Le clan , cellule fondamentale de la société corse
Le départ sur la pointe des pieds de Camille de Rocca Serra est presque passé inaperçu.
Le clan, cellule fondamentale de la société corse
Le départ sur la pointe des pieds de Camille de Rocca Serra est passé presque inaperçu. Il était pourtant le dernier représentant des partis traditionnels qui ont gouverné la Corse durant des siècles. Sa famille, les Rocca Serra, apparaît dans les archives à la fin du Moyen-Âge quand la disparition des Cinarchesi permet l’éclosion des capurali. Et encore peut-être étaient-ils déjà là auparavant. Paul Giacobbi s’était également effacé sans grande gloire, noyé par les problèmes de justice. Émile Zuccarelli avait été battu par ses ennemis mortels : les nationalistes. Est-ce pour autant que la Corse en a terminé avec le clanisme avec l’avènement de ces derniers ?
La Corse matrice du clanisme ?
Les nationalistes n’ont rien inventé en portant haut la bannière anti-clanique. Déjà, bien avant eux les autonomistes et les communistes, dénonçaient le phénomène durant l’entre-deux-guerres. Les autonomistes avaient été balayés à cause de l’irrédentisme d’une partie d’entre eux. Mais les communistes, auréolés de la gloire d’un combat héroïque contre l’occupant italien puis allemand, avaient repris le flambeau. « À la Libération, on a vraiment cru que c’était fini de tout ça, des clans, des pressions exercées par les possédants, des petits emplois et des petites faveurs en échange des votes… explique Arthur Giovonni dans La tradition en mouvement de Jean-Louis Briquet, qu’il y avait de nouvelles valeurs qui s’étaient créées, pour lesquelles nous avions combattu : à la fois pour la défense de la France, pour la liberté et pour l’amélioration des conditions sociales. Nous disions tout le temps que c’était une libération nationale et aussi sociale [...]. On a essayé, dans les mairies, de changer l’état d’esprit en refusant la logique des services. Nous avions un certain civisme : le but, c’était de réaliser des bonnes choses pour la population ; pour la population et pas pour les individus…C’était aussi l’idée des syndicats et des luttes pour les améliorations sociales : regrouper les gens sur la défense de leurs intérêts collectifs et pas à partir des petits avantages que leur donnaient les chefs de clan… »
Une explication en partie fausse
L’explication donnée par le Parti communiste est économiste et en partie fausse : « Il faut abattre les clans, sources de tous les malheurs de la Corse et pour cela, il faut en extirper les racines, il faut aller à la source du mal, en chercher les origines [...]. La plus grande partie de la production était concentrée dans les familles (de propriétaires terriens) qui la vendaient, l’échangeaient contre du travail et des suffrages aux élections [...]. Les causes économiques de la formation des clans expliquent pourquoi [...] les électeurs restent fidèles à l’homme qui leur a rendu service, qui leur donne du travail [...]. Aux paysans menacés d’être renvoyés des terres du “sgiò”. De là, les clans sont donc présentés comme les responsables du sous¬-développement de la Corse qu’ils encourageraient délibérément afin de reproduire les conditions de leur domination. S’ils sont les “fossoyeurs de la Corse”, c’est qu’ils ne survivent que grâce à la situation économique du pays. Il s’ensuit que pour leur disparition, il n’est qu’une voie, la voie de la lutte pour le relèvement du pays ». Or la situation a beaucoup changé dans les années soixante et les grands propriétaires n’ont plus été les maîtres du jeu économique. Pourtant, les électeurs les ont conservés au sommet de la pyramide électorale. Alors ?
La tradition en mouvement
C’est le titre inspiré de l’ouvrage de Jean-Louis Briquet. Rappelons d’abord que le terme de clan est écossais et qu’il a été introduit en Corse par Paul Bourde qui écrivit une série de reportages à la fin du XIXe siècle pour le journal Le Temps. En Corse, on parle de partitu, de partitonu pour le parti majoritaire de partitellu ou de contra-partitu pour le minoritaire. Le claniste est un amicu ce qui traduit non pas un lien de dépendance comme le signifiait le parti communiste, mais un lien de solidarité qui induit une dialectique de services entre le claniste de base et le chef de clan. Ce qui explique le mouvement de balancement qui n’a cessé d’agiter les deux faces d’une même réalité au fils des décennies. Les bonapartistes, partisans de la révolution se sont retrouvés dans l’opposition durant la Restauration. Ils étaient membres de loges secrètes et révolutionnaires. Ils sont devenus conservateurs à partir de l’instauration du Second Empire et se sont opposés à d’anciens réactionnaires soudain touchés par la grâce républicaine. Cette tradition en mouvement prend en fait naissance dans un tribalisme millénaire transformé par le clientélisme romain. Et on voit mal ce qui pourrait arrêter cette immobilité mouvante inscrite dans le « génotype » corse et plus largement méditerranéen.
