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Les nouveaux bâtonniers des barreaux d'Ajaccio et Bastia

Interview des nouveaux bâtonniers Me Raphaële Deconstanza et Me Jean-Benoît Filippini

Maître Raphaëlle Deconstanza (bâtonnier du barreau d’Ajaccio)


« La justice de proximité est essentielle en Corse. On doit tout faire pour la conserver »


Elue à la tête du barreau d’Ajaccio le 17 juin dernier, Maître Raphaëlle Deconstanza aura, à compter de janvier prochain, date de sa prise de fonction, du pain sur la planche avec des réformes qui minent la profession. Il en faut plus pour décourager cette femme de conviction qui a fait le choix, après avoir exercer au barreau de Paris, de rentrer chez elle….



Que représente cette élection pour vous ?

C’est d’abord un grand honneur que m’ont fait mes confrères. Une belle élection et un signe déjà très fort puisqu’ aucun autre confrère n’avait fait état de sa candidature. Il a marqué la volonté du barreau de désigner son bâtonnier dans un consensus. Le deuxième point fort de cette élection fut le nombre de confrères qui se sont déplacés nombreux . J’ai été élue à l’unanimité des votants, ce fut touchant et le signe fort aussi pour ce que je souhaite à l’occasion de mes deux années de mandat, à savoir le fait de compter sur un barreau uni et solidaire. Par ailleurs, et je tiens à le souligner, j’ai été très émue par la réaction des gens dans la rue. Ils sont touchés de savoir qui a été élu et cela prouve à quel point l’avocat occupe une place primordiale dans la société corse.



Quels serons vos missions ?

Mon programme sera surtout conduit par la nécessité de faire preuve de pragmatisme face aux situations auxquelles nous sommes confrontés. Nos tâches sont nombreuses, elles concernent les rapports entre avocats, avocats et magistrats, avocats et clients. Nous rencontrons, en effet, beaucoup de difficultés. Il y a des réformes et l’on doit s’adapter sans grands moyens. Au cours de mon mandat, je vais essayer de faire en sorte que l’on traverse cela au mieux pour nous mais aussi dans l’intérêt du justiciable.


Que pensez-vous des réformes qui touchent la profession ?

La justice se transforme depuis déjà quelques temps. On doit faire face à des réformes en cascade sur le fond autant que sur la façon de travailler mais avec des moyens financiers qui sont de plus en plus réduits. La justice traverse une crise nationale très importante et nous en avons des répercussions dans l’île. Au sein du tribunal d’Ajaccio, les moyens financiers et humains font lourdement défaut. De ce fait et avec des effectifs réduits, la justice ne peut pas fonctionner de la même façon. Le propos de mon bâtonnat sera de faire en sorte que l’on parvienne à travailler au mieux face à ces contraintes. In fine dans l’intérêt du justiciable mais aussi pour que l’avocat puisse travailler main dans la main avec les magistrats et les greffiers qui sont également les pierres angulaires du fonctionnement d’une juridiction.


Peut-on parler de spécificité corse pour la profession d’avocat ?

S’il y a des spécificités, je les ressens avant tout dans l’intérêt de la chose de justice que nous avons chez nous. La justice est, en Corse, au coeur du débat, de nos préoccupations. Elle intéresse au plus haut point la population de la même façon que l’injustice. Il est très important, pour moi, que l’on réponde à cela dans les meilleurs conditions. Nous sommes une petite juridiction, il faut tenter de ne pas perdre le lien humain et de faire en sorte que lorsque le justiciable sort du prétoire, il soit jugé au mieux de ce que peut organiser la juridiction pour que véritablement on conserve une justice de proximité qui semble essentielle.

Maître Jean-Benoît Filippini (bâtonnier du barreau de Bastia)


« L’unité de la profession doit prédominer »


Âgé de 61 ans, Jean-Benoît Filippini a été élu en juin dernier, bâtonnier du barreau de Bastia. Spécialisé dans le civil, il exerce depuis 1985 et possède une solide expérience. Comme son homologue d’Ajaccio Raphaëlle Deconstanza, il prendra ses fonctions à compter du 1er janvier 2022, succédant, dans cette fonction, à Maître Jean-Paul Eon et sera, pour les deux années à venir, le porte-parole des 162 avocats que compte le barreau de Bastia…


Vous avez été élu bâtonnier du barreau de Bastia, que cela vous inspire-t-il ?

C’était ma toute première candidature au bâtonnat. J’ai souhaité occuper cette fonction afin de défendre au mieux la profession. C’est une tâche particulièrement conséquente. Nous devons faire face à des réformes qui atteignent les principes de notre profession. Il y a toujours une part de satisfaction mais ce n’est pas l’objet principal du bâtonnat. C’est une fonction que l’on doit assumer après une certaine expérience. Je suis membre du Conseil de l’Ordre de Bastia depuis une quinzaine d’années et je connais, de ce fait, tous les rouages internes pour occuper, au mieux, ce rôle.


Comment analysez-vous l’évolution de la profession, notamment face aux réformes ?

Les réformes sont permanentes et diverses, elles arrivent en cascade dans tous les domaines. On a vu par exemple le projet concernant des avocats salariés en entreprise, un projet qui porte atteinte à la profession et à ses principes élémentaires. D’une manière générale, on veut aller plus vite mais avec moins de moyens, c’est un paradoxe. Ces réformes portent également atteinte à la profession de par leurs moyens surtout humains de plus en plus restreints. Et si d’un côté nous manquons de magistrats, nous devons, d’un autre, faire face à hausse des contentieux de masse par rapport aux lois votées par l’Assemblée Nationale. Nous vivons, en outre, dans une société où les rapport se tendent de plus en plus entre les gens, ils pensent régler tout par l’intermédiaire du droit. Or, le droit nécessite, en amont, un travail de fond, donc plus de temps.


La profession doit-elle s’adapter ?

Il faut s’adapter et nous ne sommes pas contre, la vie est une adaptation permanente. Ceci étant, il y a dans les adaptations, des principes sur lesquels on ne doit pas revenir au prétexte qu’il faut se moderniser. L’unité de la profession doit prédominer. Une profession unie est plus forte. Les principes de la défense et du droit à la défense qui sont soumis au contrôle d’un Ordre permettent de régir les règles au sein de la profession. Le barreau doit donc rester uni sur les principes fondamentaux qui font notre profession, l’indépendance de l’avocat, de laquelle découle la liberté et c’est une garantie pour le justiciable. Or, un avocat salarié d’une entreprise, n’aurait plus d’indépendance. Quels principes du secret professionnel pourrait-il défendre vis-à-vis de son employeur ? Tout cela pose des problèmes dont nous ne connaissons pas les réponses.


Quelles seront vos priorités en tant que bâtonnier ?

Elles seront dictées par les événements. Avec la situation actuelle, il est difficile de se projeter en janvier prochain. La priorité est de veiller aux textes qui sont faits et sur lesquels nous n’avons pas de prise. Certaines réformes sont délétères pour le justifiable. Or, nous sommes là pour défendre la justice.



Vos rapports avec vos homologues de Corse-du-Sud ?

Il y a une très bon entente entre nous. On s’est toujours concertés et nous travaillons en commun. Beaucoup de choses relèvent de la cour d’appel laquelle concerne les deux barreaux. Nous avons souvent, de ce fait, des démarches communes.
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