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L'irruption victorieuse de la jeunesse

Par son invesxtissement, sa détermination et son courage, la jeunesse a faoit bouger des lignes que la majorité territoriale était incapable de fairev frémir........

L’irruption victorieuse de la jeunesse



Par son investissement, sa détermination et son courage, la jeunesse a fait bouger des lignes que la majorité territoriale était incapable de faire frémir et dont l’État entendait conserver l’intangibilité.

Une fois encore, il semblait que la réalisation serait sans surprise. Qu’elle se conformerait dans ses grandes lignes à un modèle de scénario devenu classique depuis six ans, depuis la « victoire historique », et pouvant être ainsi résumé : multiples déclarations ou communiqués d’élus et d’organisations faisant part d’une indignation ; session de l’Assemblée de Corse avec déclaration introductive du président du Conseil exécutif appelant l’État à agir ; motion inspirée par les uns ou les autres, et rendue sans saveur par la majorité territoriale pour obtenir un vote unanime ou au moins inciter les opposants à s’abstenir ; interventions médiatiques d’élus de la majorité territoriale avec des réponses reprenant des éléments de langage relayant le discours du président de Conseil exécutif ; entretiens téléphoniques du président du Conseil exécutif avec le représentant local de l’État et un ou deux membres du gouvernement pour leur demander de bien vouloir reconnaître que la Corse du nationalisme est devenue définitivement pacifique et démocratique et leur suggérer qu’il serait bienséant que Paris se montre un petit peu compréhensif et constructif.
L’événement survenu il y a quelques jours ayant une dimension dramatique et politique exceptionnelle, il avait été apporté une touche au scénario. Il avait en effet été envisagé, si la demande se dessinait ou le besoin s’en faisait sentir, d’appeler à une mobilisation populaire qui devrait, comme dans le théâtre classique, être cadrée dans une unité d’action (grand rassemblement à partir de mots mot d’ordre définis), de temps (de telle à telle heure à une date donnée) et de lieu (Aiacciu, Corti ou Bastia) ; respectueuse de la vraisemblance (exigences modérées pour espérer obtenir quelque chose de l’État et ainsi être en mesure d’invoquer un succès et calmer le jeu) ; soucieuse de bienséance (usage de mots d’ordre consensuels et pouvant être jugés acceptables par l’État). Et il était espéré que tout cela se terminerait par un communiqué final faisant part d’avancées et invitant chacune et chacun d’entre nous à retrouver le cours de son quotidien.

Tout a volé en éclats !

Et la jeunesse a tout chamboulé… Alors qu’il était admis ou déploré par beaucoup que les ados et les jeunes adultes d’aujourd’hui se complaisent dans le tchat, le monde virtuel du jeu vidéo, la teuf et plus globalement dans un hédonisme égoïste, ne se passionnent que pour leurs destins individuels, ne se mobilisent que pour les causes compassionnelles ou écolos-bobos, ne sont plus capables de contester un ordre en place auquel pourtant ils ne croient plus et aussi rechignent à aller voter, la jeunesse a fait irruption sur le plateau où le film était en train d’être tourné sans elle.
Lors de deux assemblées générales dans les locaux de l’Université de Corse et dans le cadre d’auto-organisations locales, elle a mis à mal une réalisation qui semblait devoir se dérouler sans surprise et sans elle. Tout a volé en éclats ! Exit l’unité d’action, de temps et de lieu ! La jeunesse a imposé, au fil des jours et à toute heure, le blocage de l’Université et des lycées, des rassemblements aux quatre coins de Corse et l’organisation d’une deuxième grande manifestation à Bastia alors que certaines et certains, y compris en jouant la corde affective, l’invitaient à s’accommoder de la tardive prise de décision Castex (levée du statut DPS) et de la promesse d’un dialogue Darmanin.
Exit la vraisemblance ! La jeunesse a imposé ses mots d’ordre et ses slogans. En effet, aux restrictifs et modérés appels à dénoncer « l’offesa » et à obtenir « Justice pour Colonna » et « le rapprochement des prisonniers », elle a opposé avec succès « Statu francese assassinu », « Libertà per tutti i prighjuneri » et quelquefois « Indipendenza ». Exit la bienséance ! Les élus de la majorité territoriale ont été durement « bougés » durant les assemblées générales. Les forces de l’ordre ont été prises à partie. Les préfecture et les sous-préfectures ont été assaillies. Enfin et surtout, par son investissement, sa détermination et son courage, la jeunesse a fait bouger des lignes que la majorité territoriale était incapable de faire frémir et dont l’État entendait conserver l’intangibilité. On invoque désormais le « respect du droit » pour les prisonniers corses et reparle d’autonomie de la Corse dans l’ensemble de la classe politique hexagonale.
Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin est investi de la mission « Monsieur Corse » et sera déjà passé chez nous quand vous lirez ces lignes ; avec sans doute à la clé des décisions dites d’apaisement destinées aussi bien à calmer le jeu à moins d’un mois des élections présidentielles car la dégradation de la situation en Corse pourrait finir par faire désordre et nuire au candidat Macon, qu’à redorer le blason d’une majorité territoriale dont l’Etat commence un peu à comprendre l’utilité pour canaliser la revendication nationaliste.

