• Le doyen de la presse Européenne

Un été maussade

Et 2021...... Qu'en retiendra -t-on dans quelques années ?
Un été maussade

Été 2021… Qu’en retiendra-t-on dans quelques années ? La pandémie nous recouvre comme les nuages de sable du Sahara apportés par le sirocco. Les commerçants ne savent plus s’ils doivent sourire ou pleurer confronté à un tourisme en déshérence et à faible pouvoir d’achat. On nous dit que les aéroports et port donnent à plein sans qu’on comprenne très bien où sont passées ces hordes d’arrivants.
Il est curieux de noter à quel point les mesures prises pour endiguer la pandémie ont plongé la Corse — et vraisemblablement une bonne part de l’humanité — dans une sorte de dépression. Les projets deviennent difficiles à mettre en œuvre voire à imaginer. Les décisions sont comme suspendues dans le temps. Et la Corse se traîne sans entrain.

La pesanteur locale


Dans la région ajaccienne, même les plages affichent un taux de remplissage médiocre. Ma sœur qui vit dans l’extrême-sud me dit que les routes qui mènent à Porto Vecchio sont saturées. Celles d’Ajaccio aussi. Mais cela est la conséquence d’une de nos spécialités : le rond-point entonnoir. Les voies de circulation mènent à des goulots d’étranglement que semblent ne jamais avoir prévu les spécialistes des routes corses. Le résultat est une catastrophe économique. Les grandes surfaces sont devenues des objectifs difficiles à atteindre.
On perd des heures parechoc contre parechoc. On cherche le créneau spécifique durant lequel, pour des raisons à jamais mystérieuses, les automobilistes seront moins nombreux. Et puis soudain, le flot reprend et avec lui les ralentissements. C’est à hurler. Mais il semblerait que les autorités en responsabilité du problème se soient enfin aperçues de l’existence des gigantesques bouchons occasionnés par les ronds-points successifs sur la route qui mène à Ajaccio. Des travaux ont commencé pour créer une déviation.
Nous voilà soulagés, mais tout aussitôt angoissés. Quelle va être la durée des travaux ? On constate avec fatalisme que les deux cheminées du Vazzio qui devaient chuter en 2000 sont toujours là, que l’hôpital qui devait être achevé il y a deux ans ne l’est toujours pas. On a beau repousser l’idée d’une responsabilité culturelle, il faut bien constater que, trop souvent, notre fonctionnement tient plus de l’Afrique que de l’Europe septentrionale. Tout est pesant, long, désespérant.

Terrible corsité


Stephen Smith, un journaliste franco-américain qui a travaillé pour Libération et pour le Monde a écrit un livre courageux intitulé Négrologie. Pourquoi l’Afrique meurt. Deux types de discours coexistent trop souvent sur l’Afrique. D’un côté, les béni-oui-oui du développement proclament leur foi inentamée dans les potentialités de l’Afrique.
En appelant à notre bon cœur et à notre portefeuille, ils soulignent l’urgence de l’aide, qu’elle soit gouvernementale ou humanitaire, et revendiquent l’accession du continent noir à une universalité à la fois démocratique et économique. De l’autre, les « réalistes » soulignent à l’envi les mille fléaux qui se sont abattus sur l’Afrique subsaharienne : guerres civiles, effondrement de l’État, corruption généralisée, sida... L’Afrique serait hantée par ses « vieux démons » et l’aider ne servirait à rien. Stephen Smith cherche à sortir de cette opposition stérile en se plaçant du point de vue des Africains. La question n’est pas de savoir si et comment il faut aider l’Afrique, ni si et comment l’Afrique doit s’insérer dans la mondialisation.
La question est de savoir si les Africains le veulent. S’affranchissant de toute « correction politique », Stephen Smith accuse les Africains de rechercher par tous les moyens à s’exonérer d’un échec collectif dont ils sont seuls responsables. Ils cherchent les racines de leurs maux dans un passé réinventé et idéalisé assimilé à une « longue traumatologie ».

Insatisfaits et grognons


Nous autres Corses, procédons d’une façon identique : tout est de la faute de l’Autre, rarement de la nôtre. Si nos routes sont encombrées la faute aux touristes, à l’état, au manque de subvention. Et tant pis si elles le sont également hors la période touristique et si leur gestion appartient désormais à la région. Alors on se prend à rêver d’une autre Corse, d’une Corse responsable enfin extraite de ses propres pesanteurs, mature, bref libre d’elle-même. Mais la tristesse de cet été long comme un jour sans pain s’impose à tous. Trop chaud, trop de gens, pas assez d’argent. Bref pas content ou plutôt insatisfait et grognon. Un privilège de riche quand on y pense. Tant mieux : nous ne sommes donc pas complètement africains.

GXC
Partager :