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La spéculation , où en est-on ?

C'est avec l'émergence du mouvement nationaliste, parallèlement à l'explosion de l'activité touristique dans les années 70, que la question de la spéculation s'est imposé dans le débat public.

La spéculation, où en est-on ?



C’est avec l’émergence du mouvement nationaliste, parallèlement à l’explosion de l’activité touristique dans les années 70, que la question de la spéculation s’est imposée dans le débat public. Depuis, de nombreux articles et différentes études ont exploré le sujet. Une proposition de loi a par ailleurs tenté d’endiguer le problème. Mais qu’en est-il aujourd’hui, au vu de l’augmentation fulgurante du parc immobilier dans l’île ? À regarder de près plusieurs sources de données, il apparait clairement que cette spéculation, immobilière et foncière, si elle est de plus en plus dénoncée, semble avoir de très beaux jours devant elle...


Un projet de loi en stand-by


Le 31 mars dernier, la Commission des lois validait une proposition relative à l'évolution statutaire de la Collectivité de Corse afin de lutter contre la spéculation foncière et immobilière. Cette proposition de loi était portée par les députés nationalistes, avec en première ligne Jean-Félix Acquaviva. Elle devait initialement être étudiée à l’Assemblée nationale, dans le cadre d’un temps de parole spécifique – aussi appelée niche parlementaire – réservé au groupe Libertés & Territoires, le 8 avril. Deux jours avant la date fatidique, lors des questions au Gouvernement, Jean-Jacques Ferrara interpellait au sujet du projetSan Martinu Di Lotta de loi Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires. Selon lui, il s’agirait d’un texte « déconnecté des réalités », alors que dans l’île, ces résidences secondaires seraient pour « près de la moitié […] des maisons familiales de village qui appartiennent à des résidents permanents corses. » D’après le député, ce seraient donc principalement des Corses qui en pâtiraient. Jacqueline Gourault avait quant à elle estimé que ce texte posait « sur la table un sujet réel de préoccupation pour les habitants de Corse que nous (le Gouvernement, ndlr) partageons. » Le surlendemain, alors que le groupe parlementaire disposait de la journée entière pour évoquer cinq sujets préalablement choisis – parmi lesquels la loi Molac, en faveur des langues régionales – le débat sur la spéculation en Corse n’a de fait pu avoir lieu. Les discussions se sont focalisées sur une proposition de loi concernant la fin de vie et « l’assistance médicalisée active à mourir », qui avait fait l’objet de 3057 amendements. Exit donc la proposition de loi des nationalistes, qui n’a pas été remise sur le tapis depuis.


Quelques chiffres


La réalité du terrain est un peu plus complexe que le laissait entendre le député Ferrara, d’autant que de nombreuses études se contredisent. Selon une publication de l’INSEE réalisée le 29 septembre 2021, la part des résidences secondaires dans l’île est la plus élevée des régions métropolitaines :

94 869 logements en 2018 (soit 37,55 % du parc corse, contre 9,6 % au niveau national en 2017). Elle dépasse largement celle de Provence-Alpes-Côte d'Azur (17,7 %), région pourtant particulièrement touristique elle aussi. Par ailleurs, 7 790 logements corses sont considérés lors de la même étude comme vacants.

Selon une autre étude diligentée elle aussi par l’INSEE, publiée le 26 octobre 2020 et basée sur un autre référentiel de données, seulement 37 % de ces logements secondaires appartiendraient à des résidents corses. En parallèle, les meublés de tourisme non déclarés se sont multipliés, ainsi que les nouvelles constructions. De 2009 à 2014, la population a augmenté de près de 19 000 habitants, +6 %, contre 2.5% de moyenne nationale. Dans le même laps de temps, presque 25 000 nouveaux logements ont été bâtis, avec une croissance accélérée ces dernières années. Ces habitations sont pour 54 % des résidences secondaires. En 2016, il y a eu dans l’île une hausse de 22 % des constructions, mais l’augmentation la plus alarmante est celle des permis de construire : + 102 % !

Propriétés de Corses ou non, il y a fort à parier qu’une grande partie de ces habitations secondaires ou laissées vacantes sont utilisées pour de la location courte durée. Dans un document communiqué à notre rédaction intitulé « vaincre la spéculation immobilière », rédigé par Me Martin Tomasi, avocat proche du Levante, 20 000 meublés de tourisme sont évoqués, rien que pour la seule micro-région porto-vecchiaise.


