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Paris, Bruxelles, Bologne : Big Brother peut mal tourner

Tout fond de données numériques peut être couplé à un système liberticide ou coercitif,.....
Paris, Bruxelles, Bologne : Big Brother peut mal tourner

Tout fond de données numériques peut être couplé à un système liberticide ou coercitif, et toute conservation de données personnelles ou collectives rend possible le croisement de celles-ci à des fins indésirables ou malveillantes.


En Chine, la collecte, la conservation et l’exploitation numériques et généralisées de données personnelles ou collectives sont assumées et déjà bien rodées. Des objectifs sontaffichés : favoriser le civisme et l’honnêteté, compenser le déficit de contrôle social et familial qui se développe avec le déracinement des populations rurales et l'anonymat desgrandes villes et métropoles. Les autorités sont en mesure de capter des informations sur les comportements politiques, moraux et sociaux des individus, des collectivités publiques, des entreprises et des organisations, de sanctionner ce qu’elles estiment être impropre ou déviant, de récompenser ce qu’elles jugent être conforme ou méritant.
Partout dans le monde, des voix affirment à juste titre que quelle que soit la nature du régime politique qui les mettent en place, la collecte, la conservation et l’exploitation numériques et généralisées de données personnelles ou collectives menacent les droits et les libertés. En effet, même dans un régime démocratique, y avoir recours pour déterminer qui est « bon » ou qui est « mauvais » ouvre la porte à la création de « listes noires » dont il ne sera possible de s’extraire qu’en prouvant sa bonne foi ou son innocence, et au fait que la charge de la preuve incombant à l’accusation sera inversée. Pourtant la généralisation des pratiques de collecte, de conservation et d’exploitationnumériques et généralisées de données personnelles ou collectives prend aussi racine chez nous.
Par exemple : avec la multiplication des questionnaires à l’occasion de l’instruction de demandes de crédits ou de l’établissement de cartes de fidélité. Cette généralisation pourrait même devenir la norme aux niveaux global et local. D’autant plus que des intérêts économiques poussent à la roue.

Il faut être vigilant

L’an passé, la Commission européenne a révélé proposer « un cadre pour une identité numérique européenne qui sera disponible pour tous les citoyens, résidents et entreprises de l’Union Européenne ». S’il est mis en place, ce cadre pourra contenir nos données personnelles, ainsi que celles économiques, financière et fiscales des entreprises, et tous les documents afférents.
Il y a quelques mois, le groupe français Thales, un des leaders mondiaux de l'électronique notamment dans les domaines de la défense et de la sécurité, a présenté un « Digital Identity Wallet » (portefeuille d’identité numérique) pouvant permettre la centralisation de toutes nos données personnelles :état civil, permis de conduire, dossier médical, compte bancaire, signature…
Ces derniers jours, la ville de Bologne a annoncé qu’elle projette de récompenser ses habitants (attribution de points dont l’addition ouvrira droit à des avantages) qui téléchargeront un « smart citizen wallet » (portefeuille numérique citoyen) qui permettra de vérifier qu’il trient leurs déchets, utilisent les transports publics, économisent l’eau et l’énergie, ne reçoivent pas d’amendes de la municipalité.
Tous les acteurs qui préconisent la généralisation des pratiques de collecte, de conservation et d’exploitation numériques et généralisées des données personnelles ou collectives en soulignent la commodité (disposition permanente et en tous lieux d’informations ainsi que modifications ou transmissions facilitées de ces dernières, récompenses), rejettent une similitude avec le système chinois et entendent rassurer en précisant que détenir un portefeuille numérique restera facultatif. S’il convient d’être ouvert au progrès, il importe toutefois d’être vigilant car si empêcher « Big Brother » d’encore grandir paraît impossible et semble d’ailleurs être peu pertinent, il faut tout faire pour qu’il reste sympathique et fréquentable car il peut être conduit à devenir un « Bad Brother ».
En effet, tout fond de données numériques peut être couplé à un système liberticide ou coercitif, et toute conservation dedonnées personnelles ou collectives rend possible le croisement de celles-ci à des fins indésirables ou malveillantes de la part de régimes autoritaires ou d’individus ou organisations mal intentionnés.

Alexandra Sereni
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