• Le doyen de la presse Européenne

Le peuple corse : une force toujours en mouvement

L'HIstoire de la Corse fgrançaise commence par une conquête qui ^pour avopir été rude, l'a été mille fois ............

Le peuple corse : une force toujours en mouvement


L’histoire de la Corse française commence par une conquête qui pour avoir été rude, l’a été mille fois moins que la guerre de Vendée et même que la lutte menée à la même époque par la Ferme générale contre l’armée de contrebandiers menée par Mandrin. Toutefois, elle a été traumatisante parce que la Corse appartenait culturellement à l’ensemble italique et que la France, tout au moins celle de Versailles, en différait sur beaucoup de points à commencer par la langue. Mais les nationalistes corses de l’entre-deux-guerres oubliaient qu’une partie du royaume de France était lui aussi pétri de cette italianité et qu’un territoire plus vaste encore était en partie étranger à la France centrale. Marseille qui abritait déjà des dizaines de milliers d’insulaires ne possédait pas les mêmes caractéristiques socioculturelles que la Flandre française ou que la Bretagne. À l’époque, Rousseau note qu’à Besançon on parle encore une langue d’origine germanique. Mirabeau, qui participa à la conquête de la Corse, se vantait de ses origines insulaires. Enfin, l’histoire paoliste présentée aujourd’hui comme celle de la Corse, n’était pas celle d’une majorité d’insulaires hostile au général, notamment dans le sud de l’île. Quant au paysan qui ne parlait que le corse, il s’efforçait de survivre en suivant son propre chef, le plus souvent ignorant de la stratégie des capizzoni.


La véritable rupture


La véritable rupture avec le monde italique se situe au milieu du XIXe siècle quand Jules Michelet, qui définit l’histoire « comme une résurrection », écrit son roman national. Son projet vise à réconcilier les différentes périodes de l’histoire de France quitte à bousculer quelques vérités. Il rompt alors avec l’idée essentielle de la Renaissance : le Moyen-Âge aurait été une période obscure occultant la continuité avec le monde gréco-latin. Michelet veut démontrer la cohérence d’une France éternelle sans rupture d’époque. Avec la Restauration commence la francisation de la Corse qui n’aboutit réellement qu’avec le Second Empire. Pour l’élite corse surtout nordiste d’ailleurs, c’est une mutilation linguistique et culturelle. Pour le commun, ça n’est guère plus traumatisant que ce qui se passait dans toutes les campagnes de France. Le paysan breton bretonnant, ou l’alsacien et plus encore le Savoyard ou le Niçois, connaissait en une situation similaire causée par la naissance d’un ensemble français homogène. C’était d’ailleurs une situation identique dans l’Italie du Risorgimento quand le Calabrais, le Sicilien ou le Sarde ne se sentait appartenir au même peuple que le Vénitien ou le Milanais.

Une politique nuancée


Néanmoins, la politique de la France envers la Corse fut plus nuancée qu’on ne le présente généralement et pour tout dire sans grande intelligence. Elle alterna un paternalisme anesthésiant et une sévérité excessive sans chercher à comprendre le psychisme des insulaires. En faisant preuve de plus d’observation et de moins de morgue, la France se serait épargné beaucoup de drames. Elle gouverna en Corse en achetant les élites à coups de places honorifiques, de subventions souvent ruineuses et de postes de fonctionnaires bien répartis. Cette tendance devint une généralité avec la IIIe République et elle n’a jamais changé. Elle a acheté ceux qu’elle pensait pouvoir décider de la paix sociale. Elle l’a fait avec les clans anciens, mais aussi les nouveaux c’est-à-dire les nationalistes. L’état central a créé une polyphonie bruyante qui joue sur l’ambiguïté des slogans repris en écho par les responsables locaux. « Statut spécial » « Autonomie » « Constitution ». Beaucoup de cris et de fureur qui servent à la recherche de moyens financiers et politiques toujours plus importants qui profitent à une élite locale sans profiter à la grande masse du peuple.

Une identité façonnée par la terre


L’identité d’un peuple, cette réalité mouvante, est façonnée par sa terre, ses paysages, son relief et son climat. Le peuple corse a traversé durant son histoire des catastrophes autrement plus cruelles que la tutelle française : l’époque romaine durant laquelle il a été en grande partie remplacé par la colonisation, les invasions barbares, la tutelle pisane puis le talon de fer génois. Et pourtant ce peuple corse est toujours bel et bien là puisqu’il continue de bouger, de gueuler, de revendiquer. Il le doit à sa terre et à rien d’autre.