Les mécanismes fiscaux


Comment expliquer cette situation ? Il est certain que les nombreux dispositifs de déductions fiscales ont joué ici un rôle prépondérant : la Loi Pinel, les aides fiscales et financières issues du Grenelle de l’Environnement, le Crédit d'impôt prêt à taux zéro renforcé (PTZ+), les frais de notaire réduits en cas d’acquisition dans le neuf, etc. Ces dispositifs qui avaient pour but initial de fabriquer du logement locatif ont dans l’île des conséquences dramatiques. Les prix flambent sous l’effet d’une demande extérieure insatiable (+ 138 % entre 2010 et 2017, selon un rapport de l’Agence de l’urbanisme), ce qui rend l’accession à la propriété des Corses de plus en plus difficile.

Autre dispositif fiscal ayant joué un rôle considérable : le Crédit d’impôt Corse. En 2017, 5274 entreprises en ont bénéficié, ce qui a représenté 52 millions d’euros de déductions fiscales, tous secteurs confondus. Nul doute que la para-hôtellerie en a largement profité. Depuis 2019, un amendement du Député Jean-Félix Acquaviva a limité son usage, en excluant les meublés de tourisme du dispositif, mais de nombreuses failles juridiques persistent, concernant par exemple les chambres d’hôtes ou les résidences de tourisme classées. Me Martin Tomasi, dans la publication rappelée ci-dessus, livrait sans détour son analyse de la situation : « une mécanique implacable de dépossession foncière est en marche, qui atteindra son point culminant en 2027, lorsque prendra fin le régime fiscal dérogatoire en matière de succession : rares seront les familles à pouvoir acquitter l’impôt sans avoir à vendre leurs biens. » En Corse, seuls 54.3 % des foyers sont aujourd’hui propriétaires de leur logement principal. Dans une île qui connaît un apport migratoire constant estimé à plusieurs milliers de personnes chaque année, et où le solde naturel (différence entre les naissances et les décès) est désormais négatif, nul doute que si le « grand remplacement » est en marche, pour paraphraser un polémiste en visite récemment dans l’île, celui-ci vient bel et bien de la Métropole…



Ghjaseppu Poggioli


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Chantier de construction de la promotion Pietramare à Petranera, commune de San Martinu Di Lotta


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Chantier de construction de la promotion Pietramare à Petranera, commune de San Martinu Di Lotta


Vaincre la spéculation immobilière

Longtemps préservée des effets de la spéculation foncière, la Corse est prise à son tour d’une frénésie d’autant plus vive qu’elle est historiquement récente. A grand pas, notre île rattrape son retard sur la Côte d’Azur ou la riviera italienne. Martin Tomasi, avocat, nous propose quelques outils de résistance.



Depuis quinze ans, le parc immobilier croît ainsi beaucoup plus vite en Corse qu’ailleurs en France. Partout sur le littoral fleurissent lotissements et programmes immobiliers « spécial investisseurs ». Les résidences secondaires représentent 30 % des logements (soit trois fois plus que la moyenne nationale), et les prix flambent sous l’effet d’une demande extérieure insatiable (+ 138 % entre 2010 et 2017, selon un rapport de l’agence de l’urbanisme). Inutile d’insister sur les effets désastreux de ce phénomène, véritable lame de fond qui risque de tout emporter sur son passage.
Au plan environnemental, bien sûr : notre patrimoine naturel et paysager est sacrifié sans état d’âme dans cette course folle à l’argent. Quant aux terres agricoles, elles s’artificialisent à un rythme effréné (entre 2015 et 2020, près de 2.000 hectares d’espaces stratégiques agricoles », c’est à dire de terres à fort potentiel agro-pastoral, ont été urbanisés).
Mais aussi au plan social et politique : dans un nombre croissant de communes, les jeunes corses n’ont plus accès à la propriété. Face à l’explosion du nombre de meublés de tourisme (20.000 dans la seule région de Porto-Vecchio !), le marché de la location à l’année est en panne, les centres-villes se vident. Une mécanique implacable de dépossession foncière est en marche, qui atteindra son point culminant en 2027, lorsque prendra fin le régime fiscal dérogatoire en matière de succession : rares seront les familles à pouvoir acquitter l’impôt sans avoir à vendre leurs biens. Enfin, la spéculation immobilière alimente une économie de la rente, aux antipodes des valeurs de notre peuple, et sur laquelle prospèrent les logiques mafieuses.
Endiguer ce phénomène est un enjeu fondamental qui devrait figurer tout en haut des priorités de l’État et des responsables politiques insulaires. On ne peut en effet espérer infléchir le cours des choses sans une action publique déterminée, qui s’attaque au problème à plusieurs niveaux, et par différents leviers complémentaires.


