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Ville Espace public , interview de Julien Paolini, Président de l'Agence d'Aménagement, d'Urbanisme et d'Energie de la Corse

L'attractivité des centres urbains en débat lors d'un colloque à Ajaccio
L’attractivité des centres urbains en débat lors d’un colloque

Organisé par l’Agence d’Aménagement, d’Urbanisme et d’Énergie de la Corse, le colloque « Ville et Espace public » s’est déroulé le 4 mai à Ajaccio. Une deuxième édition notamment axée sur la redynamisation commerciale des centres-villes.

« (Re)qualifier, gérer et pratiquer les espaces publics ».
Tel était le thème de la deuxième édition du colloque « Ville et Espace public ». Annulée depuis deux ans en raison du Covid, la manifestation a cette fois pu avoir lieu au Palais des Congrès d’Ajaccio. L’occasion pour différents intervenants (universitaires, urbanistes, élus) d’échanger sur la revitalisation commerciale des centres-villes. « Les idées évoquées étaient intéressantes », a confié Julien Paolini. Le président de l’Agence d’Aménagement, d’Urbanisme et d’Energie de la Corse (AUE) retient notamment « l’exemple de Libourne qui est une ville de taille inférieure à Ajaccio et qui s’appuie sur les trois piliers essentiels de la revitalisation : habitat, mobilité douce et espaces publics ».

En effet, la ville de Gironde située près de Bordeaux a été citée pour la requalification et la reconquête de son centre urbain. « Il y a 6-7 ans, on avait une vacance commerciale importante et un départ de la population du centre-ville vers la périphérie, a expliqué Jean-Philippe Le Gal, adjoint au maire de Libourne qui a participé au colloque. On a donc écrit un projet urbain sur 10 ans comprenant l’aménagement des quais et la volonté de créer des endroits piétons, très végétalisés, sans pour autant exclure la voiture. Aujourd’hui, cette politique de l’habitat ambitieuse, de reconquête commerciale et de mobilité commence à porter ses fruits. » Et l’adjoint au maire de Libourne d’ajouter : « On ne fait pas forcément la même chose à Ajaccio, à Libourne ou à Maubeuge. Simplement, on a à peu près les mêmes outils de reconquête de l’habitat. Soit on peut faire le choix de plutôt développer la périphérie et il y a des outils pour ça, soit on privilégie le centre-ville et il y a aussi des outils. Dans ces outils-là, il y a par exemple celui d’un front de mer qui peut être mis en scène. »

« Une habitude à créer »
À Ajaccio, c’est la Citadelle Miollis qui a été citée en exemple en termes d’urbanisme transitoire. Rachetée par la ville, elle accueille désormais du public mais est toujours en cours d’aménagement afin, là aussi, de redynamiser le centre-ville et d’offrir un nouvel espace à ses habitants. « En moins d’un an, le site a attiré 20.000 personnes », précise Diane Lambrushini, directrice de projets à la SPL Ametarra en charge de l’aménagement et de l’animation de la citadelle. Pour cette dernière, le défi constitue à y faire venir les Ajacciens : « On n’a pas de souci à faire venir les touristes. En revanche, c’est plus difficile d’attirer les Ajacciens, dans lesquels je m’inclus, car c’est un lieu dans lequel nous n’étions jamais allés auparavant car il était fermé au public. Il y a donc une habitude à créer et cela prend un peu de temps et passe par divers aménagements. »

Zones périurbaines
Afin de revitaliser les centres-villes, « d’autres leviers existent » dixit Elsa Martin. Maitre de conférence en sociologie urbaine à l’Université de Lorraine, elle s’est intéressée à la question de l’attractivité commerciale des centres urbains. « Celle-ci peut être discutable et pas forcément pérenne, analyse-t-elle. En effet, des aménagements urbains peuvent accompagner le retour des commerces en ville mais, en même temps, cette attractivité participe aussi à faire venir certains commerces, à polariser les espaces urbains et à créer des formes de hiérarchisation dans le centre-ville. Des rues sont alors plus attractives que d’autres et les commerçants le ressentent. D’ailleurs, certains ne s’interdisent pas de partir en périphérie où ils perçoivent une opportunité commerciale. » Ce qui contribue à réduire l’attractivité du cœur de ville au profit des grandes zones commerciales. Une périurbanisation qui est aussi due, selon Julien Paolini, à la « croissance démographique exponentielle qu’a connue l’île ces dernières années ». « On voit à quelle vitesse se sont développées ces zones urbaines et finalement les politiques publiques ont un peu subi cela, souligne le président de l’AUE. Il faut corriger le tir et on peut encore changer de modèle. Libourne en est l’exemple. »
             

