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Italie : le populisme touché mais pas coulé

Avec la victoire du centre gauche à l'occasion des dernières élections municipales, l'Italie a-t--elle tournée la page populiste ?

Italie : le populisme touché mais pas coulé


Avec la victoire du centre gauche à l’occasion des dernières élections municipales, l’Italie a-t-elle tourné la page populiste ? Rien n’est moins sûr.




En octobre dernier, le centre gauche (Partito Democratico et alliés) a remporté les élections municipales. Il a conservé Milan et Bologne. Il a conquis Rome, Naples et Turin. Les partis populistes de droite, à savoir la Lega de Matteo Salvini, Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni et Forza Italia de Silvio Berlusconi, et le populisme Cinque Stelle de Beppe Grillo ont été tenus en échec.
La Lega n’a pu s’emparer d’aucune des villes qu’elle convoitait. Fratelli d’Italia a perdu la seule capitale provinciale qu’il administrait. Forza Italia a tout juste maintenu ses positions. Quant au populisme Cinque Stelle se revendiquant de la démocratie directe et de la défense de l’environnement, il est sorti très affaibli de ces élections. Il a perdu plus de 500 000 suffrages et les mairies de Rome et Turin.
Seules des alliances locales avec le Partito Democratico lui ont permis d’échapper à la déconfiture totale. Le Partito Democratico a par ailleurs remporté deux élections législatives partielles. Globalement, il s’est agi d’une inversion de tendance car les élections municipales de 2016 et les scrutins locaux précédents avaient été marqués par une forte progression des populismes.
De nombreux observateurs se sont alors réjouis d’un déclin du populisme. Ils ont aussi encensé l’habilité tacticienne et la politique de Mario Draghi qui, en février 2021, avait accepté la présidence du Conseil (équivalent du Premier ministre en France) et constitué un cabinet « d’unité nationale » associant le Partito Democratico, Cinque Stelle, Forza Italia et la Lega. Seuls la droite néo-fasciste Fratelli d’Italia et la gauche de transformation sociale, communiste ou autre, n’en n’étaient pas ! Mario Draghi a certes réussi plusieurs tours de force : faire travailler ensemble des forces politiques opposées, éviter une impasse politique qui aurait mis l’Italie en situation d’être privée des financements du Fonds de relance européen (2021-2027) destiné à aider les États membres à surmonter la crise Covid-19, stabiliser économiquement et socialement le pays, commencer à rénover les grands équipements, tenter de rendre moins coûteuse et plus performante l’administration publique. Le président du Conseil a-t-il pour autant éteint la flamme populiste ? Rien n’est moins sûr. La Lega, Fratelli d’Italia et Forza Italia ont au moins deux bonnes raisons de ne pas désespérer de l’avenir.


Une victoire relative du centre gauche


Première raison : politiquement, économiquement et socialement l’Italie reste un pays fragile. Mario Draghi pourrait prochainement candidater à la présidence de la République. Avec la pandémie Covid-19, le pays a été impacté par une chute de 8,5% de son PIB. La dette colossale a continué à croître. Pour bénéficier du Plan de relance européen, Mario Draghi a dû accepter de se plier à l’orthodoxie libérale imposée par l’Union Européenne qui conditionne la délivrance des aides financières à une soumission à des impératifs de compétitivité et de baisse de la dépense publique. Des poussées inflationnistes, et plus particulièrement la flambée des coûts de l’énergie, affectent les entreprises et les particuliers. Etant un européiste et un atlantiste convaincu, Mario Draghi a, au détriment d’autres postes budgétaires, augmenté de 8,5% la dépense militaire pour que l’armée italienne soit davantage intégrée à la défense européenne et à l’OTAN.
Enfin, si le vaccin contre la Covid-19 n’a été rendu obligatoire que pour les professionnels de santé, une partie de la population, des juristes et des personnalités de la société civiles affirment que l’instauration du passe sanitaire ostracise les personnes non vaccinées afin de les inciter à se faire piquer. Deuxième raison : la victoire du centre gauche a été relative. Primo, le Partito Democratico n’a pas progressé en nombre de voix (il a même perdu plus de 65 000 suffrages) et ses trois grands succès (Rome, Turin, Naples) ont été remportés au détriment de deux maires Cinq Stelle et d’un maire indépendant dont les bilans étaient jugés désastreux. Deuxio, la droite a globalement gagné des suffrages et a généralement conservé les villes où elle présentait des têtes de liste ayant une forte notoriété ou dont la bonne gestion était reconnue.
La Lega a légèrement progressé en nombre de suffrages (+ 19 353 voix) bien qu’elle ait investi très tard des candidats souvent peu connus. Forza Italia a perdu un peu plus de 100 000 suffrages mais a conservé la plupart de ses villes moyennes et la perte de suffrages est essentiellement survenue à Milan où le choix du tête de liste a été malheureux. Fratelli d'Italia a progressé de plus de 100 000 voix. Tertio, le centre gauche a bénéficié de conditions très favorables.
D’une part, étant confronté aux vagues Covid-19, l’électorat n’a semble-t-il pas voulu prendre le risque du changement. D’autre part, étant historiquement considérée comme favorisant le centre-gauche, l’abstention a atteint des niveaux très élevés (45% au premier tour, 55%au second).



Alexandra Sereni
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