Contrôle de légalité


Le premier de ces leviers est le renforcement du contrôle de légalité. Sur la façade littorale, là où s’exerce la pression la plus forte, on peut dire, sans exagération, qu’une vaste majorité des permis de construire délivrés sont contraires à la loi.

Rappelons que la disposition phare de la loi Littoral, précisée (comme la loi Montagne) par le Plan d’Aménagement et de Développement Durable de la Corse (Padduc) en fonction des spécificités locales, institue un dispositif anti-mitage qui consiste à interdire toute nouvelle construction ne se situant pas en continuité d’une agglomération ou d’un village, entendus comme des secteurs densément urbanisés, structurés et comportant des espaces de vie sociale. Un secteur d’habitat pavillonnaire, tel qu’un lotissement, n’est, selon la jurisprudence, pas assimilable à une agglomération ou un village et ne devrait donc pas accueillir de nouvelle construction.
Cette règle, en vigueur depuis 35 ans, est très largement ignorée et méprisée, d’où l’apparition sur nos côtes de secteurs d’urbanisation informes, villes fantômes aux volets clos dix mois par an, comme sur la rive sud du golfe d’Ajaccio ou sur la côte orientale.
L’État, qui délivre les autorisations de construire dans les communes sans document d’urbanisme et qui est censé contrôler celles qui sont délivrées par les communes dotées d’un tel document, est le premier responsable de cette situation. Manque de moyens pour faire respecter la loi, nous dit-on. Manque de volonté, plutôt, pensons-nous. Sous la pression de l’opinion insulaire, des efforts ont certes été accomplis depuis quelques années, une amélioration est constatée, surtout dans le sud de l’île, mais on est encore loin du compte.
Longtemps indifférente, la Collectivité de Corse commence à se préoccuper de cette situation. En 2019, elle a proposé à la préfète Chevallier de prendre à sa charge une part du contrôle de légalité dans les secteurs à fort potentiel agricole, mais s’est heurtée au refus sec d’un État visiblement jaloux de ses prérogatives. L’implication de la CdC dans le contrôle des autorisations d’urbanisme pourrait pourtant constituer une réponse efficace à la situation de non-droit actuelle. Garante, selon l’expression de son président, des intérêts matériels et moraux du peuple corse, elle serait parfaitement dans son rôle.
Si l’État ne reconsidérait pas sa position, des solutions pratiques alternatives, consistant par exemple à instituer une coopération entre CdC et associations de défense de l’environnement, ou encore à obtenir des maires qu’ils notifient les autorisations qu’ils délivrent non seulement au Préfet mais aussi à la CdC, pourraient être envisagées pour que les permis les plus attentatoires à l’intégrité de notre terre soient déférés devant les juridictions administratives.
Faire respecter les lois d’urbanisme, ce serait déjà régler une partie du problème de la pression foncière en Corse. Cette tâche essentielle ne peut être abandonnée aux associations, qui font un travail salutaire en ce domaine, mais dont on ne peut attendre, vu leurs moyens limités, qu’elles pallient, à elles seules, les carences des pouvoirs publics.



