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Mon seigneur François Bustillo, nouvel évêque du diocèse d'Ajaccio

Un homme de terrain au service de la Corse
Monseigneur François Bustillo, un homme de terrain au service de la Corse

En six mois, Monseigneur Bustillo, nouvel évêque du diocèse d’Ajaccio pour la Corse a conquis les fidèles .
Ordonné le 13 juin dernier en la cathédrale d’Ajaccio, cet homme de 53 ans parcourt, depuis, les routes de l’île, pour aller à la rencontre des gens.
Son charisme et sa manière d'aborder, sans tabous tous les sujets de la société en font un personnage peu ordinaire.....


De son habit franciscain dont l’aube nous rappelle Silas du « Da Vinci Code »ou encore les moines du « Nom de la Rose », Monseigneur François Bustillo, nouvel évêque du diocèse d’Ajaccio pour la Corse dénote, d’entrée avec ses prédécesseurs. Et s’il corrobore, en même temps à sa manière, le célèbre adage « l’habit ne fait pas le moine », il semble parfaitement en harmonie entre la spiritualité et le monde extérieur, entendez par là la dualité entre esprit et matière que l’homme se traîne comme un boulet depuis la nuit des temps. De fait, rien à voir avec les interdits de l’oeuvre d’Umberto Ecco, ni du gardien de l’Opus Dei de Dan Brown. Au-delà de la tenue arborée par l’Ordre créé au XIIIe siècle par Saint François d’Assises, c’est un homme en parfaite adéquation avec son temps, la réalité de la société, les peurs et les inquiétudes qu’elle suscite. Laissant émerger une sorte de lumière sur laquelle il serait bien difficile de mettre un concept religieux même si lui a choisi le sien


Une vocation précoce
La spiritualité, une vocation chez cet homme aux racines basques espagnoles. « Disons que j’ai baigné dans un milieu catholique dès mon plus jeune âge, confie-t-il avec humilité, mais je suis le seul d’une famille de quatre enfants à avoir emprunté cette voie. Il y a eu très tôt deux aspects en moi, l’un plutôt calme et l’autre aventurier au sens noble du terme, le désir de découvrir, risquer, oser... » À l’âge de 10 ans, il intègre déjà un petit séminaire du côté de Pampelune au Pays Basque.
Même s’il ne perçoit pas encore « l’appel », il le ressent déjà très certainement. Le futur évêque va, ainsi, suivre un cursus théologique et scolaire le conduisant à décrocher un bac littéraire puis, un peu plus tard, une maîtrise de théologie et de philosophie. C’est sans doute dans ces années qu’il puise bien des références d’auteurs. «À 17 ans, poursuit-il, j’ai eu le choix entre les études et le noviciat, j’ai choisi de partir à Padoue pour découvrir la vie religieuse.
François Bustillo est ordonné prêtre à 25 ans. « Une première aventure àNarbonne où contrairement à Padoue, la plupart des gens étaient athées. Ce fut fascinant de se situer par rapport à ces personnes. Il y avait les croyants, les sceptiques, les indifférents et les non-croyants. Cela m’a beaucoup épanoui de parler avec tous. »


12000 kilomètres en six mois

Et c’est après avoir occupé la plupart des responsabilités, un peu plus tard à Lourdes (Supérieur, Prêtre, Provincial, Vicaire) qu’il est nommé en Corse par le Pape François et ordonné le 13 juin dernier en la cathédrale d’Ajaccio. Aujourd’hui, six mois se sont écoulés et le nouvel évêque a déjà pris le pouls de la société insulaire et de ses particularités en termes de spiritualité. « J’ai découvert une très belle île, une culture, des traditions bien ancrées. Il y a l’aspect merveilleux de ce que l’on voit mais aussi de nombreux défis à relever. Je pense notamment aux confréries. C’est un domaine que l’Église doit explorer et exploiter. Le charisme et la particularité des confréries corses ouvre des pistes de travail en commun. On parle de paganisme en Corse, il existe ailleurs. Ce sont des pratiques magiques alternatives, cela me stimule à bien présenter notre Foi et les valeurs de l’Evangile. »

