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Marc-Antoine Corticchiato : « Un parfum doit sortir du cœur »

Fondateur de Parfum d’Empire, Marc-Antoine Corticchiato sort sa dernière création, Mal-Aimé. Une fragrance qui rend à la fois hommage à un compagnon de route et à toutes ces « mauvaises herbes » injustement dédaignées des hommes.
Marc-Antoine Corticchiato : « Un parfum doit sortir du cœur »

Fondateur de Parfum d’Empire, Marc-Antoine Corticchiato sort sa dernière création, Mal-Aimé. Une fragrance qui rend à la fois hommage à un compagnon de route et à toutes ces « mauvaises herbes » injustement dédaignées des hommes.

Partout, des centaines de petites fioles posées sur des étagères. Des effluves qui saisissent l’odorat, chatouillent les narines et interpellent. C’est ici, dans son labo du XVIIème arrondissement de Paris que Marc-Antoine Corticchiato élaborent les eaux de Parfum d’Empire, la marque qu’il a fondée il y a près de vingt ans avec la Comtesse de Cessac. Depuis, les créations se sont enchaînées. Avec Mal-aimé, le parfumeur originaire de Cutuli è Curtichjatu présente son vingt-et-unième flacon. Il a reçu le JDC pour évoquer la longue histoire de ce parfum avant-gardiste et forcément iconoclaste.

Nommée Mal Aimé ou éloge des mauvaises herbes, votre dernière création rend hommage à l’un de vos amis…

Tout à fait. Il s’agit de Lucien Acquarone, parti trop tôt… Je l’avais rencontré il y a très longtemps. J’étais encore étudiant et je terminais ma thèse de doctorat de chimie spécialisée dans l’analyse des extraits de plantes à parfums. C’est dans ce cadre-là que j’ai connu Lucien qui était ingénieur spécialisé dans la fabrication d’unités d’extractions de plantes à parfum. Très vite, on s’est lié d’amitié. On s’est aussi rendu compte qu’il était marié à une petite cousine à moi.
Il a été un compagnon de maquis et de brousse : en Corse bien sûr, mais aussi au Vietnam, à La Réunion et à Madagascar, où il avait installé une unité d’extraction. C’était un bon vivant d’une très grande générosité. Malgré nos différence d’âge, nous sommes devenus amis. Par sa générosité et sa pertinence, il me faisait penser à mon père, lui aussi parti trop tôt.

Ce nouveau parfum s’inspire de l’inule, qui pousse partout et notamment en Corse.
Pourquoi avoir choisi cette plante sauvage à fleurs jaunes ?


Avec Lucien, nous avons pendant très longtemps parlé de cette mauvaise herbe qui pousse spontanément, sans rien demander à personne, aussi bien dans les terrains vagues, au bord des plages, dans le maquis et dans les jardins.
Au village, dans mon jardin, je n’ai jamais eu le cœur à arracher les plants d’inule. Aux gens qui me disaient de le faire, je leur répondais « non », car elle a un parfum incroyable et un charme absolument fou.

C’est une plante que vous avez aussi croisée dans vos nombreux voyages ?

Oui, mais elle était surtout présente dans mon quotidien en Corse. Je partage ma vie entre Paris et mon village de Cutuli. Comme pour beaucoup de Corses, inconsciemment, elle a toujours fait partie de ma vie et n’avait jamais été utilisée en parfumerie.

En l’utilisant dans votre création, vous vouliez aussi rendre justice à toutes ces « mauvaises herbes » ?

Avec Lucien, je ne sais combien de fois nous avons parlé de cette injustice et de ce dédain envers ces herbes dites mauvaises ou folles, et en particulier cette inule qui est présente dans notre quotidien. On aime son parfum très complexe, avec des facettes miellées, florales, salées, musquées et boisées. Selon les périodes, elle est différente. C’est une plante incroyable et captivante.
Pendant des années, on s’est dit quel dommage que personne ne la connaisse et ne veuille la connaitre. Elle est tellement belle, il faudrait qu’on fasse quelque chose pour la mettre à l’honneur. Malheureusement, Lucien est parti trop tôt. Aujourd’hui, je lui rends donc hommage. D’ailleurs, l’essence que j’utilise est distillée par ses fils, Stéphane et Alexandre Acquarone, tous deux installés sur la Plaine Orientale.

Avec ces herbes folles, vous prenez aussi le contre-pied des matières dites nobles de la parfumerie…

J’en avais un peu ras-le-bol des revendications de parfumeurs qui ne jurent que par la matière première noble. Pour moi, il y a aussi une véritable noblesse dans ces herbes mauvaises souvent belles et rebelles qui ne demandent rien à personne et vivent à l’abri des regards. Elles sont interdites des flacons et des beaux quartiers, elles sont dédaignées. Elles sont un peu en marge de la société comme peuvent l’être les gens abandonnés qui sont rejetés. À travers cet hommage, j’ai donc voulu leur rendre justice. Dans chacun des parfums que je crée, que ce soit pour ma marque ou pour d’autres maisons, il y a toujours une histoire très personnelle. Un parfum doit sortir du cœur.