La planification urbaine


Seule une minorité des communes corses est dotée d’un plan local d’urbanisme (PLU) ou d’une carte communale. Les rares documents d’urbanisme existants sont souvent anciens, très permissifs, n’expriment aucune vision du développement de la commune et traduisent plutôt une approche clientéliste de l’aménagement, consistant à distribuer les droits à construire aux propriétaires-électeurs, sans évaluation sérieuse des besoins en logement. De plus, presque aucun n’a été mis en compatibilité avec le Padduc, alors même qu’ils auraient dû l’être, selon la loi, au plus tard en novembre 2018.
De ce fait, les communes subissent l’aménagement plutôt que de le planifier. Elles s’urbanisent au gré des initiatives des promoteurs, sans cohérence ni idée directrice, ce qui favorise une consommation excessive des sols.
Certes, adopter un PLU est plus difficile en Corse qu’ailleurs. Non pas parce que les lois y seraient trop nombreuses ou le Padduc trop contraignant, comme on entend souvent dire à tort [1], mais en raison, d’une part, des pressions qui s’exercent sur les maires, et d’autre part, parce que planifier impose de faire des choix, de placer l’intérêt communal au-dessus de celui des propriétaires – dont les terrains, selon qu’ils se situeront du bon ou du mauvais côté du trait, vaudront une fortune ou ne vaudront rien – ce qui exige un surcroît de courage dans les petites communes où existe un lien de forte proximité entre élus et administrés.
Pour autant, si l’on veut sortir du chaos urbanistique, il n’est d’autre solution que d’inciter les communes à adopter des PLU compatibles avec le Padduc, et qui, par voie de conséquence, proposent une vision équilibrée de l’aménagement du territoire.
Comment y parvenir, face aux réticences des maires ?
Là encore, la CdC a un rôle essentiel à jouer. Fin 2019, un premier pas a été fait avec l’introduction, dans le règlement des aides aux communes, d’une bonification de 20 % de la dotation quinquennale pour les communes qui adopteraient un PLU compatible avec le Padduc.
La mesure va dans le bon sens mais elle est encore trop timide, aucune amélioration sensible n’ayant été constatée depuis. Il faudra donc en passer par des incitations plus fortes, et surtout par la mise en place de sanctions financières dissuasives pour les communes récalcitrantes.
Quant aux PLU qui ne seraient pas compatibles avec le Padduc, notamment parce qu’ils ne respecteraient pas les principes des loi Littoral et Montagne ou consommeraient des espaces stratégiques agricoles, la Collectivité de Corse a annoncé vouloir les déférer en justice. Acceptons-en l’augure : un mauvais PLU, c’est pire que pas de PLU du tout.

Que penser, à cet égard, de l’opinion défendue par certains élus, selon laquelle seule une libéralisation des règles d’urbanisme permettrait, en augmentant le nombre de constructions nouvelles, de combattre la flambée des prix, et donc aux jeunes corses d’accéder à la propriété ? Ce serait, à notre avis, entrainer l’île vers un désastre environnemental certain, dans la poursuite d’un avantage illusoire : la demande extérieure est tellement forte qu’une augmentation, même considérable, de l’offre ne suffirait pas à la satisfaire. L’exemple de la Côte d’Azur est éloquent : le littoral est bétonné en continu de Hyères jusqu’à Nice, et pourtant, les prix continuent de grimper. Laissons donc cette idée pour ce qu’elle est : une tentative, assez grossière, de justifier la spéculation en l’habillant de motifs légitimes.
Pour nécessaires qu’elles soient, les mesures de remise en ordre des politiques d’urbanisme ne suffiront pas, à elles seules, à éteindre le feu de la spéculation, car elles n’en traitent pas la cause première, à savoir l’explosion de la demande de résidences secondaires depuis quinze ans.



[1] En particulier, l’application cumulative de la loi Littoral et de la loi Montagne, souvent dénoncée comme un facteur de paralysie, ne pose en réalité aucune difficulté, puisque ces deux lois comportent des dispositions similaires, de sorte que la loi Littoral, plus stricte, supplante en pratique la loi Montagne dans les communes riveraines de la mer.


Dissuader les non-résidents d'acquérir un logement ?


Aussi faudrait-il que ces mesures soient accompagnées de dispositions législatives visant à dissuader les non-résidents d’acquérir un logement sur l’île. C’est le troisième et dernier levier d’action envisageable.
Le statut de résident, consistant à subordonner l’acquisition d’un logement à un certain nombre d’années de résidence en Corse, serait l’arme absolue, puisque, d’un seul coup, il ferait disparaître la demande extérieure, exercerait ainsi une pression à la baisse sur les prix et réduirait drastiquement le nombre des nouvelles constructions.
L’adoption d’un tel statut reste cependant une perspective lointaine, car elle supposerait la modification de la Constitution et des traités européens. On pourrait peut-être l’imaginer dans le cadre de la création d’un statut européen des régions à forte attractivité, le cas de la Corse n’étant pas isolé (Venise s’est vidée de ses habitants, certains quartiers de Paris commencent à connaître le même phénomène), mais cela reste en l’état hypothétique.
Des mesures moins ambitieuses, mais qui soulèvent moins de difficultés juridiques, pourraient toutefois être envisagées en vue de réguler, sans attendre, le marché de l’immobilier en Corse.

