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" Enquête sur un scandale d'Etat " le film choc de Thierry de Peretti

Entretien avec Thierry de Peretti
« Enquête sur un scandale d’Etat »
Le film choc de Thierry de Peretti


Des photos de ministres de l’intérieur, sourires triomphants, devant des saisies de drogues, que n’en a-t-on vu ! Mais parfois derrière ces triomphes peuvent se cacher des turpitudes… C’est ce que dévoile « Enquête sur un scandale d’Etat », de Thierry de Peretti. Une fiction aux ressorts minutieux mettant à jour une réalité choquante.




En octobre 2015 sept tonnes de cannabis sont découvertes par les douanes en plein Paris. Un fait relativement banal si n’était l’ampleur qu’il va prendre de rebondissement en rebondissement puisqu’il va aboutir au limogeage et à la mise en accusation du patron de l’Office centrale pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS). Dans la fiction très documentée du cinéaste il se nomme Jacques Billard. Il est interprété par Vincent Lindon à la fois hiératique et décontractée. Celui qui allume la mèche contre le haut dignitaire de la police c’est Hubert Avoine, un infiltré qui a beaucoup donné de sa personne dans la lutte anti-drogue.

Il est en possession de révélations sur l’infamie qu’il voit se développer autour de lui. Il s’adresse au procureur de la République de Paris… En vain. Il prend alors langue avec un journaliste de « Libération » Emmanuel Fansten dans la réalité, Stéphane Vilner à l’écran, incarné par Pio Marmaï.

« Enquête sur un scandale d’Etat » est un film sur le travail d’investigation journalistique. Sur les rapports d’un journaliste avec sa source. Sur l’opacité d’une police à qui il peut arriver de dévisser et de ne plus remplir sa mission.

Pio Marmaï en jeune journaliste répercute avec maestria les interrogations, les doutes, la nécessaire obligation de vérifier ce qu’on lui rapporte. Vincent Lindon en grand flic perverti adopte une stature de commandeur troublante, qui ne manque pas d’interpeller. Roschdy Zem en ex-infiltré cultive des côtés sibyllins pétris de mystère dus à l’échec de sa vie ? A la maladie qui le ronge et le condamne ?

La plupart des journalistes lambdas pâliront d’envie devant les possibilités accordées en temps et en moyens à leur confrère de « Libé » afin qu’il puisse investiguer !

Le film de Thierry de Peretti est audacieux car il ose aborder des problèmes d’une extrême gravité qui nous rappelle à nous Corses des dérives de la DNAT (Service anti-terroriste) lors de l’élucidation de l’affaire Erignac et d’autres agissements malodorants plus proches de nous…

Qui ne rêve pas d’une police équitable, honnête à cent lieux de la fraude et de méthodes expéditives !

ENTRETIEN AVEC THIERRY DE PERETTI


Comment avez-vous découvert le livre d’Emmanuel Fansten et d’Hubert Avoine ? Avez-vous d’emblée été convaincu d’en faire une adaptation ?

On m’avait proposé de faire cette adaptation de « L’infiltré », écrit par Emmanuel Fansten et Hubert Avoine. Le livre retrace le parcours d’Hubert, qui passe du syndicalisme à l’infiltration des cartels de la drogue mexicains pour le compte de l’Office central de la répression du trafic. C’est un récit passionnant, mais trop éloigné de mon territoire de fiction premier, la Corse, pour que je décide d’en faire un film. C’est en rencontrant les auteurs et en voyant la relation très forte entre eux deux, entre le journaliste et sa source, que ça a commencé à m’intriguer et à me passionner. Mon film n’est pas une adaptation de « L’infiltré », mais le récit de ma rencontre avec eux.


De quelle manière avez-vous abordé le personnage d’Hubert Antoine – l’infiltré – qui est très énigmatique ?

