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La Corse et les déchets : matraquage , trop- plein et fosse commune

Notre Île n'a malheureusement pas encore connu et dépassé toutes les stations du chemin de croix.
La Corse et les déchets : matraquage, trop-plein et fosse commune

Notre île n’a malheureusement pas encore connu et dépassé toutes les stations du chemin de croix.

Un rapport de l’Autorité de la Concurrence a, en novembre dernier, mis en exergue le coût exorbitant du traitement des déchets sur notre île. Selon ce rapport qui se réfère à une situation antérieure à l’année 2020, la charge par habitant (243 €) dépasse largement la moyenne nationale (93 €). Il y est aussi mentionné que la charge pèse indirectement et directement très lourd sur les épaules des contribuables : elle grève les budgets des intercommunalités ; elle affecte les budgets des ménages (taux de Taxe d'enlèvement des ordures ménagères, TEOM, en moyenne 5 points plus élevés que dans l’Hexagone).
Et le moins que l’on puisse dire est que la situation n’est pas en voie d’amélioration.

La cotisation Syvadec imposée aux intercommunalités qui prend en compte les dépenses aval de la collecte et du tri, va augmenter cette année (357 € la tonne d’ordure ménagères prise en charge au lieu de 344 €). En 2020, la Communauté d’Agglomération du Pays Ajaccien dont les taux TEOM étaient déjà très hauts (17% à 20% dans la plupart des dix communes), les a augmentés de 1 point. Cette année, le taux TEOM uniformément imposé dans les cinq communes de la Communauté d’Agglomération de Bastia fera un bond de 6 points., ce qui représentera une ponction annuelle de 170 euros par ménage.

Une politique désastreuse

Tout cela est la conséquence directe d’une politique désastreuse. En effet, la mésestimation d’une insuffisante culture individuelle et collective du tri, les rejets du geste de tri provoqués par les hausses de TEOM, la non-application d’une redevance incitative pourtant préconisée par le Grenelle de l’Environnement, le manque criant d’équipements et de processus de collecte et de tri adéquats ainsi que l’absence de réelles filières locales de recyclage ont rendu irréalisables les objectifs de réduction des tonnages devant être enfouis. La sanction est désormais bien connue. Les tonnages pouvant annuellement être enfouis ont régulièrement été atteints bien avant les 31 décembre. Des centres d’enfouissement ont été saturés et fermés plus rapidement que prévu.

Depuis quelques années, notre île a vécu des « crises des déchets » ; et ces crises, du fait des saturations annuelles des centres d’enfouissement restés ouverts, ont nécessité des stockages provisoires financièrement coûteux et environnementalement désastreux. Pire encore, en avril 2020, la Collectivité de Corse a dû transférer 21 000 tonnes de déchets vers des incinérateurs de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur selon un coût de 6 millions d’euros. Enfin, la réduction insuffisante des tonnages enfouis et l’augmentation trop faibles des tonnages triées et valorisables continuent d’interdire d‘une part, une baisse significative des cotisations Syvadec dues par les intercommunalités au titre du traitement de leurs déchets non triés ; d’autre part, une hausse conséquente des reversements par le Syvadec à ces mêmes intercommunalités, des recettes générées par l’apport de déchets destinés au recyclage.

Tamanta disgrazia…

La Corse qui subit le matraquage fiscal et le trop-plein sur les sites d’enfouissement n’a malheureusement pas encore connu et dépassé toutes les stations du chemin de croix. Elle est aujourd’hui menacée de devoir accepter l’ouverture d’une fosse commune. Une de plus !
En effet, ces derniers jours, le Conseil d'Etat a rejeté le pourvoi déposé par le collectif Tavignanu Vivu, la Collectivité de Corse et U Levante demandant que soit annulé le jugement autorisant la société Oriente Environnement à réaliser à Ghjuncaghju, un projet de construction et d’exploitation d’un centre d’enfouissement dit « Pôle environnemental » qui pourra, durant trente ans, recevoir annuellement 70 000 tonnes /an de déchets ménagers et assimilés non valorisables et 102 000 tonnes / an de terres amiantées.

Le Conseil d’État a ainsi donné raison aux magistrats du Tribunal administratif de Bastia et de la Cour administrative d'appel de Marseille qui ont considéré que le préfet de Haute Corse n'avait pas suffisamment argumenté son rejet du projet. Le collectif Tavignanu Vivu a certes l’intention de poursuivre le combat en le portant devant la Cour de Justice de l’Union Européenne.

Mais à ce stade procédural, la réalisation du projet peut être engagée. Et ce, bien que le terrain concerné soit situé dans un méandre du Tavignanu en amont d’une plaine vouée à l’agriculture et au tourisme. Et ce, bien que l’instabilité géologique de la zone soit connue. Tamanta disgrazia...

Alexandra Sereni


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