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Le nouvel album de Patricia Gattaceca
« A Cerca » de Patrizia Gattaceca
Noé de la catastrophe à la résilience


« A Cerca », le nouvel album de Patrizia Gattaceca explore le mythe de Noé, l’homme que Dieu a choisi pour survivre à la catastrophe qu’il a envoyé afin d’exterminer une humanité pourrie de trop de fautes. Originalité de l’album ? Dans « A Cerca » ce n’est pas la colère divine que chante Patrizia Gattaceca mais la résilience qu’incarne Noé. Et c’est là un enseignement précieux.



Noé est dans la Bible des juifs. Noé habite également la foi chrétienne. Noé apparait aussi dans des sourates du Coran. Noé, figure des trois religions monothéistes nées au Moyen-Orient, hante encore des récits sumériens. Son histoire recoupe en outre des légendes qu’on retrouve aux quatre coins de la planète. Autrement dit Noé est universel… ou presque.

Avec Noé il y a la terreur d’une mort foudroyante frappant des vivants. Avec Noé il y a la rédemption de celui qui a surmonté des épreuves extrêmes et qui parvient à une résilience, opportunité de renouveau pour lui et pour le peuple qu’il porte en puissance. Noé, malgré les ravages du déluge, est donc l’espérance d’un avenir.

« A Cerca » est une quête de soi à travers l’histoire de Noé. Une quête de soi qui progresse en un cheminement pouvant prendre la forme, la gestuelle, le rite d’une granitula dont le cercle se crée et se défait, synonyme de fin et de recommencement. « A Cerca » cisèle le mot pour le transformer en joyau qui illumine le vers, la strophe, le refrain déroulant un chant vibrant accordé au paysage, aux éléments, à la nature, à l’humain, qui est si peu de chose lorsqu’il ignore l’humilité !

L’album est simultanément affirmation d’une force à être refusant l’indignité et à se battre pour des jours meilleurs où misère et guerres seraient bannies. Les chants d’ « A Cerca » sont d’une troublante profondeur emplie à la fois de mysticisme et d’une philosophie de vie qui incite au bien et à la justice.

Patrizia Gattaceca a eu l’idée de cet album lors du confinement imposé durant le Covid, période difficile où chacun était assigné à résidence et où il fallait envers et contre tout chercher des raisons d’espérer. C’est ainsi que la poétesse–chanteuse–compositrice s’est plongée dans les textes sacrés et a rencontré l’image de lumière du patriarche Noé.

Pour cet album Ghjacumu Thiers a écrit quatre poèmes magnifiques. Patrizia Gattaceca est, elle, l’auteur des sept autres titres. Elle a composé les musiques d’« A Cerca ». La prise de son de l’enregistrement, le mixage, la direction artistique sont de Jean Bernard Rongiconi.

On pourra écouter Patrizia Gattaceca, dans son dernier opus, aux prochaines Rencontres Polyphonique de Calvi en septembre.

Michèle Acquaviva-Pache


Les musiciens
Percussions : Loïc Pontieux. Claviers : Piona Dariavach. Guitare et basse : JB Rongiconi.



Ecrivez-vous les textes de vos chansons comme un peintre le ferait de son tableau ?

De plus en plus… Je m’en suis rendu compte avec mon album, « Carmini ». Depuis j’essaie de me rapprocher de la peinture qui est pour moi l’art majeur, mais que par manque de technique, je ne peux pratiquer. Je suis fan de grand peintre comme Le Caravage. Ma poésie est imagée et en l’occurrence avec « A Cerca » l’histoire que je raconte est une grande aventure qui se passe dans la nature


Vos mots comment les choisissez-vous ? Viennent-ils immédiatement ou là aussi y-a-t-il ne quête ?

C’est toujours une quête. Mais comme j’ai puisé mon inspiration dans le mythe de Noé, les mots ont surgi plus vite. Quand l’idée de ce mythe m’est venue, j’ai entrepris des recherches. Et les images sont arrivées en moi par la main et la plume. Mais l’écriture prend tellement aux tripes qu’il faut laisser reposer ce qu’on a écrit. Puis revenir. C’est très prenant… A travers le mythe de Noé tout ce qui se vit en Méditerranée et de part le monde, se trouve évoqué.