Interview de Julien Paolini

« La même problématique en Corse qu’ailleurs »

Président de L’Agence d’Aménagement, d’Urbanisme et d’Energie de la Corse, Julien Paolini a participé à ce colloque sur la redynamisation des centres-villes. Pour lui, « tout l’enjeu consiste à penser une dynamique d’ensemble ».

Pour revitaliser les centres-villes, quelles idées avancées lors de ce colloque pourrait-on appliquer à une ville comme Ajaccio ?
L’exemple de Libourne, qui est une ville de taille inférieure à Ajaccio, est intéressant. L’adjoint au maire y a mené une politique ambitieuse en termes de requalification des zones urbaines dans cette ville qui avait de grandes difficultés à ce niveau-là. Une grande détermination politique et certaines innovations ont permis de changer de modèle en s’appuyant sur trois piliers essentiels pour la revitalisation qui pourraient être les mêmes ici : la mobilité douce, le logement et les espaces publics qu’il faut revitaliser et faire vivre afin qu’ils soient des lieux de rencontre. On a la même problématique en Corse qu’ailleurs.

À Ajaccio, la Citadelle Miollis est d’ailleurs en train d’être repensée et réaménagée avec le projet mené par la SPL Ametarra. Une première avancée vers la redynamisation du centre-ville ?
Oui. Cette zone a vocation à être demain une zone de centralité, de vie, de rencontre, notamment autour de la culture et d’événements artistiques avec un urbanisme transitoire, participatif, de manière à ce que les Ajacciens et les Corses en général s’approprient ce lieu emblématique qui peut être le phare de la ville dans les prochaines années.

L’un des défis est d’y attirer les Ajacciens qui semblent délaisser quelque peu le centre-ville…
Oui. Ces dernières années, on observe qu’avec la périurbanisation et ces grands centres commerciaux qui se sont développés en périphérie, on a eu un déplacement des habitudes des Corses. Ils vont dans ces zones-là faire du shopping, se promener ou passer le weekend plutôt que dans les centres-villes. Il y a notamment une attractivité chez les plus jeunes pour certaines enseignes que tout le monde connaît. Il y a donc un enjeu concernant la réappropriation des quartiers centraux, comme celui de la citadelle qui a été fermé pendant des années. Je crois qu’il y a un vrai maillage à penser. Il ne s’agit pas d’opposer les centres commerciaux périphériques et les centres urbains et les villages de l’intérieur. Il y a une dynamique d’ensemble à penser et c’est là tout l’enjeu. D’ailleurs, la Collectivité de Corse est en train de travailler avec l’Agence d’Urbanisme sur un rapport concernant la contractualisation des territoires urbains afin de penser leur aménagement. Ce qui a fait un peu défaut ces dernières années. Le rapport devrait être présenté à l’Assemblée de Corse lors de la session de juin ou de juillet.

Cela signifie-t-il que l’on n’a pas assez pensé le développement de nos villes ?
Je pense qu’on l’a trop subi. Il n’y a pas eu de stratégie prospective sur le développement du périurbain et de l’urbain. On a également subi une croissance démographique exponentielle, notamment en Corse. Si on la compare à celle du Contient, on voit à quelle vitesse se sont développées ces zones urbaines et finalement les politiques publiques ont un peu subi cela. Il s’agit de corriger le tir. Le constat est alarmant avec une tâche urbaine et des impacts architecturaux et environnementaux importants. Néanmoins, on peut encore changer de modèle, comme à Libourne. Et nous allons nous atteler à le faire le plus rapidement possible.



A.S

  

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