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Economie : Indicateurs au vert "Nous avons retrouvé les niveaux d'activité d'avant la crise"

Jean Charles Sananes, Directeur Régional de la Banque de France

Economie : indicateurs au vert


La saison touristique 2021 ayant dépassé les prévisions, tant en termes de fréquentation que de chiffres, les aides allouées par l’État et la campagne de vaccination qui reste intensive, autant d’éléments qui portent à croire que le bout tunnel est proche en ce qui concerne l’économie insulaire. C’est, du moins, ce qu’il ressort d’une analyse effectuée sur fond de rentrée, la semaine dernière dans les bureaux de la Direction Régionale de la Banque de France…


La politique monétaire joue, on le sait, un rôle essentiel dans l’ économie. C’est elle qui en dirige la manœuvre en influant sur les coûts et les taux d’intérêts. Il était justement question de politique monétaire à l’occasion d’une conférence de presse de rentrée, la semaine dernière dans les locaux de la Direction Régionale de la Banque de France. À la tribune, Jean-Charles Sananes, qui dirige la structure à Ajaccio et Giulia Sestieri, responsable du service de politique monétaire de la Banque de France, venue tout spécialement de Paris.

L’édition 2021 de la « Lettre au Président de la République », un exercice de style effectué chaque année par François VILLEROY DE GALHAU : Gouverneur de la Banque de France sous forme de bilan, est justement liée à la politique monétaire en sortie de crise. Après les vingt ans de l’euro (2019) et la crise de la Covid (2020), cette édition s’inscrit dans le cadre de la revue stratégique de politique monétaire de la Banque Centrale Européenne. L’occasion, par ailleurs, de présenter à un public autre que les experts, les grands axes de cette politique.

À Ajaccio, c’est sa déclinaison dans l’île qui a été évoquée la semaine dernière en même temps qu’un regard sur la saison touristique et les perspectives à court ou moyen terme. Sortie de crise ? Craintes ? Les chiffres présentés ont été plutôt rassurants. Durant la crise débutée en 2020, quatre volets ont été mis en exergue dans le plan de soutien de l’État. En premier lieu, le fonds de solidarité largement utilisé dans l’île avec 388 millions d’euros d’aides distribuées aux entreprises. Le chômage partiel ensuite. Au plus fort de la crise, 42000 personnes étaient dans ce cas, 1800 salariés sont encore aujourd’hui en chômage partiel (610000 au niveau national). Le report de cotisations sociales et fiscales massif en Corse. Et enfin les PGE qui représentent 1,094 milliard d’euros distribués aux entreprises corses par rapport aux 140 milliards octroyés au niveau national. C’est cet ensemble qui a permis à l’île de tenir le coup sur le plan économique.

D’une manière générale, c’est au vu des chiffres de la saison et des aides évoquées ci-dessus, une situation économique plutôt équilibrée qui a été présentée en même temps que la politique monétaire liée à « l’après-Covid ». Une relance, certes, et même une hausse de croissance de l’ordre de 6 % mais, en revanche, un contre-coup lié au national et surtout à l’international marqué, dans ce début de sortie de crise, par une pénurie de matériaux et de main d’oeuvre dont le BTP va forcément subir les préjudices. Quoiqu’il en soi, une certitude, celle que le plus dur est peut-être derrière nous…
Peut-on avancer, au vu des indicateurs actuels, que la crise économique est derrière nous ?

Nous avons, il est vrai, fortement rebondis par rapport au point bas connu au tout début de la crise sanitaire. Le rebond espéré a eu lieu, y compris en Corse. On ne peut pas, pour autant, dire que la crise économique est passée tant que l’aspect sanitaire continue de perturber les prévisions. On s’aperçoit tout de même, que confinement après confinement, les conséquences économiques ont été plus faibles que la première fois. Cela veut dire également que l’on apprend à mieux gérer. La politique de vaccination étant là, on a progressivement desserré l’étau de conséquences dramatiques pour l’économie. On n’a pas encore tourné la page mais la réalité fait qu’avec les aides allouées par l’État, on a su faire face dans l’ensemble. Tout a fonctionné assez rapidement et permis de limiter la casse.


Quelle analyse, faites-vous de la saison touristique ?

Les professionnels soulignent qu’une saison est bonne quand l’arrière-saison suit. Là aussi, il faudra donc patienter pour avoir des résultats probants. Le bilan n’est pas encore définitif. Néanmoins, les acteurs ayant été préservés, tout le monde s’accorde à dire que la saison touristique est allée bien au-delà des espérances. On a eu un très bon mois de juillet, beaucoup de craintes en août par rapport aux nouvelles mesures sanitaires et les risques d’un nouveau couvre-feu. Les premiers résultats dont nous disposons pour ce mois d’août sont très positifs malgré l’absence quasi-générale de touristes étrangers. Nous avons retrouvé les niveaux d’activité d’avant la crise, ce qui était l’objectif recherché.


Peut-on se diriger, progressivement, vers une phase d’investissements ?

C’est assez net ! Les chefs d’entreprise ayant repris confiance et retrouvé de la visibilité à travers des carnets de commande plutôt consistants, prennent de nouveau le pari sur l’avenir et recommencent à investir. La période de gel est passée. Si l’on n’investit pas, la croissance disparaît et le fait de revoir les entreprises actives est donc un signe encourageant.



La Corse face aux aides allouées par l’État ?

Les résultats des PGE obtenus par les entreprises corses sont conséquents. L’île est la région qui a le plus bénéficié des aides. En Corse, les banquiers ont accompli un très bon travail aidant la majorité de TPE mais aussi celles liées à la Grande Distribution à attendre plus sereinement.


Comment la Banque de France a-t-elle vécu cette période de crise ?

Les aides massives dont ont pu bénéficier les entreprises insulaires comme partout en France, ont joué un rôle très important au plus fort de la crise. On ne note pas « d’épidémie » de dépôts de bilan, cela signifie que les entreprises ont retrouvé la trésorerie qui leur permettait de rester la tête hors de l’eau. On n’a jamais eu aussi peu de procédures collectives.


Le bout du tunnel ?

On vient de subir une quatrième vague mais nos prévisions ne sont pas pour autant revues à la baisse. On peut dire que nous entrevoyons le bout du tunnel mais tant que la vaccination ne sera pas complète, il y aura toujours la crainte d’une reprise de l’épidémie avec les problèmes qui lui sont inhérents dans les hôpitaux et les entreprises. Le risque de ne pas poursuivre sur la pente ascendante que nous connaissons actuellement reste présent.

Interview réalisée par Philippe Peraut
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