Pourquoi un recours assez fréquent à l’anglais dans cet album ?

C’est en regardant le film, « Noah » de Darren Aronofsky avec Russel Crowe que j’ai eu l’idée de me replonger dans le mythe de Noé et ce film m’a conduit spontanément à l’anglais. J’étais en studio des passages en anglais se sont imposés comme une ouverture… Le corse est ma langue maternelle et ma langue de création mais je ne suis pas pour autant autocentrée. D’ailleurs je ne l’ai jamais été. Dans les festivals internationaux où l’on m’a invité, j’ai croisé des expériences d’autres chanteurs, originaires d’autres horizons. J’ai ainsi rencontré l’autre dans ses différences et ses ressemblances. De toutes façons l’art n’est pas fait pour être étriqué.


Peut-on relever une tonalité rousseauiste dans vos chants ?

Peut-être dans mes textes… On est tellement influencé par notre éducation. J’ai étudié les lettres et j’ai adoré Rousseau ! Il est donc naturel qu’il en ressorte quelque chose qui tient du ressenti, des sensations. L’Histoire parle toujours et ce qu’elle dit file sur des générations. Il n’est qu’à considérer ce que la Corse a pu vivre avec toutes les migrations qui ont touché sa terre en apportant un bouillonnement de culture(s). L’identité de la Corse est complexe et multiple… et ça on l’a en nous.


Sous l’ode à la vie de vos chants se cache-t-il du mysticisme ?

Le mythe appelle le mysticisme. Noé a un rapport avec le divin et pour moi la nature c’est aussi le divin. Même dans le quotidien il est des gestes – pétrir le pain, planter un olivier – où s’exprime le lien entre l’humain, la nature, le divin… Noé est lié à la terre et au ciel. Il est axial et va vers la lumière.


« Sign of life », ce chant est-il l’expression d’un féminisme empreint de sérénité ?

J’ai cherché dans la Bible le nom de la femme de Noé. Rien. Elle n’est pas nommée. Avec « Sign of life » j’ai voulu redonner sa place à la femme. Car elle est signe de vie et sans elle le monde n’est rien. Pour changer les choses il faut que l’homme reconnaisse la femme.


« Vechje terre » et « Rifà mondu » peuvent-ils être considéré comme des manifestes pacifistes ?

Ce sont deux textes de Thiers. A l’instar de ce que j’ai écrit, ils plaident pour un monde apaisé, pour un monde de compréhension afin de le rendre meilleur. Cet accent pacifiste est très fort sur « Vechje terre ». Pour garder une cohérence dans l’album Ghjacumu Thiers et moi avons travaillé ensemble.


Comment avez-vous vécu cette terrible matinée du 18 août ? Faut-il voir là une amorce du déluge décrit dans la Bible ?

Ce jour là je devais chanter à Urtaca. Cette catastrophe n’était certes pas un tsunami, mais que des gens soient venus chez mous pour perdre la vie c’est épouvantable. Je pense en particulier à cette enfant de 13 ans qui est morte… Il faut écouter les signes que nous envoie la nature parce qu’elle nous dépasse, parce qu’elle nous rapproche du divin et qu’elle nous a construit. Il faut aussi croire en l’humain et avancer malgré tout.


Un titre de l’album s’intitule « Ghjente di Noè ». Qui est-il ce peuple ?

C’est celui que Noé va reconstruire après le déluge. C’est un peuple qui est toujours en puissance. Et nous, nous sommes tous – sans exclusive – de ce peuple.


L’intensité politique ne renvoie-t-elle pas à l’urgence de l’action du politique ?

Le politique doit toujours être dans l’urgence car on ignore ce que nous réserve l’avenir. Le politique doit toujours être vigilant, car son rôle est de veilleur sur la communauté et d’être apte à prendre les mesures adéquates. Nos élus sont en premières lignes pour trouver les solutions. Mais l’individu doit également s’engager pour instaurer une société meilleure. « Rifà mondu » de Thiers fait référence au commun parce que si l’on reste replié égoïstement sur soi, on est foutu ! Résilience, reconstruction de soi est inséparable de se positionner comme acteur du bien commun.

Propos recueillis par M.A-P
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