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La Corse commémore Dante

Des expositions. Des conférences . Des spectacles.....

Dantissimu !

La Corse commémore Dante !


Le 14 septembre 1321 Dante Alighieri s’éteignait à Ravenne. 700 ans plus tard la Corse se souvient et commémore celui qu’on a surnommé le grand poète européen. Des expositions. Des conférences. Des spectacles. Un colloque organisé sous les auspices de la CDC, de l’université de Corse, de la ville de Bastia en ce début d’automne 2021… Des célébrations en partenariat avec Pise et Florence.


Dante, l’auteur de la célébrissime, « Divine Comédie » ne fut pas un poète, un écrivain reclus dans sa tour d’ivoire. Le père de la langue italienne moderne fut homme de pouvoir en sa cité de naissance, Florence et homme qui usa de l’art militaire et de celui de la diplomatie. Dante, une réussite exemplaire… et la chute. La confiscation de ses biens. Son bannissement. Son exil ponctué d’une quête d’asiles.

De cet arrachement à l’origine s’épanouit une œuvre littéraire sans pareil portée par la langue vulgaire, celle de tous les jours – le toscan en l’occurrence – substitué au latin qui avait continué à être utilisé, à l’écrit, durant tout le Moyen Age. Du toscan à l’italien… le Risorgimento et l’unité du pays parachevèrent la dynamique.

Héritage de l’Antiquité et de la latinité

Force poétique. Puissance de l’imaginaire. Sens aigu de la narration. Ironie caustique aussi. Dans « La Divine Comédie » Dante déploie une expression aux registres pluriels pour donner à voir, à ressentir, à convaincre surtout, puisque le poème épique est une invitation à se saisir de la parole de la Rédemption. Puisque l’amour tout d’élévation et de pureté pour Béatrice doit conduire à celui de la Vierge Marie et finalement à Dieu.

Si Dante abandonne le latin il n’en fait pas de même de l’héritage de l’Antiquité, de la latinité qu’il glorifie et dans lesquels il puise ses repères. « La Divine Comédie », allégorie de la vie d’un homme et d’un peuple, se présente comme un voyage initiatique débuté dans une obscure forêt où Dante rencontre celui dont il va faire son guide, Virgile, le poète auteur de L’Enéide, évocation de la fondation de Rome par Enée, le Troyen défait, exilé, errant autour du Mare Nostrum. Errance qui rappelle celle de Dante lui-même en ces commencements du XIV è siècle où l’Italie est pulvérisée en une multiplicité de cités-Etats qui se querellent, qui s’affrontent, qui se déchirent, parfois pour pas grand-chose ! Sauf pour la gloriole et/ou la rapine ! Epoque où se cultive, comme antidote, chez certains lettrés une nostalgie de l’empire romain.

Liberté de ton et causticité

Virgile, accompagnateur et double de Dante mène à ‘L’Enfer composé de neuf cercles empilés en forme d’entonnoir. Image si impressionnante qu’elle distille d’emblée l’effroi. Au long du parcours, qui pénètre ensuite au Purgatoire dont il faut gravir la montagne constituée de sept gradins, on aboutit au Paradis avec ses neuf sphères et sa Rose Céleste. Dante fait preuve ainsi que l’a démontré François Piazza lors de sa conférence d’une dimension émotionnelle sans précédent alliée à une liberté de ton remarquable, qui use d’une habileté à se jouer du mythe émaillé d’exemples concrets relevant du quotidien. Au détour le poète a la dent dure et le rire impitoyable quand il s’agit de dépeindre quelques-uns de ses ennemis tel le pape Boniface VIII qu’il voue aux tourments infernaux pour cause de simonie, ce trafic des biens ecclésiastiques qui fit beaucoup de mal à l’Eglise catholique, pratiques relevées trop souvent du simple clerc au Saint Siège. Autre aspect très intéressant souligné par le conférencier l’abolition de la notion de temps dans L’Enfer sous l’emprise d’une éternité abyssale ; temps retrouvé au Paradis où il symbolise la reprise, la renaissance de la vie.

Paradoxale, à nos yeux, l’époque de Dante qui coïncide avec l’éclatement de l’Italie en une foule de cités-Etats et une Europe où l’on circule plutôt facilement, au moins en ce qui concerne les régions de langue d’oc. Une situation qui explique que l’on retrouve sous la plume du poète des vers en provençal. D’ailleurs, de l’Italie du nord et du centre les contacts sont légion avec la Provence et jusqu’à l’Aquitaine, d’où un attachement à l’écrivain qui déborde aisément son cadre naturel.