Refus de rentrer à la maison

Pourquoi la jeunesse est-elle subitement montée au créneau ? En créant implicitement les conditions d’une deuxième affaire Colonna, l’Etat a certes provoqué cette irruption. Mais se contenter de retenir cette explication serait un peu court et même erroné. Les événement de ces derniers jours le démontrent d’ailleurs. En effet, ni le succès de la manifestation de Corti, ni les premières concessions ou ouvertures de l’Etat, ni les appels à l’apaisement de la majorité territoriale, d’une partie des familles d’Yvan Colonna et Jean -Baptiste Acquaviva, de « vieilles gloires » nationalistes et de l’Eglise de Corse n’ont convaincu la jeunesse de rentrer à la maison. Il faut bien se résoudre à admettre que la jeunesse, certes pas dans son intégralité mais dans les forces qui sont en son sein aujourd’hui les plus réactives et seront peut-être demain très influentes, a trouvé, dans le drame survenu il y a quelques jours, l’occasion de faire connaître sa révolte ; certes contre « L’Etat français » mais aussi et surtout contre des élus qui ayant hier promis un monde nouveau sont en train de faillir. En adoptant certains codes et pratiques du monde ancien.
En s’installant dans leur statut institutionnel. En se montant incapables de dessiner les contours d’une société fondée sur le respect des fondamentaux de près d’un demi-siècles de luttes nationalistes et de sacrifices militants. En nouant des alliances avec des individus, des élus et des acteurs économiques ou de la société civile qui, il y a peu encore, étaient présentés comme des symboles du clanisme, du conservatisme anti-nationaliste, de la spéculation immobilière ou de l’affairisme compradore.

Beaucoup de choses ont sans doute vécu

Tout cela et bien d’autres choses, une grande partie de la jeunesse corse le vit donc mal (tout comme d’ailleurs beaucoup de ses aînés). La deuxième affaire Colonna lui a offert l’occasion de l’exprimer et le dénoncer. Elle l’a certes fait sans organisation vraiment structurée, sans projet alternatif, avec quelques excès que certains tentent déjà de mettre en exergue pour se présenter à la fois en interlocuteurs raisonnables de l’Etat et d’un certain establishment corse, et en chantres de la paix usant de la bonne vieille ficelle « C’est nous ou le chaos ».

Cependant, même si le politiquement correct reprend la main, rien ne sera plus comme avant les journées que la Corse vient de vivre. La belle vitrine d’un nationalisme prétendant unir tout le monde autour des contraires a vécu. Tout comme a peut- être d'ailleurs aussi vécue la fascination pour la clandestinité. Dans les dernière manifestations, on a très peu ou pas du tout clamé « FLN, FLN, FLN ! ». La rue a peut-être remplacé la nuit comme théâtre d’expression de la colère et de l’espoir.



Pierre Corsi
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