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A un cheveu près

C'est la mèche de cheveux qui a mis le feu aux poudres

À un cheveu près


Depuis la mort de mort de Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans arrêtée par la police des mœurs, les expressions de colère n’en finissent pas de résonner un peu partout, rouvrant le dossier du voile et de la surabondance religieuse. C’est la mèche de cheveux qui a mis le feu aux poudres.



Au-delà de l’accessoire

En 1979, l’ayatollah Khomeini arrive au pouvoir et instaure une République islamiste, obligeant les femmes à porter le tchador. Une décision en rupture avec le précédent régime. Le tchador est un symbole de l’idéologisation de la religion et du régime. La mesure de Khomeini entraîne une vague de contestation dans le pays, dès 1979. Le port du voile obligatoire est définitivement inscrit dans la loi iranienne en 1983. Pour les mollahs de la République islamique d’Iran, le voile est un instrument politique d’oppression et de persécution des femmes et le fondement de leur ordre social clérical et patriarcal. Même après la mort du Shah, les tenues vestimentaires des femmes sont impitoyablement contrôlées et les libertés individuelles écrasées. La brigade de répression de l’indécence, composée aussi bien de femmes que d’hommes, entre en action. En 2018, une trentaine de femmes avaient été arrêtées par la police iranienne parce qu'elles « perturbaient l'ordre social », elles avaient enlevé leur voile en public. Cette répression s’est aggravée avec l’arrivée au pouvoir en 2021 de l’actuel président, le très conservateur Ebrahim Raïssi. Aujourd’hui, les Iraniennes se dévoilent et défient la répression.


Au nom du voile

L’obligation du port du voile n’a pas cours dans nos pays occidentaux. Trente ans après « l'affaire du foulard », il continue à faire parler de lui, à tel point qu’il est régulièrement menacé d’interdiction. En 2019, c’était le voile d'une mère accompagnatrice de sortie scolaire qui avait enflammé le débat. Récemment, c’est à Porto-Vecchio qu’il a fait parler de lui. Une jeune fille scolarisée en seconde au lycée Jean-Paul-de-Rocca-Serra était entrée voilée dans l'enceinte de l'établissement. Interpellée poliment par la CPE, elle s'est excusée, a retiré son voile. Mais les choses n’en sont pas restées là, car le frère de cette lycéenne, également scolarisé dans l’établissement, est allé apostropher la CPE, sans ménagement. Cette violence verbale a eu pour conséquence l’exclusion du frère, et l’intervention de la communauté musulmane de la cité, qui souhaite l’apaisement. Car avant même le fait religieux, il s’agit d’une attitude déviante dans la vie publique et éducative. Le refus du communautarisme et du prosélytisme est un gage d’ouverture, de dialogue et bonne cohabitation entre toutes les confessions religieuses. Cette énième controverse a alimenté le sempiternel débat sur la laïcité.


Signe extérieur de religion

La République française est laïque ; c’est au nom de ce principe qu’a été votée la loi à l’école du 15 mars 2004, sur la question du port des signes d’appartenance religieuse. De la même manière, le service public se veut neutre « Les agents contribuant au service public de l’éducation, quels que soient leur fonction et leur statut, sont soumis à un strict devoir de neutralité qui leur interdit le port de tout signe d’appartenance religieuse, même discret ». Aujourd’hui, les avocats sont interrogés sur le sujet. En effet, le Conseil national des barreaux vient de lancer une mission sur le « costume d’audience ». À l’origine de cette démarche, les déclarations de plusieurs élèves avocates musulmanes expliquant qu’elles espéraient pouvoir pratiquer leur futur métier en portant le voile. Une question qui devrait être tranchée courant 2023. Dans l'espace public, les signes religieux ne sont pas interdits. Mais une loi de 2010 interdit le port de toute « tenue destinée à dissimuler son visage », soit les voiles intégraux comme le niqab ou la burqa. En France, il est plus difficile de savoir si une femme met le voile sous la contrainte ou non. Où placer le curseur ? Et surtout comment ne pas faire de faits divers des polémiques qui pourrissent le débat public. Interdire ou ne pas interdire le voile, est-ce vraiment à l’État de se lancer dans cette quête au nom d’un ordre sociétal, qui aboutirait à l’exact opposé de ce qui se fait en Iran ? Interdire reviendrait à opprimer, aussi. La liberté vestimentaire existe, préserver la liberté de choix dans un cadre de respect des individus et de la loi apparaît comme essentiel.



Maria Mariana
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