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"La différence est un atout face à la mondialisation de l'économie" Alex Vinciguerra, Président de l'ADEC

S'adapter à l'émergence d'un monde nouveau
Economie : s’adapter à l’émergence d’un monde nouveau


Face à une mondialisation qui règne en maître et impose ses choix sur toute la planète, il est vital de poser les jalons de nouveaux modèles. D’autant que la pandémie est venue aggraver les inégalités sociales. Des enjeux qui interpellent la Corse dans la perspective de la construction d’un modèle plus juste et solidaire intégrant des problématiques telles que le développement durable ou la transition écologique. Soucieuse de s’adapter à ces nouvelles exigences, l’ADEC veut miser sur la production locale pour proposer d’autres modèles. En point d’orgue, une nouvelle méthode d’attribution des aides aux entreprises calée sur la stratégie mise en place par la Collectivité de Corse marquant, toutefois, une rupture avec le passé…



La pandémie serait-elle l’arbre qui cache la forêt ? La question mérite d’être posée face à une situation économique mondiale qui était déjà compliquée bien avant l’apparition de la Covid-19. Des dérèglements que le monde n’a pu voir. À moins qu’il n’ait fait comme si…
Crise financière et sociale, dérèglement climatique, autant d’éléments qui suscitent une vive inquiétude. Marqués par une situation mondiale, européenne et nationale inédite, fragilisée et dégradée. Comment la Corse compte-t-elle répondre efficacement à ce constat alarmant tout en ayant une vision axée sur le long terme ? Tel est l’enjeu majeur de la politique économique mise en place par la nouvelle mandature.


Une nouvelle mission en cinq axes


C’est dans cette optique qu’Alex Vinciguerra, président de l’ADEC nouvellement élu a voulu faire le point sur la situation, évoquer les perspectives avec, en point d’orgue une nouvelle méthode d’attribution des aides publiques. Cinq axes principaux ont été identifiés pour mener à bien cette nouvelle mission :

-Le renforcement de l’évaluation qualitative des projets aidés.
-L’accompagnement renforcé du porteur de projet
-L’accélération des procédures
-La création de nouveaux outils liés à la relance
-Une systématisation de la procédure d’évaluation.

Objectif, la recherche d’une efficacité maximale pour l’aide aux entreprises et le soutien public au développement économique. Cela afin de répondre aux attentes et aussi aux inquiétudes des entreprises…

Si la Collectivité de Corse veut axer sa stratégie sur le PADDUC, force est de constater que depuis 2015, soit six années, ces différentes orientations avancent peu. Rappelons que le « Riacquistu economicu è suciale » s’était fixé pour mission de promouvoir un modèle de développement économique et social diversifié et équilibré, de fonder une nouvelle trajectoire de croissance en insistant sur l’innovation, combattre la précarité, agir pour l’agriculture de production et les filières vertes, assurer la solidarité territoriale entre toutes les communes et intercommunalités. Si le premier point s’étale sur le long terme, les autres restent encore au point mort, notamment la problématique liée aux territoires mise du reste en exergue lors du dernier Congrès des maires de Corse-du-Sud.

Toujours dans cette stratégie, c’est par la faiblesse du tissu économique corse (où le tourisme dit saisonnier occupe une large part), que la CdC veut désormais recentrer l’aide publique au bénéfice d’une économie locale plus productive où la différence constituera un atout de poids face à la mondialisation. Il s’agira notamment de créer « une fabrique à projets » mettant en valeur, outre la langue et la culture, les différentes filières porteuses dont douze ont été identifiées dans diverses thématiques.

Il faudra encore patienter quelques temps avant de mesurer les effets de cette méthode sur l’économie insulaire.
Alex Vinciguerra, Président de l’ADEC  « La différence est un atout face à la mondialisation de l’économie »





En quoi consiste la méthode que vous préconisez ?

C’est une méthode qui consiste à adapter l’outil de l’ADEC aux exigences du développement économique et notamment une manière de le recentrer sur la production locale de biens et services. Jusqu’à présent, nous accompagnions, à l’ADEC des entreprises qui avaient des documents, désormais, il s’agira d’entreprises ayant de véritables projets de production. On jugera, ensuite, de l’opportunité de ce projet à travers différents axes comme le PADDUC ou le Schéma Régional de Développement Economique.


Qu’en est-il de la stratégie votée par l’Assemblée de Corse ?

Elle n’est pas remise en cause puisqu’elle en est l’une des déclinaisons de manière plus pratiques sur la base de méthodes-projets.


Quels sont les critères requis concernant les aides publiques aux entreprises ?

Ces critères seront nécessairement ceux liés à la durabilité de l’économie, de l’optimisation du capital humain, de l’innovation, de la territorialisation mais également de la culture puisqu’elle constitue, au même titre que la langue, l’un des éléments indispensables à la reconnaissance de l’économie corse dans un monde aujourd’hui globalisé. La différence est un atout face à la mondialisation de l’économie.


Vous êtes en rupture avec votre prédécesseur. Dans quelle mesure ?

Ce n’est pas une rupture stratégique. La stratégie, comme je l’ai dit précédemment, relève de l’Assemblée de Corse. C’est une rupture méthodologique forte. On va juger, désormais, de l’opportunité d’une démarche de développement et non plus de la complétude d’un dossier. L’ancienne méthode valait certes mais elle n’a pas changé. Or, le monde, lui, a changé et il convient de s’adapter.


Vous évoquez, dans cette nouvelle méthodologie, des délais plus courts. Comment comptez-vous y parvenir ?

Ces délais seront plus courts pour diverses raisons : on modifie le document unique permettant de prendre des décisions, ces documents seront téléchargés sur un site informatique, il n’y aura donc plus de transmission papier, les administrateurs de l’ADEC siégeront une fois par mois pour, justement se porter en opportunité de décision dans les projets présentés et enfin création d’un fonds relais de subvention qui va permettre, dès la subvention acquise, de créditer le montant sur le compte des entrepreneurs.


En termes d’économie, tous les voyants sont au vert. Vous évoquez pourtant une crise qui est devant nous. Pour quelles raisons ?

Tout le monde s’accorde, en effet, à dire que les voyants sont au vert. On ne peut, pour autant, raisonnablement considérer que la crise est derrière nous. On a 1,100 milliard de Prêts Garantis par l’État (PGE) qu’il va falloir rembourser à compter du mois de janvier, à peu près 300 millions de dettes fiscales et sociales qu’il faudra étaler. Cela nous donne deux années d’investissements qu’il va falloir payer dans les cinq années à venir. Cela aura nécessairement deux effets. Le premier, c’est de mettre à mal les trésoreries des entreprises dès le mois de janvier prochain, Je rappelle que nous avons une saisonnalité de l’économie et c’est en période creuse qu’il faudra commencer à rembourser. Deuxième effet, et non des moindres, cela va durablement grever la capacité d’investissement des entreprises, lesquelles vont devoir rembourser leurs prêts plutôt que d’investir. D’où une situation compliquée.


Cette nouvelle méthode sera présentée au sein de l’hémicycle. Quels délais vous fixez-vous pour obtenir des premiers résultats ?

Il y a un temps qui est celui du passage de l’ancienne à la nouvelle méthode. Nous devrons, dans un premier temps, purger l’ancienne méthode et nous devrions y parvenir d’ici le mois de décembre. Je reste persuadé que dès le mois de janvier, nous serons sur la nouvelle méthode, beaucoup plus active.

Interview réalisée par Philippe Peraut
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