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La Corse, une "région" comme les autres ?

La question immobilière qui se pose avec acuité en Corse est partagée par toutes les régions de France à forte valeur touristique.
La Corse, une « région » comme les autres ?

La question immobilière qui se pose avec acuité en Corse est partagée par toutes les régions de France à forte valeur touristique. Celle de la vie chère n’est pas non plus spécifique à notre île même si elle est légèrement amplifiée par le phénomène de l’insularité. Ne serait-il pas temps que nous mutualisions nos difficultés avec d’autres régions françaises plutôt que de continuer à jouer cavalier seul ?


En Bretagne, dans les Landes, au Pays basque aussi


Perros-Guirec, dans les Côtes-d’Armor, compte aujourd’hui entre 40 et 50 % de résidences secondaires. Dans certaines communes du Morbihan, ce pourcentage s’envole jusqu’à 80 %. D’ailleurs l’UDB, un minuscule parti autonomiste breton, a repris au vol l’idée de statut de résident, une idée qui ne rassemble guère les foules dans cette région qui vit de l’agriculture et du tourisme. Et les résidences secondaires sont une source financière déterminante pour les petites communes.
Le problème existe sur l’ensemble du littoral français qu’il soit atlantique ou méditerranéen. On le retrouve également en montagne dans les stations de ski. Et partout, il y a ce paradoxe créé par la manne financière que représentent le tourisme confrontée au rejet de ces nouveaux venus friqués. On peut même élargir la question aux villes réputées agréables. Bref, on découvre l’eau tiède, à savoir que l’être humain en général préfère les lieux agréables, ensoleillés et entourés d’une nature généreuse.

C’était vrai avant l’instauration des congés payés en 1936. Ajaccio était une ville pour touristes riches tout comme Biarritz, Perros Guirec ou la campagne bordelaise. Mais depuis l’humanité s’est enrichie. Le baby-boom a créé la génération humaine la plus nombreuse et la plus riche du monde occidental. Les gens qui habitaient le septentrion, dès qu’ils en ont eu les moyens, ont migré vers le soleil et la mer dès qu’ils atteignaient l’âge de la retraite. Or dans un système général mû par l’argent et le profit on voit difficilement comment résister à ces désirs somme toute naturels et compréhensibles.

Apprendre la citoyenneté


La Corse n’est donc pas la victime d’une « colonisation de peuplement » qui en ferait l’unique victime d’un complot ourdi au sein de l’état profond. Elle a simplement la chance de posséder une magnifique nature et, depuis maintenant un demi-siècle de moyens de transport qui la mettent à portée de bourses moyennes et de toutes les villes françaises.

Je l’ai déjà écrit, le statut de résident ne fera que repousser le problème et encourager la spéculation suis generis. Il sera toujours mieux d’être riche que pauvre. On peut évidemment obliger les communes à se doter d’habitations à loyer modéré. Mais alors il faudra assujettir ces ventes de conditions particulières afin que les heureux acquéreurs n’en profitent pas pour plus tard spéculer. Et, mais je me répète, de toute manière, les pauvres sont hélas condamnés à connaître des conditions de vie plus difficiles que les plus riches. Le taux de pauvreté est légèrement supérieur à la moyenne française mais égal à celui observé par exemple dans les Hauts-de-France. Et la différence n’est pas notable au point de transformer notre île en nouveau tiers-monde. Et plutôt que de se battre contre des chimères, mieux vaudrait jouer sur des facteurs de paupérisation comme la cherté de la vie ou encore l’apprentissage des droits sociaux.
Sait-on qu’en France le non-recours concernant les prestations sociales versées ou attribuées par différents organismes, comme la CAF, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie ou Pôle Emploi se monte à dix milliards d’euros et pour la Corse à plusieurs dizaines de millions ? Voilà qui pourrait permettre à bien des familles de mieux se loger.

Accepter la banalisation de nos maux pour mieux les connaître


Les Corses pèchent par orgueil feignant de croire que leurs maux leur sont uniquement réservés. Ce victimisme a fonctionné durant des décennies pour obtenir toujours plus de crédits, toujours plus de subventions. Mais aujourd’hui il est devenu terriblement contre-productif, car il nous empêche de regarder nos responsabilités en face et de mutualiser nos efforts avec ces autres régions qui, en France, vivent des problèmes identiques. En unissant nos efforts pour porter nos doléances jusqu’à Paris, elles auraient d’autant plus de chances d’être entendues.
C’est d’ailleurs le travail de nos députés. Mais la plupart du temps, nous préférons croire que nous sommes uniques et que nous sommes spécialement brimés. En nous interdisant l’humilité, nous perdons souvent des occasions de remporter des victoires fussent-elles modestes. Mais peut-être au fond préférons-nous nous plaindre plutôt que de connaître le bonheur d’avancer peut-être peu, mais de ne le devoir qu’à nous-mêmes.

En un mot, amorcer une forme d’indépendance.


GXC
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