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Visite du président de la communauté autonome basque : l'indépendantisme a cassé l'ambiance !

Une ambiguité da la démarche autonomiste PNV
Visite du président de la Communauté autonome basque : l’indépendantisme a cassé l’ambiance

En acteur politique aussi avisé que mâdré, Paul-Felix Benedetti n’a peut-être pas voulu manquer l’occasion de mettre le doigt sur l’ambiguïté de la démarche autonomiste PNV dont Gilles Simeoni et Femu a Corsica disent s’inspirer.



Le 13 avril 2021, un Mémorandum de coopération entre la Communauté autonome du Pays Basque et la Collectivité de Corse a été signé par Iñigo Urkullu, le président de la Communauté autonome, et Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de Corse. La récente visite en Corse du dirigeant basque a représenté un prolongement concret de cette signature et une confirmation que les deux dirigeants entendent développer des échanges d’expérience ainsi que des démarches communes autour de problématiques socio-économiques et culturelles, et également dans le cadre d’enjeux politiques et institutionnels.

Cette visite a naturellement revêtu une grand intérêt politique dans la perspective de discussions portant sur l’instauration d’un statut d’autonomie pour la Corse, entre d’une part, les représentants politiques et les forces vives de l’île, et d’autre part, le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin et le ministre délégué en charge des collectivités territoriales Christophe Béchu représentant tous deux l’État. L’ouverture de ces discussions a d’ailleurs été confirmée par un courrier en date du 27 mai dernier que Gérald Darmanin a adressé à Gilles Simeoni et dans lequel il est précisé : « Le président de la République et la Première ministre m'ont confirmé leur intention de poursuivre, sous mon autorité, le cycle de discussions initié courant mars à l'occasion de mon déplacement en Corse. En raison des contraintes électorales, je vous propose de tenir fin juin une première réunion. »
L’intérêt politique de la visite d’Iñigo Urkullu a été d’autant plus grand que le président de la Communauté autonome basque a une grande expérience des discussions avec un État, l’Espagne, qui est un interlocuteur au moins aussi difficile que l’État français. Lors de sa visite, Iñigo Urkullu a par ailleurs été un excellent VRP de l’autonomie. Dans l’hémicycle de l’Assemblée de Corse et lors d’autres rencontres, il s’est adressé à différents acteurs, notamment les élus de l’Assemblée de Corse, les représentants de la Chambre des Territoires, du Conseil Économique, Social et Culturel de la Corse, de l’Assemblea di a Ghjuventù et des chambres consulaires. Et, en ces occasions, se fondant sur l’expérience basque, il a exposé en quoi l’autonomie servait la survie et l’harmonie de la société, favorisait l'activité et la prospérité économiques des entreprises et des collectivités publiques, permettait à la communauté autonome d’avoir un rayonnement international, autorisait la mise en œuvre de politiques spécifiques dans des domaines aussi variés que la promotion des langue et culture basques, la transition énergétique, la protection environnementale, le numérique, les politiques démographique, sanitaire et sociale… Gilles Simeoni et plus globalement les élus de la majorité territoriale n’ont pu qu’apprécier ce précieux concours.
Il est une autre expérience évoquée par Iñigo Urkullu qu’ils ont probablement dû aussi considérer avec intérêt, c’est l’approche parla formation politique de leur hôte, le Parti Nationaliste Basque (PNV), des relations avec l’Etat espagnol et certains partis politiques espagnols. En effet, avec ces interlocuteurs, tout comme d’ailleurs le gouvernement basque, pour grappiller des transferts de pouvoir vers le communauté autonome, le PNV use généralement du pragmatisme (préférence donnée au compromis, rejet du rapport de force) et parfois de l’alliance de circonstance (députés PNV soutenant le gouvernement espagnol aux Cortès lors de votes vitaux). Dans le cadre de cette approche, durant une certaine période, le PNV a même affiché une vive opposition a la lutte armée d’ETA et à la gauche indépendantiste basque qui soutenait l’organisation clandestine. Pour justifier sa démarche pragmatique, le PNV assure qu’elle est de nature à persuader l’Espagne d’opter un jour pour une structure étatique plus décentralisée et de contribuer à « la construction d’une Europe des régions »

Des critiques très dures


Messages bien reçus ! « Nous avons beaucoup à apprendre » a déclaré la présidente de l’Assemblée de Corse Marie-Antoinette Maupertuis. Il y a «des enseignements concrets à tirer » a souligné Gilles Simeoni.
La visite de Iñigo Urkullu à l'Assemblée de Corse n’a cependant pas suscité l’enthousiasme chez tout le monde, et ce, notamment dans les rangs du groupe d’élus Core In Fronte siégeant à l’Assemblée de Corse. S’exprimant au nom du groupe, Paul-Félix Benedetti a cassé l’ambiance. Il a en effet formulé des critiques très dures à l’encontre de la politique des autonomistes basques , leur reprochant notamment de rester soumis au bon vouloir de l’Etat espagnol : « En tant qu’indépendantiste, je regrette que les autonomistes basques aient préféré la féodalité à Madrid plutôt que de tendre la main à leurs frères indépendantistes qui ont une représentation très forte avec 21 députés et vous-mêmes 31.
Vous avez besoin d’accompagner un processus de paix, un processus historique et de tendre la main aux indépendantistes au nom de vos deuils communs, de vos drames. Les fractures amoindrissent la portée politique. Au niveau international, vous ne vous positionnez pas comme le font les Catalans. Qui, eux, montrent une aspiration à l’indépendance. Vous pourriez pourtant vous inscrire dans une logique de souveraineté pleine et entière qui aiderait pour proposer une Europe des régions. » Le leader de Core in Fronte a aussi indiqué déplorer le sort de « 243 détenus basques dans les prisons françaises et espagnoles malgré l’abandon de la lutte armée ». Cette intervention a manqué de courtoisie ou a, pour le moins, relevé du « dialogue franc et direct » qui, dans le jargon diplomatique, désigne l’expression polie de désaccords ou d’antagonismes. On peut aussi relever que le leader de Core in Fronte a éludé le réchauffement intervenu ces derniers mois au Parlement basque, entre le PNV et EH Bildu, la coalition de la gauche indépendantiste basque ; réchauffement qui a été été mentionné et longuement expliqué dans l’hebdomadaire nationaliste basque Enbata en janvier dernier.
Cette omission a probablement été voulue, et ce, pour au moins deux raisons. La première est que le PNV ne s’est résigné à ce réchauffement et à l’inflexion de certains de ses choix budgétaires que par esprit tacticien, pour éviter que se forme un front de gauche (EH Bildu, Parti Socialiste Ouvrier Espagnol du Pays Basque, gauche alternativePodemos) contre sa politique jugée trop libérale. La seconde raison a sans doute été déterminée par l’antagonisme entre Femu a Corsica et les autres composantes de la mouvance nationaliste corse. En effet, en acteur politique aussi avisé que mâdré, Paul-Felix Benedetti n’a peut-être pas voulu manquer l’occasion de mettre le doigt sur l’ambiguïté de la démarche autonomiste PNV dont Gilles Simeoni et Femu a Corsica disent s’inspirer
.En pilonnant la démarche du PNV, Paul-Felix Benedetti a peut-être aussi voulu signifier que pour Core in Fronte, les discussions et un éventuel accord avec l’Etat portant sur l’autonomie dans le cadre du processus Macron Darmanin, ne serait qu’une avancée et non une solution définitive et que l’indépendantisme considère la Corse comme étant une nation ayant vocation à être souveraine et non comme un région française.

Pierre Corsi






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