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Felix Benedetti : chronique d’un acharnement

Faut-il juger crédible que Félix Benedetti paie le fait d’être un des principaux dirigeants de Core in Fronte, mouvement qui occupe activement de nombreux terrains de lutte et refuse d’édulcorer ses revendications fondamentales ? Difficile de répondre non
Faut-il juger crédible que Félix Benedetti paie le fait d’être un des principaux dirigeants de Core in Fronte, mouvement qui occupe activement de nombreux terrains de lutte et refuse d’édulcorer ses revendications fondamentales ? Difficile de répondre non.

Patriotti, Collectif de défense des anciens prisonniers politiques corses, a dernièrement organisé un rassemblement au rond-point d’Arena-Viscuvatu qui avait pour objet d’apporter un soutien à Félix Benedetti et de s’élever contre « la politique répressive vouée à l’échec » de l’Etat. Patriotti a en effet tenu à rappeler qu’outre un acharnement judiciaire à l’encontre du militant de Core in Fronte Félix Benedetti, il entendait dénoncer la poursuite d’une politique répressive : « Il reste une douzaine de prisonniers politiques corses. Nous leur apportons tout notre soutien et ferons tout pour qu’il n’y en ait pas un de plus dans les jours qui viennent » a lancé Ghjuvan-Filippu Antolini qui portait la parole du Collectif. Il est difficile de ne pas accorder du crédit à Patriotti quand il évoque un acharnement et une politique répressive.

En effet, Félix Benedetti a été appelé à comparaître devant la Cour d’appel de Paris à la suite d’une contestation par le Parquet antiterroriste de l’aménagement (liberté conditionnelle sous bracelet électronique) d’une peine d’un an et demi de prison ferme qui représente le reliquat d’une condamnation à cinq ans de prison. Pour justifier sa démarche, le Parquet antiterroriste a invoqué le refus de Félix Benedetti de se soumettre aux obligations fixées par son inscription au Fijait (Fichier des auteurs d'infractions terroriste). En effet, le Fijait ayant été mis en place à la suite des attentats islamistes ayant frappé chez Charlie Hebdo et au Bataclan, l’intéressé n’accepte pas d’être assimilé à un partisan de Daesh.

Il y a quelques temps, avant de comparaître avec deux autres militants nationalistes devant la Cour d'appel Bastia pour leur refus d'être inscrits Fijait, Félix Benedetti s’est d’ailleurs clairement expliqué: «Pendant les attentats de Charlie Hebdo, je me trouvais à Fresnes. A l'époque François Hollande a demandé d'observer une minute de silence et la grande majorité des détenus de Fresnes a fait un tapage incroyable. Je ne suis pas Français mais en tant qu'homme, je ne me suis pas reconnu dans ce manque de respect envers la vie. Pendant notre détention nous avons aussi été confrontés à ces mêmes islamistes qui voulaient nous imposer certaines règles de vie, nous nous sommes même confrontés physiquement. Pour nous c'est inacceptable d'être assimilés à eux.»

Quand paraîtra le présent article, Félix Benedetti aura comparu (11 mars). Le jugement sera prononcé ou aura été mis en délibéré. L’intéressé risque de retourner en prison alors qu’il est libre depuis mars 2017 après avoir effectué deux ans et demi de détention, soit la moitié de sa peine, et avoir été assigné un an et demi à résidence en région parisienne. Cela conduit à considérer que Félix Benedetti fait effectivement l’objet d’un acharnement. Et ni la genèse, ni les épisodes précédents de son affaire ne suggèrent le contraire.

Pourquoi cet acharnement ?

En 2013, dans le cadre d'une enquête portant sur une série d'attentats commis quelques années plus tôt, Félix Benedetti a été interpellé. A l’issue de plusieurs perquisitions, les enquêteurs ont affiché la découverte d’armes de poing et d’un pistolet-mitrailleur à son domicile et dans le bar qu’il tenait à Bastia. Ils ont par ailleurs affirmé avoir saisi un kilo d'explosif sous le siège de son véhicule. Félix Benedetti a reconnu être le possesseur des armes et expliqué qu’il les détenait pour assurer sa sécurité car il était menacé.
En revanche, il a toujours nié la possession du kilo d’explosif : «Celui-ci a été découvert plusieurs heures après mon interpellation, en mon absence, dans un véhicule professionnel facilement ouvert dont j'étais utilisateur et qui a été́ déplacé́ par la police. On n'a jamais recherché le double des clés, ni même pu obtenir d'expertise ou contre-expertise, ce véhicule ayant pris feu par accident dans le garage de la police.
Mon ADN ne correspond pas aux deux ADN inconnus retrouvés sur ces explosifs.»
Après avoir été mis en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, détention de produits explosifs et détention d'armes, Félix Benedetti a été placé en détention préventive. Elle a duré deux ans et demi. L’intéressé a été détenu à la prison de Fresnes dans le Val-de-Marne. Ayant été remis en liberté en 2015, il a été assigné à résidence en région parisienne.
En juin 2017, il a été condamné à cinq ans de prison ferme par le tribunal correctionnel de Paris. En outre, les juges ont prononcé une inscription au Fijait.
En mai 2018, en appel, la peine de cinq ans de prison ferme et l’inscription au Fijait ont été confirmées. Ayant purgé la moitié de sa peine, Félix Benedetti n’a pas été remis en détention.
En janvier dernier, il lui a cependant été signifié qu’il devrait exécuter le restant de sa peine par le port d'un bracelet électronique. Mais cette disposition, bien que le juge d’application des peine ait mentionné qu’il convenait de dissocier le terrorisme islamiste des faits liés à question corse, et qu’en conséquence le refus de se plier aux contraintes du Fijait ne s’opposait pas à un aménagement de peine, a, on l’a vu, été contestée par le Parquet antiterroriste.

Pourquoi cet acharnement alors que l’enquête a pour le moins été affectée d’éléments à charge contestables ou du moins peu convaincants, qu’aucun dommage à l’encontre de personnes ou de biens n’a été déploré et que les organisations clandestines sont en sommeil depuis plusieurs années ? Faut-il juger crédible que Félix Benedetti paie le fait d’être un des principaux dirigeants de Core in Fronte, mouvement qui occupe activement de nombreux terrains de lutte et qui refuse d’édulcorer ses revendications fondamentales ? Difficile de répondre non à cette dernière question.

Pierre Corsi
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