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Paul Bonaventure Carbone, un Corse bien sous tous rapports

Un Corse bien sous tous rapports
Paul Bonaventure Carbone était né à Propriano.

Proxénète à 15 ans, il s'était abouché avec Lydro Spirito pour monter des bordels en Égypte. Avec la petite fortune accumulée, ils avaient pris en main les affaires du milieu marseillais bousculé par la Guerre de 14-18 se spécialisant dans la prostitution et le racket. Devenus les compères de Simon Sabiani, un niulincu, héros de guerre, communiste farouche avant de glisser vers le fascisme, ils étaient devenus les rois de Marseille mettant en place un système typiquement mafieux jouant sur les trois piliers qu'étaient la politique, les affaires et le gangstérisme. Devenus agents de la Gestapo, après l'occupation de la zone sud, ils devaient rencontrer d'autres Corses, également voyous, pour mettre en coupe réglée la cité phocéenne.

Le bel Étienne


Alors que des milliers de Corses participaient à la résistance, quelques dizaines de gouapes d'origine insulaire s'étaient engagées dans les différentes gestapos françaises surnommées les Gestapaches. Carbone souffrait de son physique trapu et peu avenant. Pour mieux se fondre dans la belle société parisienne que désormais il fréquentait, il avait tenté de faire retirer ses tatouages à l'acide ou au feu, sans grand succès d'ailleurs. Et pour apprendre les belles manières, il avait fait appel à un Corse né à Grasse en 1915, Etienne Leandri. Très élégant, grand et fin, il s'était spécialisé dans la fonction de gigolo en même temps qu'il faisait affaire avec des voyous corses parisiens dirigés par Joseph Marini, surnommé le Commandant des Corses et allié de Carbone. Il avait séduit Renée Rodier, épouse française de l'américain milliardaire Virgil Neal qui dirigeait l’entreprise Tokalon, un empire du cosmétique. Généreux donateur du parti national-socialiste de Hitler et du parti fasciste de Mussolini, Neal poussa l'amabilité jusqu'à héberger Leandri dans le château qu'il avait acheté à son épouse sur la Côte d’Azur et dans lequel il invitait stars de l'époque Harpo Marx, Tino Rossi, Cole Porter, Michèle Morgan ou Marcel Pagnol ainsi que les grands noms de la pègre insulaire. Arrêté pour escroquerie avant-guerre, Leandri prit son envol avec l'arrivée de l'armée allemande.

Un homme bien introduit


Avec ce culot qui lui avait toujours réussi, Leandri prit rendez-vous avec l’officier SS Roland Nosek, chef du SD-Ausland, les renseignements politiques de la Gestapo. La séduction opéra et l’austère Saxon SS tomba sous le charme du Corse qui lui fit découvrir les plaisirs de la vie à la française. Il l’invita, aux frais de Neal bien entendu, dans les meilleurs restaurants où soupait le Tout-Paris. Chez Alexis, restaurant à la mode, il lui présenta son ami intime, le chanteur Tino Rossi dont le frère officiait déjà au sein de la Gestapo de la rue Lauriston tenue par Bonny et Laffont. Ils dînèrent avec Maurice Chevalier, avec Yvette Lebon, avec Danielle Darieux et bien d’autres artistes. Leandri mit en contact Neal avec les grands responsables de la Gestapo et invita Nosek dans l’annexe du château Azur que Neal avait mis à sa disposition. Il obtint une carte de la police allemande numéro 314, une autorisation permanente de rouler en voiture pendant les heures de couvre-feu ainsi qu’un bon permanent d’essence ainsi qu’une carte de ravitaillement sans limitation.

Du Tokaton à la drogue


Carbone et Spirito avaient commencé à imaginer ce qu'on appellera plus tard la French connexion grâce à leurs relations avec la mafia italo-américaine. Carbone voulait utiliser les bordels qu'il possédait en Afrique du Nord pour faire transiter l'héroïne fabriquée dans des laboratoires marseillais. Elle partirait pour les départements algériens puis arriverait en Espagne. Sabiani et Leandri, chacun de leur côté, demandèrent que Carbone fût reçu par la direction de la Gestapo. Une entrevue fut arrangée. Le lieutenant-colonel von Eschwege invita le voyou à dîner dans le restaurant Chez Dominique, propriété de Dominique Carlotti, un Corse de la Carlingue, grand ami de Tino Rossi. Malheureusement pour ce petit monde, la mort accidentelle de Carbone en décembre 1943 en mit un terme à l'opération. Quelques mois plus tard, Leandri quitta précipitamment la France pour l'Italie où il se cacha durant quelques années. Puis il revint en France après avoir eu l'assurance qu'il échapperait à la peine. de mort. Désormais ami des Guerini et des Venturi, il devint le mentor d'un autre Corse de Grasse qui montait dans l'appareil gaulliste : Charles Pasqua. Homme d'affaires respecté pour ses conseils dans les affaires internationales, il travailla à monter des réseaux avec Foccart et Pasqua notamment en Afrique. Il mourut à Paris en janvier 1995, couvert d'honneur et d'argent.

GXC
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