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Pays Basque : le Parquet National Antiterroriste joue contre la paix

Le traitement politico-juridiciaire infligé à deux prisonniers basques, Jakes Esnal et ion Parot, ......
Pays Basque : le Parquet National Antiterroriste joue contre la paix

Le traitement politico-judiciaire infligé à deux prisonniers basques, Jakes Esnal et Ion Parot, qui sont derrière les barreaux depuis plus de trente ans, relève du refus d’écrire une nouvelle page.

Le 4 mai 2018, après un processus d’apaisement puis de désarmement ayant débuté en 2011, l’organisation clandestine indépendantiste basque ETA (Euskadi ta Askatasuna) qui avait mené des dizaines d’années de lutte armée contre l’Etat espagnol, a officiellement annoncé sa dissolution. La question des militants ETA emprisonnés n’a cependant pas été réglée. Elle est restée soumise au bon vouloir des gouvernements et juridictions des États français et espagnol.
Aujourd’hui, côté État français, le bon vouloir n’a pas débouché sur la volonté de mettre un point final. Ainsi le traitement politico-judiciaire infligé à deux prisonniers septuagénaires, Jakes Esnal et Ion Parot, qui sont derrière les barreaux depuis plus de trente ans, rappelle malheureusement celui que subit une partie des membres du « Commando Erignac » (voir le récent appel du Parquet National Antiterroriste visant à interdire à Pierre Alessandri de bénéficier d'un régime de semi-liberté). Concernant Jakes Esnal, le 24 septembre 2020, le Parquet National Antiterroriste ayant fait appel, la Chambre d’Application des Peines de la Cour d’appel de Paris a annulé la mise en liberté conditionnelle qui avait été accordée à l’intéressé le 12 mai 2020. Ayant été saisie par la défense, le 10 mars dernier, la Cour de Cassation a renvoyé l’affaire. Réunie le 19 mai dernier selon une nouvelle composition, la Chambre d’Application des Peines de la Cour d’appel de Paris a alors dû réexaminer le dossier. La décision sera connue le 9 juin prochain. Concernant Ion Parot, le 13 mai dernier, la Chambre d’Application des Peines de la Cour d’appel de Paris a étudié la sixième demande de libération conditionnelle de l’intéressé. Le Parquet National Antiterroriste a fait connaître son opposition. La décision sera connue le 15 juin prochain.

Une situation de blocage inacceptable

Ion Parot et Jakes Esnal ne sont certes pas des détenus ordinaires. Au sein de l’ETA, ils ont appartenu au commando itinérant Argala, composé de militants de nationalité française, qui a porté des coups aussi sévères que douloureux à la police et à l’armée espagnole. En effet, avant l’arrestation de ses membres en 1990, le commando Argala aurait commis une vingtaines d’attentats ayant occasionné la mort de 38 personnes.
Cependant, selon les avocats des deux militants et de nombreux Basques, la justice étant passée, plus de trois décennies de peine de prison ayant été effectuées et ETA s’étant dissoute, l’heure est venue d’écrire une nouvelle page. Et que l’État français n’aille pas dans ce sens, leur paraît relever d’un esprit non pas de justice et de respect des victimes mais de vengeance et d’absence de volonté de conforter la paix. « L’acharnement du Parquet National Antiterroriste, expression d’une volonté délibérée et systématique de s’opposer au processus de paix en cours depuis des années au Pays Basque, nous conduit à dénoncer une situation de blocage inacceptable » a notamment déploré l'association Bake Bidea (Chemin de la paix), composée d'élus politiques et d’acteurs de la société civile du Pays Basque Nord, qui milite depuis des années en faveur d’une paix juste et durable. Une autre association, les Artisans de la paix, qui compte des « volontaires » issus de l’ensemble de la société du Pays Basque Nord, faisant allusion à l’assassinat d'Yvan Colonna et dénonçant elle aussi une situation de blocage, a prévenu : «Nous ne nous résignerons jamais à accepter qu'une issue tragique en soit le dénouement. » Depuis des mois, ces deux associations mènent d’ailleurs des actions de sensibilisation et de mobilisation pour inciter l’État français à agir en conformité avec ces paroles prononcées par Emmanuel Macron, en mai 2019, lors de sa venue à Biarritz : « La question basque est un vrai sujet à mes yeux […] Le Pays Basque est pour moi un exemple, quand je regarde ces dernières années, de résolution d'un conflit et de sortie des armes […] Le devoir de l’Etat est d’accompagner le mouvement […] Nous ne devons pas faire bégayer l'Histoire, il faut l'accompagner. »



Alexandra Sereni

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