Pape François: tradition et réalisme du pouvoir pontifical
Difficile de reprocher au pape François de s'être écarté d'une pratique multiséculaire du pouvoir pontifical ou d'ignorer ou éluder.....
Pape François : tradition et réalisme du pouvoir pontifical
Difficile de reprocher au pape François de s’être écarté d’une pratique multiséculaire du pouvoir pontifical ou d’ignorer ou éluder que l’Église ne peut rester indifférente ou étrangère à la chose politique.
En 2007, pour apaiser les tenants d’une église dite « traditionaliste » et les ramener dans le giron du Vatican, le pape Benoît XVI leur avait donné la possibilité de bénéficier plus facilement de la célébration de messes en latin selon le rite de Saint Pie V. Il avait aussi reconnu à cette forme de célébration le statut de « rite extraordinaire ».
Il y a quelques semaines, en publiant une lettre apostolique intitulée « Traditionis Custodes », le pape François a ranimé la colère des « traditionalistes » car sa missive impose des conditions très restrictives à l'usage du rite de Saint Pie V. Alors qu'il suffisait qu'un groupe stable de fidèles demande au curé de sa paroisse de célébrer la messe en latin, c'est désormais à l'évêque « modérateur, promoteur et gardien de toute la vie liturgique » de décider. Ce dernier doit en outre s’assurer que les fidèles traditionalistes n’excluent « pas la validité et la légitimité » de la réforme liturgique voulue par le pape Paul VI, désigner « un ou plusieurs » lieux de célébration et veiller à ce que ces dernières n’aient pas lieu dans les « églises paroissiales ».
En outre, avec la disparition de la notion de « rite extraordinaire » définissant le rite de Saint Pie XV, il n’est plus reconnu deux formes de rite mais un rite unique. Enfin l’évêque a désormais en charge d’évaluer les paroisses personnelles traditionalistes afin de discerner « s’il convient de les maintenir ou non ». Le pape François a expliqué qu’une enquête dirigée par la Congrégation pour la Doctrine de la foi l’avait incité à intervenir pour « rétablir l’unité d’un corps ecclésial aux sensibilités liturgiques diverses » et s’opposer à une instrumentalisation de la messe tridentine ajoutant à un rejet de la réforme liturgique, un refus du Concile Vatican II l et des affirmations infondées et insoutenables trahissant la Tradition et la « vraie Église
».
Autoritaire et même inquisitorial mais ...
Mais quelle mouche a donc piqué le pape François ? Il a semble-t-il voulu prévenir deux risques : une fragmentation du paysage liturgique, une dilution de l’autorité de l’évêque diocésain du fait qu’un simple curé était habilité à juger de l’opportunité de célébrer une messe selon le rite de Saint Pie V. Il a probablement aussi voulu revenir à la tradition de l’Église latine de régulation centraliste des rites. En effet, si une pluralité rituelle a toujours existé au sein de cette dernière, cela a toujours été fondé sur le respect de traditions locales et non sur la prise en compte de sensibilités liturgiques.
La situation de coexistence sur une même aire géographique qu’avait initiée Benoît XVI entre des formes liturgiques antérieures et postérieures à une réforme globale, était donc inédite. Enfin, il a sûrement été sensible à des considérations politiques car la « question liturgique » est le plus souvent en lien direct avec des enjeux politiques. Ces dernières décennies, cela a pu être constaté à l’occasion de la contestation de l’IVG ou du « mariage pour tous ». D’essence conservatrice et par son esprit d’engagement, le traditionalisme liturgique s’est révélé être un vivier contestataire et activiste. On peut certes opposer que le pape François a usé d’une démarche autoritaire et même inquisitoriale et qu’il fait ainsi courir un risque de fracture que la sagesse de Benoît XVI avait permis de dissiper.
En revanche, il est difficile de lui reprocher de s’être écarté d’une pratique multiséculaire du pouvoir pontificale ou d’ignorer ou éluder que l’Église ne peut rester indifférente ou étrangère à la chose politique.