Au plan fiscal, d’abord. Depuis la loi de finance de 2016, dans les zones dites « tendues », le conseil municipal peut décider de majorer jusqu’à 60 % la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. En Corse, seules les communes d’Ajaccio et du grand Bastia sont éligibles à ce dispositif. Il serait opportun de l’étendre à l’ensemble des communes et surtout de le renforcer.
C’est l’objet d’une proposition de loi portée par le député Jean-Félix Acquaviva qui vise à instaurer une taxe au profit de la CdC sur les résidences secondaires d’une valeur supérieure à 350.000 euros, dont le taux pourrait atteindre jusqu’à 1% de la valeur vénale du bien. Cette proposition, qui a des chances d’être adoptée par le Parlement, va dans le bon sens, même si le taux d’imposition envisagé semble trop faible pour être vraiment dissuasif. C’est toutefois un premier pas.
On pourrait aussi imaginer d’instituer une taxe régionale sur les profits des promoteurs, afin de rendre moins attractives les opérations immobilières réalisées dans les secteurs où la pression spéculative est forte. Là encore, l’intervention du parlement serait nécessaire.

Un second axe consisterait à réglementer de façon plus stricte les locations saisonnières. On sait qu’en Corse, nombre de résidences secondaires sont financées par la mise en location du bien pendant l’été. L’impossibilité de louer dans les secteurs les plus recherchés freinerait sans doute les velléités des candidats acquéreurs, en même temps qu’elle remédierait à la pénurie de logements sur le marché de la location à l’année.
Il existe déjà, dans la loi française, des dispositifs analogues, mais ils sont réservés aux communes de plus de 200.000 habitants: la location saisonnière des résidences secondaires y requiert une autorisation dont les conditions d’obtention sont si sévères qu’elle n’est que rarement accordée. Il serait légitime de faire bénéficier la Corse d’une réglementation comparable dans les secteurs où le marché locatif est tendu.

Dans cet esprit, la proposition de loi du député Acquaviva prévoyait la création de « zones communales d’équilibre territorial et social », délimitées dans le Padduc, à l’intérieur desquelles les activités de location saisonnière auraient été interdites. La commission des lois de l’Assemblée Nationale a toutefois édulcoré le dispositif, qui ne comporte plus d’interdiction de principe et dont la portée semble désormais surtout symbolique. C’est une déception, mais la question de la nécessité d’une régulation du marché de la location saisonnière a eu le mérite d’être posée, et on peut nourrir l’espoir que les débats parlementaires accoucheront de solutions plus ambitieuses.


Conclusion


Néanmoins, le temps presse. Si rien n’est fait rapidement pour enrayer la frénésie immobilière sur l’île, les dégâts environnementaux, culturels et sociétaux deviendront irréversibles. Ne nous trompons pas : ce n’est pas seulement la préservation de notre patrimoine naturel qui est ici en jeu, mais aussi à terme, la survie de notre communauté, menacée de dépossession.
Le défi est de taille, car les vents contraires sont forts. Pour autant des solutions existent, on vient de le voir. Y aura-t-il une volonté politique assez forte pour livrer bataille ? La majorité territoriale actuelle a montré certaines velléités, affiché un discours séduisant, mais il est temps de changer de braquet et de transcrire les intentions en actes.
Au-delà, c’est une mobilisation citoyenne qui est requise. Nous avons tous un rôle à jouer, d’abord en nous abstenant d’alimenter la spéculation (si des non-résidents achètent, c’est aussi parce que des Corses vendent), ensuite en agissant concrètement, chacun à son niveau, pour la combattre.
Nous, Corses de ce début de XXIème siècle, avons une responsabilité historique, devant notre terre, devant nos ancêtres qui ont su la préserver, et devant les générations futures, qui nous pointeront du doigt si nous leur léguions une Corse dénaturée.
Il nous faut collectivement nous hisser à la hauteur des enjeux.

Nous n’avons d’autre choix que de réussir.



Samedi 25 Septembre 2021
Martin Tomasi

 Cet article est consultable sur le site Rivista Robba que nouis remercions pour ce partenariat
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