• Le doyen de la presse Européenne

251 ans d'histoire ! "Corse - France. Toute une histoire"

<< Corse - France. Toute une histoire >>

251 ans d’histoire !

« Corse – France. Toute une histoire », vendredi 3 décembre, à 20 heures 45 sur Via Stella. Deux heures de film documentaire. Une réalisation de Dominique L’azalai. Des images et des propos nécessaires… à la compréhension de l’île.



Retracer plus de 250 ans d’histoire de la Corse en deux heures qui réussissent à tenir le téléspectateur en haleine… une gageure ! Un résultat passionnant. Intitulée « L’intégration », la première partie commence avec la stature de Pascal Paoli, homme des Lumières et s’achève à la Libération. Au fil d’images percutantes ponctuées de commentaires pertinents d’historiensreconnus on parcourt ces étapes incontournables que sont l’indépendance si brève, l’occupation et la répression des armées de l’Ancien Régime, la Révolution de 1789 avec ses aspects encourageants et obscurs. On perçoit que désaccord entre Paoli et la Convention ne fera au fond que s’approfondir avec Napoléon.
La Restauration s’inscrira dans la même veine politique en promulguant les sinistres lois douanières de 1818 qui mettront à genoux l’économie insulaire en la rendant de plus en plus exsangue au point que son dépeuplement à coups d’exils forcés deviendra alarmant.

Arriveront les temps où la pauvreté de la Corse est si épouvantable qu’un Clémenceau voudra redresser la barre, mais le « sauvetage » qu’il envisage est torpillé par le financement de la dite « Grande » Guerre. A retenir que chaque fois que l’Etat initie une amorce de redressement dans la conduite des affaires corses cela tourne mal pour des motifs intérieurs français ou pour des raisons liées à la géopolitique comme la décolonisation des années 60 aboutissant à l’implantation des pieds noirs sur la Plaine Orientale qui se fera au détriment des agriculteurs insulaires. Les recrutements massifs dans l’empire colonial à son apogée, l’armée, l’administration ou le privé accentueront encore le déséquilibre démographique de l’île.

Le XXe siècle quant à lui va débuter sous de mauvais augures : crise agricole aigue et saignée de 14 – 18. Les premiers mouvements « identitaires » et le renforcement de l’emprise des clans ne changeront pas la donne. La Corse, sous l’impulsion de communistes et du Front National, a beau être le premier département libéré, en 1945 elle est moribonde.

« La contestation », ainsi se nomme la deuxième partie du documentaire, explore un domaine mieux connu, mieux ancré dans les mémoires : revendications régionalistes, autonomistes, apparition sur la scène politique du FLNC. Les contours des statuts Defferre puis Joxe avec leurs avancées et leurs limites sont bien argumentés. Les témoins de cette période agitée apportent des éclairages indispensables pour saisir les événements. « La contestation » n’oublie pas de braquer aussi l’éclairage sur le mouvement culturel, sur ce réacquit si déterminant dans la prise de conscience politiques des Corses et sur l’évolution des mentalités.

Sur un ton et des documents très convaincant « La contestation » rappelle le rôle des uns et des autres en une époque tourbillonnante de fracas et de deuils, d’espoirs et de souffrances où se cherchent fiévreusement les clés de l’apaisement pour une Corse enfin heureuse.


  • · « Corse – France. Toute une histoire » aura une diffusion nationale sur « Public Sénat ».
  • · Dominique Lanzalavi, auteur, historien, réalisateur, journaliste s’est intéressé aux figures marquantes du XX e siècle en Corse à travers divers documentaires. Il a récemment publié un livre, « En homme libre », relatant l’expérience de Léo Micheli, responsable des résistants insulaires.

Entretien avec Dominique Lanzalavi

Pourquoi ces deux heures intenses d’histoire ?

Je voulais aborder les tenants et les aboutissants du rapport Corse – France : comment l’île est-elle devenue française, comment les différents régimes ont-ils traité l’île, comment a germé la contestation insulaire… J’ai soumis mon projet à Vanina Susini, responsable de Via Stella, qui l’a validé.


Vers qui vous êtes-vous tourné pour réaliser « Corse – France. Toute une histoire » ?

Vers Jean Paul Pellegrinetti, directeur du Centre de la Méditerranée Moderne et Contemporaine de Nice et responsable de la revue, « Etudes Corses » pour la première partie. Il est coauteur avec moi de « L’intégration ». Pour la deuxième partie qui s’appuie sur des témoignages d’acteurs de cette période j’ai fait appel à Sampiero Sanguinetti et à son expérience de journaliste.


Quel écueil avez-vous dû éviter dans le traitement de la deuxième partie en particulier ?

Nous devions nous adresser à des Corses et à des non-corses d’où la nécessité de rappeler des choses basiques. On devait aussi veiller à ne blesser personnes car nous relatons une période grave et endeuillée d’où notre impératif de rester sur la ligne de crète de la narration et de recueillir en même temps des propos du côté insulaire et de celui de l’Etat français.


Comment avez-vous ordonné la masse d’informations réunies ? Toutes les archives ont-elles été faciles à trouver ?

Les archives ont été accessibles mais ont requis un gros travail de recensement qu’a fait notre documentaliste, Fabrice Héron. Pour la première partie nous avons misé sur les propos des historiens, sur des tableaux, sur des photos, sur des documents de l’INA (Institut National de l’Audiovisuel). Pour la deuxième partie entre les reportages de France 3 Corse et les JT des autres TV nous avions devant nous un océan d’informations et des choix à faire. Beaucoup de problèmes ont été réglés en amont lors de la phase de l’écriture. L’étape du montage avec Véronique Buresi s’est également révélée décisive. Demander une musique originale à Pierre Gambini s’est imposé à nous comme une évidence.


Y-a-t-il consensus chez les historiens pour ce qui est de l’intégration à la France ?

Je répondrai qu’heureusement il y a débats ! Si je prends par exemple les lois douanières dont on s’accorde sur leurs conséquences néfastes, il faut encore pousser l’analyse pour savoir pourquoi elles ont été instaurées… En fait, tout pose question. On voit que la situation de l’île est une préoccupation des dirigeants français dès le XIX e siècle : ils font le constat de l’extrême pauvreté de l’île, redoutent les répercussions de l’unité italienne, manifestent la volonté de franciser la Corse.


Votre ligne directrice pour traiter de « La contestation » ?

Nous avons donné la parole à tous ceux qui étaient aux manettes. On ne voulait pas faire une histoire du nationalisme mais aborder les freins institutionnels aux évolutions. On a cerné les raisons de la colère des Corses et les réponses apportées par l’Etat. On peut vérifier que l’idée d’autonomie en Corse a fait son chemin depuis les années 70 tandis que la France a actuellement peur des particularismes, réflexe hérité du jacobinisme.


Pourquoi des problèmes jamais réglés, comme celui de la langue corse ?

Langue corse, problèmes économiques ou de spéculation immobilière restent en suspens depuis des décennies parce que leur résolution se heurte à l’esprit jacobin, fondement de l’unité française.


En pensant à la Résistance, à la création de la V e République, à la régionalisation peut-on avancer l’idée d’une Corse, île laboratoire ?

Si l’on évoque le Front National de la Résistance, la primauté accordée à de Gaulle sur Giraud, la Corse base avancée du gaullisme en 1958, ou les innovations institutionnelles plus récentes, on peut parler d’île laboratoire… mais demeurent les particularismes !

Propos recueillis par M.A-P
Partager :