Ce sont ces éléments qui forment la matrice de l’humain et non le contraire. La Corse est celle de l’homme corse dans le moment et en devenir. Il est absurde de prétendre que son identité serait menacée à moins que l’on ne considère l’identité comme la photographie d’un instant T. Je crois à la force du sol contre celle du sang. Il est d’ailleurs parfois comique que des Corses dont les ancêtres se sont installés dans l’île deux ou trois décennies auparavant donnent des leçons d’histoire version nationaliste à d’autres Corses présents ici depuis des temps immémoriaux. Il suffit de regarder le patronyme de bon nombre de nationalistes pour s’en convaincre. Et encore n’est-ce que la face apparente de notre communauté de destin puisque des Corses comme moi possèdent une mère continentale ou étrangère. C’est pourtant paradoxalement la preuve que le peuple corse est bien vivant.

Bien que différente à chaque étape de son histoire, le peuple est guidé par cette éternité qu’on appelle l’âme et qui lui permet d’assimiler les différentes vagues d’immigrés en restant lui-même. Il n’existe pas de grand remplacement : seulement le mouvement perpétuel de la vie qui fait ressembler l’humanité à une mer parfois calme, parfois agitée, mais jamais immobile. Et chaque vague apporte son lot de mutations. Le métissage est la grande loi du Vivant et l’homme corse n’y fait pas exception.

Une dualité indispensable


Nous observons en Corse une dualité géologique qui donné sa complexité au peuple corse. Au Nord, le terrain est schisteux tandis qu’au Sud il est granitique. Ces paysages si différents et délimités par une chaîne centrale de montagnes, véritable colonne vertébrale de l’île, ont produit deux types de sociétés contrastées qui divorcèrent historiquement au XIVe siècle. Au nord, fortement influencée par les modèles ligures et toscans, et grâce à une modeste accumulation de richesses, une classe de notables a réussi à s’imposer face aux féodaux et demanda la protection de Gênes, cité républicaine, bancaire et oligarchique. Au sud, la situation fut plus confuse. Des féodaux furent bousculés par des chefs de village qu’on appela les caporali, mais qui ne parvinrent pas à détrôner les seigneurs. Au nord, naquit a terra di e cumune, a terra di e cumune, la terre des communes et au sud a tarra di i signori, la terre des seigneurs.

Cette séparation, bien que forcément simpliste, a perduré jusqu’à nos jours puisqu’avant la victoire des nationalistes, jusque dans la représentation politique. Le clan radical de gauche dit des « Blancs », descendant des républicains, tenait la Terre des communes tandis que celui de la droite dit des « Noirs », issu du bonapartisme, affirmait son assise dans le Sud.

Le fonctionnariat, l’armée et les salaires réguliers, les avancées de la médecine, le vote démocratique ont profondément changé la société corse comme elle a changé toutes les sociétés paysannes des pays européens. Mais qui s’en plaindrait ? Hier l’enfant n’avait de valeur que pour sa force de travail pour les garçons. Les filles étaient des charges à doter. Ils sont devenus des êtres à part entière pour lesquels le sacrifice de la scolarité valait d’être tenu. Des familles de dix enfants, on est descendu à deux ou trois à qui on pouvait payer des études. Les filles ont trouvé une place plus juste dans la société. Qui s’en plaindrait ?

Mais par-dessus tout, il est vain de vouloir figer l’histoire d’un peuple. Son identité, comme celle d’une personne, ne réside pas dans ses chants, son habillement ou même sa langue. Qui pourrait être défini par la couleur de ses yeux, par sa façon de rire, par son caractère ? Un être est évidemment tout ça, mais bien plus surtout. Il en va de même pour le peuple.

On ne peut s’opposer à la roue de l’histoire sans prendre le risque de le mutiler. Il est toujours possible d’imposer des normes religieuses, culturelles, mais alors on a créé une dictature idéologique. Cela ne signifie pas que tout changement soit positif, mais le changement est nécessaire pour que la vie continue. L’immobilité est pire que la mort : c’est la putréfaction sur place.

GXC

Partager :