En six mois, Monseigneur Bustillo a déjà visité la plupart des micro-régions de l’île. « J’ai dû parcourir 12000 kilomètres depuis juin dernier. Un homme de terrain ? Oui, certainement. C’est sur le terrain que l’on acquiert l’autorité. Dans son étymologie, ce terme « Augere » en latin est noble, il signifie tirer vers le haut, faire croître. Rien à voir avec la logique de pouvoir que l’on développe en restant assis derrière son bureau. »On aura ainsi vite compris qu’il est loin de laisser indifférent. Sa manièred’aller à la rencontre des gens, qu’ils soient ou non croyants, suscite une interrogation. D’autant qu’il est capable d’aborder tous les sujets qui préoccupent les habitants de l’île sans pour autant évoquer le domaine spirituel et la mission qui lui a été confiée en Corse. « La proximité ne doit pas être un concept mais une réalité.
Les gens méritent d’avoir un pasteur proche à leurs côtés. Et si j’arbore la mitre et la crosse, cela ne doit pas être perçu comme un signe de distance. »



« Le fondamentalisme se sert de Dieu au lieu de servir Dieu »

De distance, il n’est pas du tout question à l’évocation des maux de la société actuelle. Pas question de contourner. Bien au contraire, l’évêque aborde tous les thèmes en employant parfois des paroles dures mais ô combien vraies tout en livrant une approche spirituelle. « La société est malade de l’individualisme et du matérialisme,souligne-t-il, il y a comme une sorte de fatalisme. Mais l’église a une belle parole à donner, celle de la fraternité et de l’Amour. Au fatalisme, elle oppose l’espérance non pas pour anesthésier les consciences mais parce qu’elle est porteuse d’une bonne nouvelle. À nous d’être habités et de communiquer autour de nous, cette lumière... »

Difficile, pour autant, dans une société qui avance à grands coups de laïcité de donner un sens spirituel à la vie. Un point sur lequel Monseigneur Bustillo est très clair, n’hésitant pas à employer le terme de réforme. « Il y a des signes d’éloignement, c’est peut-être parce que l’Église n’a pas fait ce qu’il fallait faire à un moment donné. Le discours est mal perçu, il faut une réforme, ce qui signifie changer de forme.Le mariage des prêtres ou la prêtrise pour les femmes, ce n’est pas l’essentiel de la réforme à opérer. L’essentiel, c’est la question de la Foi. Ceux qui ne croient pas ne sont peut-être pas prêts, il faut soigner l’âme. Notre société cultive l’avoir, le savoir et le pouvoir mais l’Être n’est pas soigné. La laïcité ne me dérange pas, c’est le laïcisme qui est dangereux. La religion a quelque chose à dire. La religion mais pas le fondamentalisme, qui est le fils de la peur et de l’ignorance.Or, la peur ne peut pas être le moteur de la vie. On se sert de Dieu au lieu de servir Dieu. Dieu n’est pas évident, s’il l’était, tout le monde irait à la messe. La Foi Chrétienne apprend à travailler sur notre être profond. »

" La mission de l'Eglise, c'est de combler le coeur des hommes "

Dans son analyse, le nouvel évêque, n’écarte pas non plus, la crise qui touche l’Église à la suite du rapport Sauvé sur les prêtres pédophiles. « Des résultats, dit-il, très douloureux qui secouent notre vie de prêtre. Des « hommes du Sacré » ont abîmé des vies, c’est un tsunami d’émotions car des vies et des familles ont été ruinées. Le prêtre est un homme de Bien qui est là pour transmettre et véhiculer des valeurs et un message spirituel, il y a eu abus de confiance. On doit accueillir ce rapport avec humilité, honte et souffrance. D’un autre côté, il faut aussi réagir. On n’est pas là pour faire un casting ni chercher les purs et les parfaits mais donner, offrir ce que nous avons de meilleur. On s’aperçoit que le prêtre a une dimension humaine, il faudra soigner la formation, accompagner et déceler peut-être des pathologies affectives. Le prêtre doit s’insérer dans la société, avoir des amis et ne pas rester seul dans son coin... »

Enfin, il est question, en ces fêtes de fin d’années, du message spirituel lié à la Nativité. « Si Noël se limite au foie gras, à la dinde et au chocolat, on va nourrir les yeux. Regardez, les boules et guirlandes qui scintillent, les boutiques éclairées, si c’est cela Noël, nous sommes vides à l’intérieur. Et malheureux dans notre quotidien. La mission de l’église, c’est de combler le coeur de l’homme. Et les valeurs de Noël, ce sont la famille, le partage, la contemplation...Dieu est avec nous. En psychologie, et tous les spécialistes s’accordent à le dire, l’homme a peur de l’abandon. Noël, c’est Dieu enfant, qui comble cet abandon. Il est parmi nous. Quand Jésus dit : « Aimez- vous les uns, les autres, ce n’est pas de la philosophie ni de la poésie, c’est du concret. »

Un évêque au service de la Corse qui parviendra, peut-être, à réconcilier l’homme avec sa dimension spirituelle.

Philippe Peraut
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