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Prévoir la montée des eaux

La montée des eaux menaces un grand nombre de nos infrastructures de communication d'ici l'espace d'une génération.

Prévoir la montée des eaux


Cela a été et écrit dix, vingt fois. Mais mieux vaut le répéter encore et encore surtout dans une île où la procrastination est passée au rang de noble art : la montée des eaux menace un grand nombre de nos infrastructures de communication d’ici l’espace d’une génération. Et les travaux nécessaires prendront au moins deux décennies.
L’aéroport d’Ajaccio a déjà été noyé tout comme celui de Bastia. Des routes ont été coupées. Il faut donc prévoir à longue échéance et préparer un plan de défense contre les éléments. Une autre région de la Méditerranée européenne est soumise à la montée des eaux et devrait nous servir de feuille de route : la Catalogne.


44 millimètres par an

La generalitat de Catalogne a publié un rapport en septembre dernier pour tenter de faire le point sur l’état de la côte rongée par la montée de la mer. Carles Ibanez, le directeur scientifique du Centre sur la résilience climatique, basé à Eurecat Amposta, donne un chiffre alarmant : la hausse de la Méditerranée pourrait être à la fin du XXIe siècle d’un mètre voir plus. Car d’année en année, le réchauffement climatique dépasse les prévisions les plus pessimistes. Carles Ibanez utilise l’image d’un tsunami au ralenti, car les prévisions les plus optimistes donnent un chiffre effarant : d’ici 2035, seulement 54 % des plages actuelles bénéficieront encore des conditions de largeur nécessaires à la prestation de services de loisirs et 9 % seront complètement érodées ». Outre la côte, les deltas subissent l’avancée de la mer et connaissent une usure de quinze mètres par an. C’est donc tout l’écosystème des fleuves et rivières qui est transformé. La Catalogne a tenté de combattre cette érosion par le dépôt de 775 000 m3 de sable, solution extrêmement onéreuse, non écologique et inutile sur le moyen terme.

La Catalogne nous est proche


Pour les scientifiques, la solution ne se trouve pas dans des raccommodages, mais dans une approche globale et complexe : il faut étudier l’impact des constructions abusives qui empêche le sable d’aller vers la mer et d’ainsi constituer un barrage naturel à l’érosion. On admettra que dans une île comme la Corse modelée autour d’une chaîne montagneuse, une telle problématique est essentielle. Or les constructions anarchiques, le détournement des cours d’eau, modifient les écosystèmes et perturbent la défense naturelle. Il est essentiel de préserver nos prairies de posidonie. La Corse reste un réservoir de ces plantes aquatiques qui retiennent le sable au sol et qui ont quasiment disparu ailleurs à cause de la pollution et du chalutage. Présentes un peu partout sur la côte catalane il y a cinquante ans, ces plantes aquatiques ont largement disparu sous l’effet de la pollution et du chalutage. Au niveau planétaire, si rien n’est fait la moitié des plages du monde pourraient avoir disparu. En Corse, l’eau pourrait dévorer également la moitié des étendues de sable du littoral. Il faut donc repenser la côte et son aménagement.


La France et la Corse en exemples

Les Catalans parlent de s’inspirer du modèle français avec la création d’un Conservatoire du littoral un organisme qui serait chargé de planifier et de gérer la côte, notamment en rachetant des terres pour les protéger. C’est ce qui est fait chez nous, mais avec toutefois un certain laxisme. Il suffit d’assister au bétonnage de la rive sud du golfe d’Ajaccio pour comprendre que nous pratiquons une politique de l’autruche qui risque de coûter très cher dans les décennies qui viennent. Plutôt que d’appliquer des pansements au fil des catastrophes, ce sont les bassins urbains qu’il faut revoir sans craindre de trancher dans le vif. La situation n’a aucune chance de s’améliorer. Il faut maintenant agir vite pour ne pas avoir à faire face demain à un véritable désastre géologique, humain et économique. La Catalogne vient de décider un moratoire d’un an sur la construction de 70 000 résidences sur la côte, entre Malgrat de Mar et le sud du delta de l’Ebre. Peut-être faudrait-il y penser chez nous ?

GXC
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