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L'Arménie, victime de la guerre en Ukraine

La Russie souhaite conserver une présence forte en Arménie..........
L’Arménie, victime de la guerre en Ukraine

La Russie souhaite conserver une présence forte en Arménie et plus globalement dans le Caucase mais doit ménager la Turquie qui soutient l’Azerbaïdjan et dont elle juge vitale la neutralité dans la guerre en Ukraine.

Le 13 septembre dernier, l’armée azerbaïdjanaise a frappé des infrastructures militaires et civiles arméniennes en procédant à des bombardements depuis des drones ainsi qu’à des tirs d’artillerie lourde. Ce pilonnage a été suivi d’avancées sur le terrain. Cet embrasement est survenu deux ans après la guerre gagnée, durant l’automne 2020, par l’armée azerbaïdjanaise dans le Haut-Karabagh (voir encadré ci-contre). Cependant, à la différence de ce qui s’était passé il y a deux ans, c’est le territoire même de la République d’Arménie qui a été visé. Des interventions internationales ont certes permis l’instauration d’un cessez-le-feu. Mais il est très fragile et si les combats reprennent et perdurent, l’Arménie sera probablement en grande difficulté. En effet, après la lourde défaite qu’elle a subie durant l’automne 2020, elle n’a, en signe d’apaisement, ni réorganisé, ni renforcé son armée. Par ailleurs, elle a fragilisé son alliance avec la Russie en pratiquant le grand écart diplomatique.
En effet, alors que la Russie considère qu’elle appartient à sa zone d’influence, l’Arménie a noué des contacts avec l’OTAN pour renforcer sa position internationale, tenter de s’affranchir en partie de la puissance russe et essayer d’améliorer ses relations avec la Turquie, alliée et partenaire militaire de l’Azerbaïdjan, et également un des pays-clés de l’alliance atlantique. Malheureusement, ni la volonté d’apaisement, ni le repositionnement diplomatique n’ont été couronnés de succès. L’Azerbaïdjan a encore attaqué.
La Turquie continue de former et d’équiper l’armée azerbaïdjanaise. Quant à la Russie, elle a manifesté sa réprobation : elle n’a toujours pas reconnu l’indépendance du Haut-Karabagh ; elle a toléré, durant les deux années passées, que l’armée azerbaïdjanaise grignote plusieurs centaines de kilomètres carrés du Haut-Karabagh ; le 13 septembre dernier, bien que disposant de « forces de maintien de la paix » basées à la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, elle s’est contentée d’appeler à « la retenue ».

La Russie louvoie, les USA s’en mêlent

La réserve de la Russie est aussi dictée par des considérations autres que le repositionnement diplomatique du gouvernement arménien. En effet, si elle veut bien entendu conserver une présence militaire et une influence politique fortes en Arménie et plus globalement dans le Caucase, elle doit désormais aussi ménager la Turquie qui soutient sans réserve l’Azerbaïdjan, qui est devenue une puissance régionale incontournable et dont elle juge vitale la neutralité dans la guerre en Ukraine. La Russie doit aussi prendre en compte que l’Azerbaïdjan est un voisin qui renforce sa puissance militaire, économique et diplomatique en s’appuyant sur sa richesse en gaz naturel. Après les affrontements du 13 septembre, se sentant très menacée, l’Arménie a appelé la communauté internationale à l’aide. En réponse, l'Union Européenne a réclamé l'arrêt des hostilités et annoncé que le président du Conseil européen allait discuter avec toutes les parties. Pas de quoi freiner les ardeurs guerrières de l’Azerbaïdjan et sa double ambition : rétablir sa souveraineté sur le Haut-Karabagh, établir une continuité entre son territoire et sa République autonome, le Nakhitchevan, enclavée entre l’Arménie et l’Iran.
L’Azerbaïdjan a d’ailleurs conscience que, depuis le début du conflit en Ukraine, les pays de l’Union Européenne sont impuissants car tributaires de ses livraisons de gaz. D’ailleurs, comme pour adresser un message fort, le jour même où a été déclenchée l’offensive du 13 septembre, le ministre de l’Énergie azerbaïdjanais a annoncé que les exportations de gaz vers l’Europe augmenteraient de 30% en 2022. La réserve russe et l’impuissance de l’Union Européenne ont ouvert une opportunité aux USA et ceux-ci l’ont saisie. Nancy Pelosi, la présidente de la Chambre des représentants, s’est récemment rendue en Arménie et a déclaré : « Nous condamnons fermement ces attaques, au nom du Congrès, qui menacent la perspective d'un accord de paix (…) L'Arménie a une importance particulière pour nous ». Après la reconnaissance officielle l’an passé du génocide arménien par Joe Biden, le président des USA : « Nous nous souvenons de la vie de tous ceux qui sont morts lors du génocide arménien de l’ère ottomane », il est évident que les USA entendent désormais avoir leur mot à dire en Arménie et plus globalement dans le Caucase. Bien sûr pour affaiblir les positions de la Russie. Mais sans doute aussi pour tenter de quelque discipliner leur turbulent allié turc.

Alexandra Sereni


Le Nagorny Karabakh ou Haut-Karabagh majoritairement peuplé d'Arméniens a fait sécession de l'Azerbaïdjan avec le soutien de l'Arménie et ses habitants ont proclamé la république d'Artsakh. Après une première guerre qui, au début des années 1990, a fait plus de 30 000 morts, l'Azerbaïdjan n’a pu reconquérir le Haut-Karabagh. Durant l’automne 2020, l'Arménie et l'Azerbaïdjan se sont à nouveau affrontés. 6 500 personnes ont été tuées. L'Arménie a été défaite. Dans le cadre d'un accord de cessez-le-feu qui a été négocié par la Russie qui a alors déployé des soldats de maintien de la paix, le Haut-Karabagh et l’Arménie ont dû céder des territoires à l'Azerbaïdjan.
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