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Italie : Matteo Salvini, les pieds dans le tapis

Matteo Salvini : les pieds dans le tapis
Italie : Matteo Salvini : les pieds dans le tapis

De faux pas en pieds dans le tapis, Matteo Salvini a fini par trébucher et s’étaler de tout son long. Pour parvenir à se relever, il va devoir réapprendre à marcher à droite et droit.

Il y a quatre ans, rien ne semblait pouvoir arrêter la marche vers le pouvoir de Matteo Salvini. Celui que ses partisans appellent « Il Capitano » avait même presque fait oublier Umberto Bossi qui, au début des années 1990, avait fondé la Lega Lombarda devenue ensuite la Lega del Norte. Après avoir succédé au père fondateur, Matteo Salvini avait relancé son parti qui était en perte de vitesse, en renonçant à revendiquer une plus grande autonomie voire l’indépendance de la Padanie (Nord de l’Italie), en optant pour une ligne politique souverainiste et identitaire à l’échelle de l’Italie, et en dénonçant l’immigration et l’intégration de l’Italie à l'Union Européenne. Les bons résultats électoraux avaient suivi. A l’occasion des élections générales de mars 2018, la Lega del Norte avait obtenu 17,35% des suffrages exprimés. Ce résultat en avait fait le premier parti de la droite italienne devant Forza Italia, le parti libéral de Silvio Berlusconi (14%), et Fratelli d’Italia, parti nationaliste d’inspiration néo-fasciste (4,3%). En conséquence, en juin 2018, Matteo Salvini, qui avait été élu sénateur, avait été nommé vice-président du Conseil des ministres et ministre de l'Intérieur du gouvernement constitué par Giuseppe Conte, un des leader de 5 Stelle, mouvement populiste qui était alors la principale force électorale d’Italie (32,68%). En 2019, ayant été renommé la Lega, le parti de Matteo Salvini est arrivé en tête des élections européennes, devançant de 12 points le Partito Democratico, de centre-gauche et principal parti de la gauche italienne, et de 17 points 5 Stelle, et a fortement progressé lors des scrutins régionaux.

Deux faux-pas

En août 2019, après des désaccords répétés avec 5 Stelle et des sondages créditant son parti de 36 à 38 % des intentions de vote, Matteo Salvini a provoqué la chute du gouvernement Conte et appelé à des élections législatives anticipées. Un accord inattendu entre 5 Stelle et le Partito Democratico (centre gauche) pour former un nouveau gouvernement Conte et ainsi empêcher la tenue d'élections anticipées, a mis en échec Matteo Salvini. Mais, après ce faux-pas, il a très vite rebondi. En octobre 2019, il a été à l’initiative de grandes manifestations qui ont réuni des centaines de milliers de partisans de la Lega, de Forza Italia et de Fratelli d’Italia pour demander l’organisation d’élections générales anticipées. Le même mois, les élections en Ombrie, région administrée par la gauche depuis un demi-siècle, ont donné lieu à une large victoire de la droite et à une forte dynamique de la Lega (37 % des voix), ce qui a rétabli la position et l’image d'homme fort de Matteo Salvini. Cette victoire a aussi permis à ce dernier de croire en la possibilité d’imposer des élections anticipées si la droite l’emportait en janvier 2020, en Émilie-Romagne, région gouvernée par la gauche depuis 1945. Mais la Lega et ses alliés (Forza Italia, Fratelli d’Italia) ont été défaits. Ce qui a renforcé le gouvernement Conte et contraint Matteo Salvini à renoncer à l’idée d’imposer des élections générales anticipées. Ce deuxième faux-pas été suivi d’une série d’épisodes à l’occasion duquel Matteo Salvini s’est carrément pris les pieds dans le tapis.

Pieds dans le tapis

Au début de l’année 2020 marquée par la meurtrière pandémie Covid-19, Matteo Salvini a hésité entre deux préconisations : tout fermer pour freiner la propagation du virus, liberté de circuler pour préserver la vie économique. En février 2021, après la chute du deuxième gouvernement Conte, Matteo Salvini et la Lega ont brusquement changé de cap. Ils ont décidé, tout comme Forza Italia, de faire partie, aux côtés du Partito Democratico et de 5 Stelle, du gouvernement formé par le technocrate européen Mario Draghi, et cela s’est fait sur fond de renoncement de la Lega à son hostilité à l’Union Européenne. Tout ceci a désorienté et déçu de nombreux militants, sympathisants et électeurs du parti et terni l’image d’IlCapitano. Cette image a aussi souffert de démêlées de l’intéressé avec la Justice. Les fans de Mattteo Salvini ont en effet été choqués par l’ouverture d’une enquête portant sur l’utilisation abusive d’avions et d’hélicoptères de l'État quand Matteo Salvini était ministre. Enfin, en janvier dernier, àl’occasion de l’élection du président de la République italienne, Matteo Salvini s’est perdu dans des combinaisons politiciennes. Espérant que si l‘intéressé était élu, son départ de la présidence du Conseil et la chute du gouvernement qui s’ensuivrait ouvriraient une crise politique et conduiraient à des élections générales anticipées, il s’est impliqué dans des manœuvres visant à convaincre Mario Draghi de se porter candidat à la présidence de la République. La manœuvre a échoué. Pire encore, elle a fortement contribué à une division de la droite ayant permis la réélection du président sortant Sergio Mattarella, un modéré réputé hostile à la droite. Matteo Salvini s’est ainsi attiré les foudres de Forza Italia et surtout celles de Giorgia Meloni, leader du parti Fratelli d’Italia.

Il Capitano a trébuché

De faux pas en pieds dans le tapis, Matteo Salvini a fini par trébucher et s’étaler de tout son long : à l’occasion du premier tour des élections municipales qui a eu lieu ces derniers jour, ayant tiré profit des erreurs d’Il Capitano et aussi d’être le seul parti de droite ayant refusé d'intégrer le gouvernement de Mario Draghi, Fratelli d’Italia a arraché à la Lega le leadership de la droite ; la Lega, qui est aussi dénommée Lega Salvini Premier depuis fin 2017, a globalement subi une véritable déroute en réalisant des scores inférieurs à 10 % dans la plupart des villes de plus de 15 000 habitants, Pour parvenir à se relever, Il Capitano va devoir réapprendre à marcher à droite et droit.

Alexandra Sereni
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