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La réalité criminelle de la Corse

La Corse est terre de fantasmes qui explosent dans tous les sens. Parfois nous nous honorons de faits qui n’ont jamais existé alors que nous cachons ce qui pourrait réellement nous rendre fiers.
La Corse est terre de fantasmes qui explosent dans tous les sens. Parfois nous nous honorons de faits qui n’ont jamais existé alors que nous cachons ce qui pourrait réellement nous rendre fiers. Par exemple, nous tenons absolument à être les pionniers du vote des femmes au XVIIIe siècle (ce qui est historiquement faux) mais aujourd’hui nous répétons comme un mantra que nous sommes l’un des territoires les plus criminogènes de la planète. Les deux comités anti-mafias, aussi honorables soient-ils, se sont appuyés sur des chiffres qui méritent d’être corrigés. La Corse est une terre sécure pour la plupart des personnes qui y habitent et l’année 2019 a été une année particulièrement peu sanglante même si elle a été celle d’un réveil citoyen à l'occasion du choc créé par l'assassinat de Massimu Susini.

Un taux comparable au taux national


L’idée que la Corse serait un des territoires les plus dangereux au monde vient des rapports écrits par les préfets à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. Les raisons étaient à la fois objectives : à cause du banditisme on se tuait beaucoup dans l’île et le taux d’assassinats était supérieur à celui du département de la Seine. Mais aussi subjectives : les préfets devaient justifier l’emploi de très nombreux gendarmes payé en campagne simple (le double du gendarme continental). Dans la période moderne, le taux d’assassinats a culminé en Corse en deux occasions : la grande guerre des cigarettes avec comme point culminant le Combinatie (30 victimes sur 20 ans toutes issues du grand banditisme) et la guerre intranationalistes des années quatre-vingt-dix (une quinzaine de morts directs et le double en périphérie). Concernant le taux d’élucidation réputé être proche du néant, là encore il faut revoir sa copie. Selon des chiffres officiels, il y a eu en Corse entre 2004 et 2019, 451 homicides ou tentatives, dont 292 faits considérés comme "élucidés", soit un taux de 64,75 %. Pour la police, un fait est classé "élucidé" dès qu'il y a eu des mises en examen - avant tout procès et donc toute condamnation ou acquittement des mis en examen. Sur la foi de cet indicateur, le taux d'élucidation des homicides en Corse est sensiblement comparable au taux national : 82 % en 2017, contre 78 % au niveau national ; 75 % en 2018, contre 82 %.

Comparer ce qui est comparable


Le problème des statistiques est qu’elles sont trompeuses. La Corse est un petit territoire faiblement peuplé. Les statistiques y sont mécaniquement gonflées quand on les compare à celles de la France dont la population est vingt fois supérieure. Une famille de six personnes est détruite à 50 % si dans un accident où trois de ses membres meurent. Il est difficile d’accoler ce chiffre à celui d’une ville peuplée de 200 000 personnes où 50 % représenteraient 100 000 morts. Depuis 2017, la Corse a connu 29 homicides, dont 13 sont considérés comme des règlements de compte le reste étant le résultat de disputes ou de drames passionnels. La particularité de la Corse est d’avoir un pourcentage important de règlements de compte par rapport à la totalité des meurtres. Sur les 29 homicides 17 ont été résolus mais seulement quatre sur les 13 règlements de compte. Les "professionnels" du crime prennent leurs précautions et les crimes liés à l'affairisme ou la criminalité organisée sont beaucoup plus complexes : le tireur n'est pas nécessairement lié à la victime, les scènes de crime peuvent être nettoyées.

Un taux relatif

Cette lenteur nécessaire à l'exercice serein de la justice renforce le sentiment - que les autorités ne parviennent pas à protéger ceux s'élevant contre les bandes criminelles. Or la justice se transforme et reconnaît désormais le statut de repenti. Il n'existe à ce jour qu'un seul repenti et il est corse. Même si rapporté à la population des deux départements de la Corse, le chiffre des homicides commis dans l’île depuis 1996 est le plus important de l’ensemble national en valeur absolue, les statistiques enregistrées dans les Bouches-du-Rhône, département en tête du classement français avec 1 286 homicides en dix-neuf ans (dont 274 règlements de comptes), suivi de près par Paris (1 012 homicides pour la même période). Cependant en valeur relative (valeur contestable encore une fois), avec des ratios respectifs de 3,81 et 2,77 faits constatés pour 100 000 habitants, la Corse continue de caracoler en tête avec à 6,5 homicides pour 100 000 habitants et 436 affaires de meurtres et d’assassinats comptabilisées depuis 1996. C'est trop et il est bon que les citoyens s'indignent et exigent des résultats. Mais il faut aussi que les citoyens contribuent par leur attitude active à de tels résultats. C'est en quoi l'existence des deux collectifs est un évènement heureux. Premier résultat : désormais bon nombre de dossiers corses qui étaient déjà traités par la JIrs de Marseille vont désormais être envoyés à Paris. Comme l'anti terrorisme. Une telle centralisation est-elle efficace et surtout sera-t-elle profitable à la société corse ? À voir.
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