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Alexandra Sereni
Difficile de reprocher au pape François de s’être écarté d’une pratique multiséculaire du pouvoir pontifical ou d’ignorer ou éluder que l’Église ne peut rester indifférente ou étrangère à la chose politique.
En 2007, pour apaiser les tenants d’une église dite « traditionaliste » et les ramener dans le giron du Vatican, le pape Benoît XVI leur avait donné la possibilité de bénéficier plus facilement de la célébration de messes en latin selon le rite de Saint Pie V. Il avait aussi reconnu à cette forme de célébration le statut de « rite extraordinaire ».
Il y a quelques semaines, en publiant une lettre apostolique intitulée « Traditionis Custodes », le pape François a ranimé la colère des « traditionalistes » car sa missive impose des conditions très restrictives à l'usage du rite de Saint Pie V. Alors qu'il suffisait qu'un groupe stable de fidèles demande au curé de sa paroisse de célébrer la messe en latin, c'est désormais à l'évêque « modérateur, promoteur et gardien de toute la vie liturgique » de décider. Ce dernier doit en outre s’assurer que les fidèles traditionalistes n’excluent « pas la validité et la légitimité » de la réforme liturgique voulue par le pape Paul VI, désigner « un ou plusieurs » lieux de célébration et veiller à ce que ces dernières n’aient pas lieu dans les « églises paroissiales ».
En outre, avec la disparition de la notion de « rite extraordinaire » définissant le rite de Saint Pie XV, il n’est plus reconnu deux formes de rite mais un rite unique. Enfin l’évêque a désormais en charge d’évaluer les paroisses personnelles traditionalistes afin de discerner « s’il convient de les maintenir ou non ». Le pape François a expliqué qu’une enquête dirigée par la Congrégation pour la Doctrine de la foi l’avait incité à intervenir pour « rétablir l’unité d’un corps ecclésial aux sensibilités liturgiques diverses » et s’opposer à une instrumentalisation de la messe tridentine ajoutant à un rejet de la réforme liturgique, un refus du Concile Vatican II l et des affirmations infondées et insoutenables trahissant la Tradition et la « vraie Église
».
Autoritaire et même inquisitorial mais ...
Mais quelle mouche a donc piqué le pape François ? Il a semble-t-il voulu prévenir deux risques : une fragmentation du paysage liturgique, une dilution de l’autorité de l’évêque diocésain du fait qu’un simple curé était habilité à juger de l’opportunité de célébrer une messe selon le rite de Saint Pie V. Il a probablement aussi voulu revenir à la tradition de l’Église latine de régulation centraliste des rites. En effet, si une pluralité rituelle a toujours existé au sein de cette dernière, cela a toujours été fondé sur le respect de traditions locales et non sur la prise en compte de sensibilités liturgiques.
La situation de coexistence sur une même aire géographique qu’avait initiée Benoît XVI entre des formes liturgiques antérieures et postérieures à une réforme globale, était donc inédite. Enfin, il a sûrement été sensible à des considérations politiques car la « question liturgique » est le plus souvent en lien direct avec des enjeux politiques. Ces dernières décennies, cela a pu être constaté à l’occasion de la contestation de l’IVG ou du « mariage pour tous ». D’essence conservatrice et par son esprit d’engagement, le traditionalisme liturgique s’est révélé être un vivier contestataire et activiste. On peut certes opposer que le pape François a usé d’une démarche autoritaire et même inquisitoriale et qu’il fait ainsi courir un risque de fracture que la sagesse de Benoît XVI avait permis de dissiper.
En revanche, il est difficile de lui reprocher de s’être écarté d’une pratique multiséculaire du pouvoir pontificale ou d’ignorer ou éluder que l’Église ne peut rester indifférente ou étrangère à la chose politique.
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Alexandra Sereni