Depuis quand ce projet était-il dans vos tiroirs ?

J’ai envie de dire depuis toujours. En Corse, je ne sais depuis combien de temps je passe mes mains dans l’inule mais aussi dans la nepita et l’immortelle qui sont, elles, davantage reconnues. Ce qui m’intéressait, c’était de travailler sur ces herbes dédaignées par les hommes alors qu’elles peuvent être très belles lorsqu’on se balade dans la nature, en Corse ou ailleurs.
Et puis ce terme « mauvaise herbe », quelle injustice ! Car elles peuvent être aussi bienveillantes, comme l’ortie que j’ai aussi utilisée dans mon parfum. L’huile essentielle d’inule est reconnue pour soigner les infections respiratoires.

En dehors de Mal Aimé, avez-vous d’autres projets qui pourraient sortir prochainement de vos tiroirs ?

Oui. Eau de Gloire, qui était le tout premier parfum de la maison, va avoir sa déclinaison en eau de Cologne qui sortira cet été.
À l’origine, cette eau de parfum était un hommage à tous ces Corses partis de rien pour aller conquérir le monde. Le plus connu étant Napoléon. Plus proche de moi, c’était mon père qui, comme tant d’autres, était lui aussi parti aux colonies. J’ai toujours eu beaucoup d’admiration pour ces aventuriers. Souvent, ces Corses-là disaient que leur parfum préféré était celui du maquis.


Parfum d’Empire, l’histoire d’un duo

À l’origine, derrière Parfum d’Empire, il y a Marc-Antoine Corticchiato et la Comtesse de Cessac. « C’est l’histoire d’un duo cofondateur que je forme avec la Comtesse de Cessac, une amie de toujours, souligne le parfumeur corse. C’est une femme de grande sensibilité et de goût qui a une sensibilité olfactive incroyable. Parfum d’Empire a été fondé et continue de vivre grâce à ce duo que l’on forme depuis toujours. »

Fondée en 2002, cette marque de luxe totalement indépendante qui – chose rare – possède son propre labo a su trouver sa place au sein d’un marché de niche qui n’a cessé de se développer. « À l’époque, il n’y avait pas cette mode de marque de créateurs, explique le parfumeur insulaire. L’initiateur, c’était feu Jean-François Laporte avec L’artisan parfumeur. Aujourd’hui, il y a pléthore de marques. Parfum d’Empire est une marque privée et indépendante qui s’inscrit dans de l’artisanat. Et, cette fois-ci, je tiens à ce terme noble. » Sur ce marché très concurrentiel, ses créations ont su tirer leur épingle du jeu. En témoignent les titres de meilleur parfum de l’année décernés par la prestigieuse Fragrance Foundation - l’équivalent des Oscars dans le secteur – à Corsica Furiosa et Tabac Tabou en 2015 et 2016. Mais pas de quoi faire grossir la tête de Marc-Antoine Corticchiato. Infatigable travailleur (qui crée également pour d’autres maisons), il est aussi un éternel perfectionniste : « Je me dis toujours, j’aurais dû faire cela, faire ceci. Quand je crée pour ma marque, j’ai beaucoup de mal à terminer un parfum. » Dans ces moments-là, il peut compter sur la Comtesse de Cessac : « C’est elle qui me dit « stop, tu ne touches plus à rien. On lance ! » Elle a un feeling incroyable. »

Du Maroc à la Corse

« Mon père avait des orangeraies au Maroc. J’ai donc grandi entre Casablanca, le bled et le maquis corse. » Né au Maroc, Marc-Antoine Corticchiato y a vécu une partie de sa jeunesse. Ses vacances, il les passait sur l’île, dans son village de Cutuli è Curtichjatu. Passionné d’équitation et cavalier émérite, il hésitera à faire carrière avant de bifurquer vers des études de chimie. « J’ai eu la chance de grandir dans trois univers olfactifs d’une beauté et d’une richesse inouïes : le maquis corse, les orangeraies de mes parents au bled et les écuries. J’ai toujours été intrigué par le parfum des plantes. Comment une petite plante qui ne paie pas de mine, qui ne demande rien à personne, peut avoir un parfum composé de centaines de molécules. Tout ça m’a poussé à essayer de comprendre et à faire des études de chimie. » Sa thèse de doctorat portera d’ailleurs sur la mise au point d’une nouvelle technique d’analyse des extraits de plantes à parfums. Après avoir complété sa formation à la célèbre École internationale de parfumerie de Versailles, il travaille d’abord dans un laboratoire de recherche. « Là, c’est toute ma période avec Lucien Acquarone qui était un magicien pour extraire le parfum des plantes sans altérer leur odeur originale. » Par la suite, il intégrera un laboratoire de création de parfum parisien avant de fonder Parfum d’Empire en 2002.




Parfum d’Empire : www.parfumdempire.com
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