant des textes classiques et contemporains et une autre sur Napoléon en partenariat avec la municipalité cortenaise. A la trappe encore la JACES (Journée Art Culture Enseignement Supérieur).

« Sursum corda », dit le latin. Une façon de garder l’espoir !



Bacri, un supplément d’émotion…

On en faisait le prototype du bougon, du râleur. Pourtant on ne pouvait occulter combien il était doué pour l’émotion. En témoignent deux scènes du « Goût des autres », celle où le personnage plutôt frustre qu’il incarne, découvrait les vers de Racine interprétés par une sublime comédienne ; celle où il perçait le mystère Ibsen grâce à cette même comédienne jouant Hedda Gabler… Bouleversant en ces instants, tant il était vrai ! Une illustration aussi de la force du théâtre et du lien qui s’instaure entre spectateur et acteur… actrice en l’occurrence !



                                  « Le théâtre c’est fait pour être ensemble. Sans public c’est comme une fracture. »
                    Jean Pierre Giudicelli


D’où vous vient votre passion du théâtre ?

Très tôt. Enfant, au village en Castagniccia, j’aimais écouter les vieux, qui avec leur théâtralité racontaient la guerre de 39 – 45, l’Algérie, le rapport à la mort ou des traits de caractères amusants. A Bastia, j’ai rencontré Bartlomeu Dolovici et j’ai lu à 11 – 12 ans certains de ses poèmes à RCI, la radio d’Aimé Pietri.


Où avez-vous fait votre formation ?

A Paris, auprès de Betty, la femme de Mighele Raffaelli qui donnait des cours de théâtre. Puis j’ai passé trois ans à L’Ecole du Passage de Niels Arestrup. Ensuite j’ai rejoint « Le théâtre en partance ». J’ai aussi fait un détour par l’Actor Studio parisien.


Vos débuts sur la scène insulaire ?

Rentré à Bastia, mon amie, Simone Grimaldi, qui travaillait comme maquilleuse avec le Teatrinu, m’a présenté à Guy Cimino. Il m’a proposé de faire la présentation de « L’opéra de quat’sous » de Brecht. C’est comme ça que j’ai intégré la troupe ! Dans la foulée on a créé pour la tv, « La famille Past’asciu ». L’université m’a demandé de faire des petits modules de pratique artistique en corse et en français. Puis j’ai obtenu un mastère sur la décentralisation théâtrale.


En tant qu’acteur comment abordez-vous un texte ?

Je préfère toujours en faire une lecture à haute voix car c’est une manière de voir s’il fait écho en moi et d’en capter le rythme, ainsi que d’en sentir les orientations pour le jouer sur scène. Ensuite vient le travail à la table avec les autres comédiens qui doit permettre d’en ressentir toutes les émotions.


En Corse pourquoi la comédie est-elle plutôt fille du nord de l’île ?

Faire du théâtre en corse, en français, en arabe, ou en une autre langue induit un code de jeu différent par rapport au corps, à l’autre, à l’espace et c’est encore plus vrai en matière comique. La langue du sud de l’île plus âpre, plus aride pousse plutôt les gens vers le tragique. Celle du nord, plus légère offre un terrain plus favorable à la comédie. Mais au nord comme au sud ce dont on doit se garder, c’est du copier-coller par rapport à l’extérieur.


Un acteur peut-il tout jouer ?

Je n’étais pas parti pour jouer surtout du comique. Être dans le sérieux c’est dans mes possibilités… si c’est un sérieux décalé ! Néanmoins je crois qu’un acteur a ses palettes et qu’il reste dans ses emplois.


L’esprit de troupe est-il – comme au Teatrinu – aussi précieux qu’on l’affirme ?

C’est capital… On répète, on joue ensemble. Il y a de l’amitié entre nous et pour moi ça dure depuis vingt-deux ans ! Au Teatrinu il n’y a pas de starisation, pas de rivalités. On est dans une compagnie, pas dans un casting.


Quel rapport entre l’acteur et le spectateur ?

L’acteur est dans le faire. Le spectateur dans la catharsis.


Peut-on jouer sans public ?

C’est galère !... Quelle solitude ! On s’en rend compte lors des captations sans public. Quand il y a des spectateurs pour l’enregistrement c’est nettement mieux. Le théâtre c’est fait pour être ensemble. Sans public c’est comme une fracture.


En quoi précisément le théâtre fait-il du lien social ?

C’est un art vivant qui nous fait vivre ensemble… Entre le public et les comédiens s’établit une union parce qu’on se retrouve au même endroit, pour la même chose et qu’on accepte la même convention voulant que les uns soient sur scène et les autres dans la salle, ce qui signifie qu’il y a entente tacite pour suivre la même règle du jeu.


Quel est le but du théâtre ?

Rester en vie. Être des humains. A l’actif du théâtre : il a toujours suivi les évolutions de la société. C’est un miroir… un miroir qui a, de tous temps, traité de toutes les problématiques sans s’enferrer dans les modes et les styles.


Comment rebondir dans les circonstances présentes ?

Je n’en sais rien… Cette question tout le monde se la pose. Elle n’aura de réponse qu’à la réouverture des salles. Pour l’instant sans pouvoir rencontrer l’autre c’est comme si on n’existait plus !


Le numérique peut-il aider à éclaircir l’horizon du spectacle vivant ?

Il ne peut se substituer à la représentation théâtrale en public. En tant que support de la création c’est un pis-aller.

Propos recueillis par M.A-P

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