Le départ sur la pointe des pieds de Camille de Rocca Serra est passé presque inaperçu. Il était pourtant le dernier représentant des partis traditionnels qui ont gouverné la Corse durant des siècles. Sa famille, les Rocca Serra, apparaît dans les archives à la fin du Moyen-Âge quand la disparition des Cinarchesi permet l’éclosion des capurali. Et encore peut-être étaient-ils déjà là auparavant. Paul Giacobbi s’était également effacé sans grande gloire, noyé par les problèmes de justice. Émile Zuccarelli avait été battu par ses ennemis mortels : les nationalistes. Est-ce pour autant que la Corse en a terminé avec le clanisme avec l’avènement de ces derniers ?
La Corse matrice du clanisme ?
Les nationalistes n’ont rien inventé en portant haut la bannière anti-clanique. Déjà, bien avant eux les autonomistes et les communistes, dénonçaient le phénomène durant l’entre-deux-guerres. Les autonomistes avaient été balayés à cause de l’irrédentisme d’une partie d’entre eux. Mais les communistes, auréolés de la gloire d’un combat héroïque contre l’occupant italien puis allemand, avaient repris le flambeau. « À la Libération, on a vraiment cru que c’était fini de tout ça, des clans, des pressions exercées par les possédants, des petits emplois et des petites faveurs en échange des votes… explique Arthur Giovonni dans La tradition en mouvement de Jean-Louis Briquet, qu’il y avait de nouvelles valeurs qui s’étaient créées, pour lesquelles nous avions combattu : à la fois pour la défense de la France, pour la liberté et pour l’amélioration des conditions sociales. Nous disions tout le temps que c’était une libération nationale et aussi sociale [...]. On a essayé, dans les mairies, de changer l’état d’esprit en refusant la logique des services. Nous avions un certain civisme : le but, c’était de réaliser des bonnes choses pour la population ; pour la population et pas pour les individus…C’était aussi l’idée des syndicats et des luttes pour les améliorations sociales : regrouper les gens sur la défense de leurs intérêts collectifs et pas à partir des petits avantages que leur donnaient les chefs de clan… »
Une explication en partie fausse
L’explication donnée par le Parti communiste est économiste et en partie fausse : « Il faut abattre les clans, sources de tous les malheurs de la Corse et pour cela, il faut en extirper les racines, il faut aller à la source du mal, en chercher les origines [...]. La plus grande partie de la production était concentrée dans les familles (de propriétaires terriens) qui la vendaient, l’échangeaient contre du travail et des suffrages aux élections [...]. Les causes économiques de la formation des clans expliquent pourquoi [...] les électeurs restent fidèles à l’homme qui leur a rendu service, qui leur donne du travail [...]. Aux paysans menacés d’être renvoyés des terres du “sgiò”. De là, les clans sont donc présentés comme les responsables du sous¬-développement de la Corse qu’ils encourageraient délibérément afin de reproduire les conditions de leur domination. S’ils sont les “fossoyeurs de la Corse”, c’est qu’ils ne survivent que grâce à la situation économique du pays. Il s’ensuit que pour leur disparition, il n’est qu’une voie, la voie de la lutte pour le relèvement du pays ». Or la situation a beaucoup changé dans les années soixante et les grands propriétaires n’ont plus été les maîtres du jeu économique. Pourtant, les électeurs les ont conservés au sommet de la pyramide électorale. Alors ?
La tradition en mouvement
C’est le titre inspiré de l’ouvrage de Jean-Louis Briquet. Rappelons d’abord que le terme de clan est écossais et qu’il a été introduit en Corse par Paul Bourde qui écrivit une série de reportages à la fin du XIXe siècle pour le journal Le Temps. En Corse, on parle de partitu, de partitonu pour le parti majoritaire de partitellu ou de contra-partitu pour le minoritaire. Le claniste est un amicu ce qui traduit non pas un lien de dépendance comme le signifiait le parti communiste, mais un lien de solidarité qui induit une dialectique de services entre le claniste de base et le chef de clan. Ce qui explique le mouvement de balancement qui n’a cessé d’agiter les deux faces d’une même réalité au fils des décennies. Les bonapartistes, partisans de la révolution se sont retrouvés dans l’opposition durant la Restauration. Ils étaient membres de loges secrètes et révolutionnaires. Ils sont devenus conservateurs à partir de l’instauration du Second Empire et se sont opposés à d’anciens réactionnaires soudain touchés par la grâce républicaine. Cette tradition en mouvement prend en fait naissance dans un tribalisme millénaire transformé par le clientélisme romain. Et on voit mal ce qui pourrait arrêter cette immobilité mouvante inscrite dans le « génotype » corse et plus largement méditerranéen.