La Divine Comédie dans ses trois parties est une incitation à l’introspection débarrassée de faux semblants. Sans complaisance elle doit permettre à l’âme de s’élever à l’opposé d’un repli sur soi rimant avec contemplation mesquine de son nombril. Elle est également engagement à être toujours comptable de ses actes, du bien et du mal que l’on peut faire.

Les femmes-fleurs

Outre une série de conférences la Bibliothèque patrimoniale de Bastia, dirigée par Linda Piazza, a dévoilé des richesses bibliographiques en exposant des exemplaires notables voire insignes. Editions très anciennes dont l’une de 1572 axée sur une étude de vocabulaire et beaucoup d’autres sorties des presses au XIX è siècle, contemporaines du Risorgimento et de l’unité italienne qui marquèrent un regain d’intérêt pour l’œuvre et la figure de Dante en Italie et en Europe.

Quant au fameux incunable de 1491 de La Divine Comédie, possédé par la Bibliothèque Prelà et dont il ne reste qu’une dizaine de livres de part le monde, son exposition aurait pu lui nuire. Aussi Linda Piazza en a-t-elle fait reproduire, sur des bâches de grand format, des illustrations délicates, sensibles, émouvantes et belles comme ces femmes-fleurs surprenantes de grâce. Ces reproductions sont accrochées dans l’escalier central de la bibliothèque où elles alternent avec des reproductions de gravures renommées de Gustave Doré comme un dialogue à travers les âges, comme un face à face méditatif et esthétique. Ces pièces reproduites de l’exemplaire de 1491 se retrouvent aussi au mur de la médiathèque de l’institution de la rue Favalelli. Elles sont une excellente introduction à La Divine Comédie… pour un public scolaire, sans exclure bien sûr les adultes.

Si Bastia et la Corse mettent un point d’honneur à célébrer Dante et son apport c’est évidemment parce que les insulaires, les Bastiais en particulier, se sont toujours senti une parenté d’esprit avec la culture italienne. Des lustres durant ne se sont-ils pas soignés à Pise et n’ont-ils pas fait leurs études de médecine en Toscane !

Quid de l’enseignement de l’italien aujourd’hui ? S’il a perdu du terrain par rapport à l’espagnol surtout, son recul semble presque stoppé. Reste aux jeunes générations à confirmer ce constat…


Colloque
« Dante, la poésie et la musique en Corse »

Mardi 28 septembre, théâtre de Bastia
10 h à 12 h : « Parcours et liens » par Bruno Pinchard, Gioachino Chiarini, Fabrizio Franceschini, Giudice Nin.
15 h à 18 h : « Résurgences » par Brenno Boccadoro, Andrea Simone, Giuseppe Giliberti, Antonietta Sanna.
20 h 30 : « Lectura Dantis : le LA du monde », Elégie audiovisuelle.

Mercredi 29 septembre, théâtre de Bastia
10 h à 12 h : « Le chant du peuple » par Francis Biggi, Giovanni Ragni, François Berlinghi.
15 h à 17 h : « Dante en Corse » par Vannina March Van Cauwelaert, Annalisa Nesi, Stella Medori.
20 h 30 : « Dante in Musica », concert.

Jeudi 30 septembre, Spaziu Universitariu, Corti
14 h à 16 h : « Entendre les poètes » par Didier Ottaviani, Giovanni Kezich.
16 h à 17 : « Pourquoi Dante en Corse ? » table ronde avec Françoise Graziani, Fabrizio Franceschini, Jacques Fusina, Giovanni Ragni, Pierre Santucci.
18 h : « Dante in Musica », concert par le Convivio Ensemble.
« Dante in paghjella » par A Ricuccata.

Vendredi 1 er octobre, cinéma L’Alba, Corti.
18 h : « Le LA du monde », élégie audiovisuelle.

Samedi 2 octobre, Médiathèque des Cannes, Ajaccio.
18 h : « Le LA du monde ».

Colloque organisé par Françoise Graziani, université de Corse, chaire « Esprit méditerranéen » en partenariat avec l’université de Pise, la Société Dantesque de France, la Société Dante Alighieri, la Ville de Bastia sous le patronage de l’Accademia della Crusca, de l’Associazione degli Italianisti et la Collectivité de Corse.
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