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Faire (re ) -découvrior l'univers de Pasolini

« Les femmes de Pasolini »

Spectacle musical d’Orlando Forioso


Faire (re)-découvrir l’univers de Pasolini, cinéaste, poète, écrivain, dramaturge, journaliste, parolier de chanson c’est la proposition que nous lance Orlando Forioso avec son dernier spectacle qui allie comédie, chant, clavier, opéra, vidéo et mêle humour, tragique, réflexion philosophique et politique.



« Les femmes de Pasolini » ce serait un paradoxe quand on sait l’homosexualité du réalisateur de « Salò, les 120 jours de Sodome » ou de « Mama Roma » ! Mais cela renvoie aux actrices qui ont joué dans ses films, interprétant parfois des rôles excessivement durs, abrupts, ainsi Anna Magnani, Silvana Mangano, la Callas, Angela Luce et sa mère, Susanna, qui incarna la Vierge dans « L’Evangile selon Saint Matthieu ».

Orlando Forioso nous invite à un voyage en chansons jalonné de moments d’intense gravité et d’autres virant à l’occasion au loufoque ! Sur scène les actrices et chanteuses, Patrizia Poli, Patrizia Gattaceca, la comédienne, Marie-Paule Franceschetti, la soprano, Marilyne Leonetti, le chanteur napolitain, Francesco Viglietti, le pianiste, Guido Tongiorgi, se donnent à fonds dans des instants étincelants, d’autres tout en subtilité en sachant être désopilants aussi… Ce mélange des genres, des approches évoque bien l’atmosphère de l’Italie de l’après-guerre, de la Démocratie chrétienne triomphante, de la progression du parti communiste, des années de plomb qui étoufferont de plus en plus le pays.

Cette année Pier Paolo Pasolini aurait eu cent ans. Orlando Forioso nous préserve de tout affect commémoratif en mettant l’accent sur la soif de vie d’un personnage dont il a préféré valoriser vécu et créations pour en souligner la singularité, l’esprit novateur… Pasolini qui détestait la société de consommation ; qui rejetait l’écrasement des identités de ce qu’il nommait « les petites patries » ; qui refusait le laminage du tous pareils ; qui tenait à la langue frioulane comme à la prunelle de ses yeux ; qui s’assumait homo en faisant fi de déranger et en se voulant de surcroît perturbateur de bonne conscience.

Le spectacle est émaillé d’extraits de fims qui sont une opportunité de restituer combien Pasolini a été fulgurant et combien fertile. Combien en se dégageant des codes cinématographiques de l’époque il a su rester authentique et proche de nous. Orlando Forioso donne à sentir la place qu’occupe le cinéaste-poète-écrivain aujourd’hui encore. Il faut s’arrêter sur l’ultime séquence vidéo, une interview de Pier Paolo Pasolini, dans laquelle il parle vrai… tant sa vérité demeure.

A voir impérativement.




                    ENTRETIEN AVEC ORLANDO FORIOSO


Pensiez-vous depuis longtemps à un spectacle sur Pasolini ?

J’ai fait différents essais mais je voulais trouver une formule qui soit juste. Pasolini est comme un archipel ! Il est tellement multiple, ce n’était pas évident de monter un spectacle qui l’évoque !


« Les femmes de Pasolini » est-ce une comédie musicale ?

Une sorte de comédie musicale !... Les gens se sont souvent penchés sur sa mort, sur son assassinat qu’on en oubliait tout le reste, ce qu’il avait été vraiment. On passait, par exemple, sous silence le poète qu’il était. J’ai voulu approcher le plus possible de ce qui était multiple et positif en lui.

Est-ce la raison du mélange des genres, des expressions artistiques, musicales et de la vidéo dans ce spectacle ?

Ce mélange fait écho à la personnalité complexe de Pasolini, ce petit bourgeois qui critiquait…
les petits bourgeois.

Quand vous réfléchissez à l’apport de Pasolini qu’est-ce qui vous vient immédiatement à l’esprit ?

L’engagement… son impressionnante connaissance de la langue italienne. Cette langue avec laquelle il se donne à fond de tout son corps.

Hors d’Italie l’œuvre poétique de Pasolini est assez peu connue. Comment se situe-t-il dans la poésie italienne ?

Il utilise des mots poétiques et des mots prosaïques. Il a en outre une grande capacité de passer du poétique au prosaïque et inversement.

Pasolini est amoureux de la langue frioulane. Comment expliquer ceci ?

C’est la langue de l’apprentissage de la jeunesse. Né à Bologne, il va au Frioul pour être tranquille, en particulier pendant la guerre. Le frioulan il l’a adopté, il l’a fait sien mieux que ceux qui le parlait de naissance. Il l’a beaucoup étudié et écrit beaucoup de poèmes en frioulan. Or, cette langue n’a rien à voir avec l’italien. Elle est proche du vénitien, du slovène, de l’allemand d’Autriche.

A Rome il va se passionner pour le romain et son argot. Toujours par attrait des différents parlers italiens ?

Pas du tout… c’est lié à son homosexualité qui est la clé de son œuvre. Dans le parler romain il cherche l’érotisme et le respect de l’autre passe par là. Dans l’Italie de l’après-guerre avec l’arrivée de la télévision il s’insurge contre l’uniformisation, en particulier celle des langues.

Voir Pasolini essentiellement comme un homo n’est-ce pas réducteur ?

C’est certainement une facilité… Mais on ne peut pas soustraire son homosexualité de l’analyse du monde qu’il fait. Ce monde qui se transforme sous ses yeux et qui aboutit à nier diversité et différence. Pour Pasolini supprimer la multiplicité des parlers en Italie c’est s’attaquer aux personnes pour in fine les éliminer… La multiplicité des aspects de la vie, voilà ce qui le rend heureux.

Il plaide pour « le droit au scandale et pour le plaisir d’être scandalisé ». Pouvez-vous être explicite ?

Le scandale pour lui ce sont les deux blocs que constituent la Démocratie chrétienne et le parti communiste qui partagent la même morale de base à laquelle il lui fallait se confronter, lui le scandaleux… Il a ébranlé les colonnes du temple et dans l’effondrement a été englouti… C’était sa volonté.

Quel est son héritage artistique ?

Tous les artistes qui sont venus après lui lui doivent quelque chose. Il a ouvert le champ des possibles avec l’idée que le corps est fondamental. Avec sa sensibilité corporelle il a tout vécu dans son corps qui est écriture.

Son héritage politique ?

Il se revendique homme du passé contre les évolutions qu’il voit à l’œuvre dans la société de consommation. Je pense qu’il est conservateur d’une certaine manière … et anarchiste !

Son biographe, Renée de Ceccaty, voit en lui un visionnaire. Pourquoi ?

Quand il disait que marxisme et mystique chrétienne avaient de points communs c’était difficile à admettre à son époque. Maintenant on peut le comprendre mieux … Il s’approchait aussi de l’écologie avant la lettre avec un vison apocalyptique du monde…


Connaitrons-nous un jour ses assassins ?

Jamais… tant les investigations ont été faussées dès le début. Quant au massacre dont il a été victime et à la mise en scène qui en a découlé cela faisait l’affaire de trop de gens !

Propos recueillis par M. A-P
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