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Loi Molac : Ne pas se comporter en ravis de la crèche

Ni la loi, ni l'argent, ni la multiplication de nombre d'enseignants , ne sauraient remplacer la volonté de chacune et chacun, qu'il soit Corse, Breton ou......
Loi Molac : ne pas se comporter en ravis de la crèche !
Ni la loi, ni l’argent, ni la multiplication du nombre d’enseignants, ne sauraient remplacer la volonté de chacune et chacun, qu’il soit Corse, Breton, Basque ou autre, de pratiquer le plus souvent possible la langue de sa région que parlaient ses aïeux.


La proposition de loi Molac ayant pour objectif de protéger et promouvoir le patrimoine immatériel et la diversité culturelle dont les langues régionales constituent l’une des expressions, a été définitivement adoptée à une large majorité par les députés (323 contre 76), après l’avoir été en première lecture par l'Assemblée nationale en février 2020 puis par le Sénat en décembre 2020. Une vingtaine de langues en métropole et une cinquantaine outre-mer sont concernées.

L’adoption et l’application de ce texte ne suffiront certes pas à les préserver du désintérêt ou de la disparition. Toutefois, qu’il ait été adopté représente une étape importante et symboliquement forte : il est enfin formellement reconnu qu’à même titre que la langue française, les langues régionales relèvent du patrimoine linguistique ; il est enfin précisé que l’État et les collectivités territoriales peuvent et doivent s’impliquer dans leur enseignement, leur diffusion et leur valorisation.
En outre le texte confère le statut de trésor national aux biens présentant un intérêt majeur pour la sauvegarde de ces langues. Ce qui déterminera l’application d’un régime particulier de conservation par exemple par des enregistrements de locuteurs ou la restauration / conservation d’écrits. Les députés ont par ailleurs apporté des modifications à la loi relative à l’emploi de la langue française (Loi Toubon) afin de préciser que ses dispositions « ne font pas obstacle à l’usage des langues régionales et aux actions publiques et privées menées en leur faveur. »

Rien n’est acquis !

La mise en œuvre concrète de ces avancées est cependant loin d’être acquise car le Parlement a adopté la proposition de loi contre la volonté du gouvernement.
On peut par exemple s’inquiéter que le ministère de l’Education et certains lobbies jacobins très actifs au sein de la classe politique et des syndicats d’enseignants fassent de l’obstruction concernant l’enseignement des langues régionales en tant que matières facultatives ou l’immersif (enseignement durant une grande partie du temps scolaire dans une langue autre que le français). Le ministère pourrait aussi traîner des pieds concernant l’attribution de subventions aux écoles privées sous contrat proposant un enseignement bilingue (par exemple les écoles Diwan en Bretagne). Chez nous, l’impact de la loi Molac sera moindre car nous bénéficions déjà de la plupart des avancées dont elle est porteuse.

Son adoption contribuera toutefois à davantage légitimer les actions s’inscrivant dans la construction du bilinguisme. Il sera par ailleurs possible de s’y référer pour exiger la révision de l’article 2 de la Constitution (par exemple en remplaçant la mention « La langue de la République est le français » par la mention « Le français est la langue de la République qui, sur son territoire, protège et soutient les langues régionales ») et la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires que la France a signée il y a plus de vingt ans.
Se réjouir ne doit donc pas être confondu avec se comporter en ravis de la crèche. Une étape significative a certes été franchie mais il en reste beaucoup d’autres à parcourir pour que le Corse, le Breton, le Basque et bien d’autres langues ne soient plus menacées de disparaître ou de devenir des langues mortes. Et la moindre de ces étapes n’est pas d’aboutir à la prise de conscience que ni la loi, ni l’argent, ni la multiplication du nombre d’enseignants, ne sauraient remplacer la volonté de chacune et chacun, qu’il soit Corse, Breton, Basque ou autre, de pratiquer le plus souvent possible la langue de sa région que parlaient ses aïeux.

Alexandra Sereni
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