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Conditions de détention : la France au ban de l'Europe

Le 30 janvier dernier 2020, la France était condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme pour l'indignité de ses prisons.....
Conditions de détention : la France au ban de l’EuropeLe 30 janvier 2020, la France était condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour l’indignité de ses prisons et sommée de prendre des mesures pour y mettre un terme. Le 30 mai de la même année, cette condamnation devenait définitive. Deux ans après, rien n’a changé.

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structurel de moyens matériels et humains de l’institution pénitentiaire explique sans doute en grande partie les manquements de deux fonctionnaires de la prison d’Arles qui ont été révélés par le rapport de l'Inspection Générale de la Justice relatif aux circonstances ayant conduit à l’assassinat d’Yvan Colonna. L’état des prisons françaises estconstitutif d’une scandaleuse situation humanitaire et sociale. Cette situation a été d’ailleurs été mise en exergue et condamnée au niveau international. Le 30 janvier 2020, la France a été condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour l’indignité de ses prisons et sommée de prendre des mesures pour y mettre un terme. Le 30 mai de la même année, cette condamnation est devenue définitive. Deux ans après, période durant laquelle Yvan Colonna a été assassiné, rien n’avait vraiment changé. C’est ce qu’a révélé le rapport « Dignité en prison. Quelle situation deux ans après la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme ? » publié en juin dernier par l’Observatoire International des Prisons avec le soutien d’Amnesty International. Ce document dresse un bilan accablantsdont voici les principaux enseignements.


Établissements indignes / 45 établissements pénitentiaires ont été considérés par des décisions judiciaires comme exposant les personnes détenues à des traitements inhumains ou dégradants.

Surpopulation / 71038 personnes étaient détenues dans les prisons françaises au 1er mai 2022. Ce chiffre est plus élevé que celui qui avait contribué à faire condamner la France par la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Cette situation maintient les personnes détenues dans des conditions indignes. Les maisons d’arrêt sont les plus affectées.Leur taux d’occupation moyen était de 138,9%. Au total, près de 18 000 personnes étaient enfermées dans des établissements occupés à plus de 150% et 40 598 dans des établissements occupées à plus de 120%. Soit plus d’un détenu sur deux (57%).

Non séparation des différentes catégories de détenus / Il convient en principe de séparer les prévenus des condamnés ainsi que les détenus « n’ayant pas subi antérieurement de peine privative de liberté» de ceux «ayant déjà subi des incarcérations multiples ». Il est aussi prévu d’éviter de placer dans une même cellule des détenus majeurs de moins de 21 ans avec d’autres majeurs. La surpopulation interdit trop souvent ces séparations.

Tensions et violences / Les tensions et violences sont inhérentes à l’univers carcéral. Elles sont exacerbées par la surpopulation. Cela concerne particulièrement les maisons d’arrêt à l’exiguïté des cellules s’ajoute la cohabitation de plusieurs personnes 22 h 00 sur 24 h 00. Fin 2021 et début 2022, plusieurs mouvements de protestation de surveillants ont d’ailleurs dénoncé la multiplication des incidents en détention et fait leur le slogan : « Surpopulation = Promiscuité = Conflits = Insécurité ».

Infrastructures vétustes / En 2017, la Commission des lois du Sénat avait relevé que plus d’un tiers des cellules étaient considérées comme vétustes et que cela avait pour cause l’ancienneté de certains bâtiments, les défauts de conception ou de réalisation des constructions les plus récentes, le manque d’entretien régulier et la surpopulation. En 2022, rien n’a vraiment changé. Ont notamment été relevés : des cellules aux murs décrépis et fissurés, des équipements sanitaires détériorés ou d’un autre âge, des bâtiments thermiquement mal ou non isolées, des espaces insuffisamment ventilés, des systèmes de chauffage anciens, sous dimensionnés ou délabrés.

Insalubrité, hygiène défaillante, présence de nuisibles / A la crasse et au manque d’hygiène relevant du manque d’entretien, dans nombre d’établissements s’ajoute la présence invasive de nuisibles dans les cellules, les espaces collectifs et les circulations (rats, cafards, punaises, puces). Cette situation outre être constitutive de conditions de vie indignes, concourt à l’aggravation des problèmes de santé.

Inactivité forcée et endémique / Selon le Conseil de l’Europe, les personnes détenues devraient pouvoir accéder à des activités hors de leur cellule au moins 8 h par jour. En moyenne, la surpopulation et l’indigence des moyens matériels et humains font qu’hors promenade et toutes activités confondues (sport, activité professionnelle, formation, participation à des ateliers socio-culturels), l’activité d’un détenu hors de sa cellule est de 3h40 par jour en semaine et de moins d’une demi-heure le week-end.

Prise en charge minime / Surchargés, les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation ne sont pas en mesure de suivre l’ensemble des personnes détenues. Des personnes sont libérées sans avoir pu rencontrer un conseiller. Il en va de même concernant la prise en charge sanitaire car les effectifs de soignants n’ont pas pas suivi la hausse du nombre de détenus (la situation est particulièrement préoccupante concernant la prise en charge de la maladie mentale car un détenu sur quatre souffrirait de troubles psychotiques).

Alexandra Sereni

Pour en savoir plus : https://oip.org/
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