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Corse-matin : l'inquiétude des employés !

Alors que la bataille pour le rachat de la Provence est relancée, l'inquiétude grandit à Corse-matin
Corse-matin : l’inquiétude des employés


Alors que la bataille pour le rachat de la Provence est relancée, l’inquiétude grandit à Corse-Matin. En cause : l’avenir des 200 emplois que compte le quotidien insulaire, redevenu propriété exclusive du journal marseillais il y a quelques mois. Par voie de presse, les syndicats pointent du doigt l’absence de visibilité concernant les deux offres écrites de reprise, déposées fin novembre auprès du tribunal de commerce de Bobigny.



Si Xavier Niel, fondateur de Free et multipro-priétaire de médias, était parti avec une longueur d’avance dans sa course au rachat de la Provence et de sa filiale corse, il semblerait que son opposant, Rodolphe Saadé, patron de CMA-CGM – l’un des plus grands transporteurs maritimes au monde – l’ait rattrapé.
En effet, Niel possédait déjà 11 %du groupe de presse, ainsi qu’un droit de préemption sur les autres parts, et la capacité de refuser un nouvel entrant. Cela faisait de lui, à la mort de Bernard Tapie – propriétaire historique des 89 % restants – le seul candidat crédible. Seul - mais grand - problème : la possibilité pour Niel de s'opposer à un candidat au rachat du journal a été contestée par le liquidateur judiciaire du groupe Bernard Tapie (GBT), et Saadé s’est très vite engouffré dans la brèche. Le 11 janvier dernier, le Tribunal de Commerce de Marseille a suspendu le droit d’agrément qu’avait négocié NJJ, la holding de Xavier Niel. Cette décision, bien que contestée par Niel qui fera appel, remet les deux milliardaires à égalité dans leur course pour le rachat.


Corse-Presse propriété exclusive du groupe la Provence


Le quotidien marseillais possédait initialement 51 % de Corse-Matin, qui n’est depuis le 1er décembre 2014 plus rattaché à Nice-Matin que par le nom. Les 49 % restants appartenaient au consortium CM Holding, qui avait annoncé vouloir s’en défaire depuis l’été. Ce rachat a finalement été confirmé par Jean-Christophe Serfati, PDG de Corse-presse, le 30 novembre.


Corse-Matin dans le rouge


Nouvellement propriétaire exclusif de Corse-matin, la Provence compte désormais plus de 800 emplois dont 200 en Corse. Au vu de la mauvaise situation financière du journal, les salariés vivent depuis plusieurs mois dans l’angoisse du rachat et des licenciements potentiels qui en découleront.

Dans une lettre interne aux salariés datée de juin 2021, l’Intersyndicale du journal pointait déjà un déficit de 4 millions d'euros net en 2020. En juillet, elle publiait dans ses colonnes un communiqué titrant « 200 emplois menacés ». On y apprenait que, malgré deux plans de départs « volontaires » réalisés en trois ans et ayant pour but de réduire la masse salariale, la situation financière du titre n’aurait cessé de se dégrader.

En termes de diffusion, selon l’ACPM (Alliance pour les chiffres de la presse et des médias), le titre serait passé de plus de 45 000 exemplaires payés en 2005, à 25 000 en 2020, dont 20 % en numérique, avec une perte sèche de 11% sur l’année en cours. Si Saadé a promis monts et merveilles (pas de plan de licenciement économique, maintien des activités à Marseille comme dans l’île, règles strictes pour garantir l’indépendance de la rédaction, etc.), Niel est quant à lui habitué des plans de départs « volontaires » :

- À France-Antilles, après liquidation et rachat par Niel, le groupe est passé de 235 emplois à 126, avec une publication papier stoppée pendant plusieurs mois et désormais plus restreinte (France-Guyane ne paressant plus qu’en édition numérique),

- À Nice-Matin, après rachat l’an dernier, le plan de départ proposé devrait concerner plus de 110 salariés, dont une trentaine de journalistes, sur les 850 emplois que compte le groupe.
En parallèle, l’annonce de la création d’une « super imprimerie » dans le Var pouvant imprimer plusieurs titres ne laisse que peu de doute quant à l’avenir de l’imprimerie de Lucciana, si Niel remportait la Provence. En tout état de cause, même les engagements de Saadé n’ont pas réellement de valeur, tant que les deux offres écrites de reprise, déposées depuis fin novembre auprès du Tribunal de Commerce de Bobigny, n’auront pas été dévoilées.
Les syndicats de Corse-Matin en ont bien conscience, Après avoir rencontré les représentants de NJJ et CMA CGM, ils souhaitent maintenant accéder au plus vite à ces offres avant de se positionner en faveur de l’un ou l’autre des deux repreneurs potentiels, et seront particulièrement attentifs quant au volet social des deux propositions. Pour l’intersyndicale (STC, SNJ, FO, CGT) : « Depuis trop longtemps, les salariés sont otages de conflits d’actionnaires qui relèguent au second plan les projets stratégiques et le volet social, au profit de logiques comptables. Nous n’acceptons plus ces logiques mortifères qui détruisent les entreprises et les emplois et demandons des garanties pour l'avenir des salariés et de leur outil de travail ».

Face aux nouvelles péripéties juridiques et à un règlement du litige qui s’annonce en tout état de cause difficile, l’année 2022 a commencé sous de bien sombres auspices pour les salariés corses de l’entreprise. Ce dossier, parmi bien d’autres, met en exergue l’avenir très problématique de la presse écrite depuis l’essor du numérique.


• Petru Ghjaseppu Poggioli
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