Hubert Antoine est un personnage mystérieux et très contemporain. J’ai l’impression de ne pas avoir vu quelqu’un comme lui à l’écran, un aventurier, quelqu’un qui connait tout le monde et toutes les histoires et qui fréquente tous les milieux. Facilitateur ? Lanceur d’alerte ? Infiltré ? Certainement un peu tout ça. J’ai eu la chance de passer du temps aux côté de celui qui a inspiré le rôle, de l’observer, de lui parler. Dans le film, il est un mélange de ce qu’était Hubert et de la proposition très forte que fait Roschdy Zem sur le personnage.

Qu’est-ce qui vous a particulièrement séduit dans le personnage du journaliste de « Libération » ?

Stéphane Vilner travaille au service « Police- Justice ». Sans doute un des plus passionnants ou un de ceux où je me dis que j’aurais aimé travailler si j’avais été journaliste moi-même.

J’étais très curieux de savoir comment il s’y prenait, de quelle manière il pensait, reliait les évènements entre eux, travaillait. Curieux aussi de voir comment se mène aujourd’hui une investigation au long cours, au moment même où le métier de journaliste n’a sans doute jamais été aussi compliqué, critiqué. Comme Hubert, il fréquente des milieux et des personnes très différentes, il est la clé pour pénétrer la la réalité du trafic aujourd’hui, de Paris à Marbella. C’est un passeur.


Pourquoi le choix de Pio MarmaÏ (le journaliste), Roschdy Zem (Avoine, l’ex infiltré), Vincent Lindon (directeur de la lutte anti-drogue) ?

Comme sur mes films précédents, avec Julie Allione qui m’épaule une nouvelle fois sur la distribution, notre souci c’est de composer une troupe forte et cohérente d’actrices et d’acteurs très indépendants, capables d’embarquer le récit (il faut citer Antonia Buresi, Julie Moulier, Cédric Appietto, Valéria Bruni-Tedeschi, Alexis Manenti, parmi eux). Bien sûr que ces trois immenses acteurs qui jouent les rôles principaux est une des forces du film. Ce sont des acteurs auxquels je crois à l’image, ils et n’avaient jamais joué ensemble. Je voulais travailler avec chacun d’entre depuis un moment.


Pourquoi cette place si importance accordée à « Libération » ?

C’est Libération et Emmanuel Fansten qui sont à l’époque que le film couvre, en pointe sur les questions du trafic et du dévoiement de la lutte contre le trafic de drogue. C’est eux c’est qui enquêtent sur la saisie historique de cannabis en plein paris d’Octobre 2015 (point de départ du film). Au-delà de ça, cela faisait partie de la promesse de cinéma pour moi : investir et observer un grand journal dans son activité quotidienne. J’ai cherché, avec les actrices et les acteurs à restituer de manière la plus exacte possible, les conférences de rédaction, le travail en groupe plus fermés, les nuits, etc.


Est-on vraiment dans la fiction avec votre film ?

Mon film est très précis sur les milieux et les pratiques qu’il dépeint. Mais c’est une expérience de cinéma qu’il propose aux spectateurs. Oui, c’est absolument de la fiction. La fiction passe par la mise en scène, pas simplement par ce qui relève de l’imagination pure.


Comment appréhender le problème de la drogue en Corse ?

Je ne me vois pas prendre la parole sur ces questions-là autrement qu’à partir mon point d’observation, le cinéma. Le sujet m’intéresse en tant que corse, ou que citoyen, mais c’est (et on le voit dans le film) la question de la drogue est soumise à toutes les récupérations politiques, idéologiques. Mais pour pouvoir avoir un avis au-delà du préjugé mille fois exprimé, je crois qu’il faudrait accéder aux données les plus actualisées sur le sujet, avoir des éléments sur le volume de drogue circulant réellement en Corse, sur les modalités de la consommation, sur la différence du phénomène entre les régions, entre l’hiver et l’été, par exemple. Sinon mieux vaut se taire et laisser ceux qui connaissent vraiment la réalité et le terrain s’exprimer.


Les garanties sont-elles en place pour qu’un scandale comme celui dénoncé par Avoine ne se renouvelle pas ?

Ce n’est pas une question de garanties mais de politique qu’on mène.


Propos recueillis par M.A-P





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