La déchirure entre Femu et la jeunesse
Jeunesse nationaliste / Femu a Corsica la déchirure
Jeunesse nationaliste / Femu a Corsica : la déchirure
Quatre organisations nationalistes de jeunesse ont révélé ou confirmé clairement une déchirure de la confiance qui existait encore entre la jeunesse militante nationaliste et Femu a Corsica et, bien entendu, Gilles Simeoni.
A la suite du refus d’aménagement de peine ayant été opposé à Pierre Alessandri, quatre sur cinq des organisations nationalistes de jeunes (Ghjuventù Indipendentista, Ghjuventù Libera, Ghjuventù Paolina, Cunsulta di a Ghjuventù Corsa, ne manquait que Ghjuventu in Core) ont implicitement apporté leur soutien à la demande de suspension des discussions entre les élus de la Corse et Paris formulée par le collectif L’ora di u Ritornu et aux décisions en ce sens prises par Core in Fronte et Corsica Libera.
En effet, dans un communiqué commun, elles ont expressément invité les partis nationalistes ne l’ayant pas encore fait à « suivre ce chemin » ; invoquant à l’appui de leur démarche l’interminable détention infligée à Petru Alessandri et Alain Ferrandi : « L'injustice et le déni du droit sont des lignes rouges dont nous ne nous affranchirons pas » et l’absence d’une volonté réelle de dialogue de la part de l’État : « Le dialogue suppose le respect mutuel (…) Cette condition n'est absolument pas remplie. »
Tout indique dans la teneur de leur communiqué que les quatre organisations ont voulu mettre les choses au point avec Femu a Corsica. Et, c’est le moins que l’on puisse dire, elles n’ont pas fait dans la dentelle ! Elles ont en premier lieu dénoncé la décision du parti siméoniste de ne pas suspendre sa participation au processus Darmanin. Elles ont ensuite qualifié ce processus de « soi-disant processus historique de dialogue » et affirmé qu’il était « en rien indispensable » car ne permettant d’évidence pas, selon elles, d’aboutir à une satisfaction des revendications historiques du nationalisme : « La volonté de l'Etat de restreindre le débat au seul aspect technique exclut de fait toute prise en compte du caractère éminemment politique des revendications du Peuple corse (…) Les lignes rouges posées par le gouvernement empêchent de réelles perspectives d'avenir. » Elles ont enfin rappelé au parti siméoniste que l’ouverture consentie en mars dernier par Gérald Darmanin, avait été imposée par la mobilisation dans la rue, massive et offensive, de la jeunesse nationaliste et de milliers de Corses, et que discuter avec Paris devait non pas porter sur quelques aménagements institutionnels et techniques destinés à donner un peu plus de pouvoir à la Collectivité de Corse mais sur la satisfaction de trois revendications politiques portées par la mobilisation susmentionnée : « Nous rappelons que c’est suite à l'appel des jeunes et à la mobilisation massive du Peuple corse que le ministre Darmanin a été dépêché dans l’île et a ouvert ce processus de discussions.
Les revendications validées dans un collectif dont la majorité territoriale était partie prenante étaient les suivantes : Ghjustizia è verità pè Yvan Colonna, Liberazione di i prighjuneri pulitichi, Ricuniscenza di u Populu corsu. »
Plus loin encore qu’un rappel à l’ordre
La mise au point est allée plus loin encore qu’un rappel à l’ordre. D’abord, outre reprocher au parti siméoniste d’éluder les revendications de milliers de Corses descendus dans la rue et de jeunes ayant affronté les forces de l’ordre, les quatre organisations l’ont accusé de passer sous les fourches caudines dressées par Paris. Cette accusation a même été formulée avec un mot particulièrement impactant et vexatoire : soumission.
En effet, elles ont écrit : « Par sa volonté d'obtenir une avancée en matière d'autonomie, si petite soit-elle, et en refusant d'interrompre le dialogue, Femu a Corsica choisit la soumission. »
Ensuite, elles ont agité une menace forte : à savoir faire en sorte, si elles n’étaient pas entendues, de faire capoter le processus Darmanin. Elles ont en effet prévenu : « Nous avons permis ce processus institutionnel, nous n'accepterons pas qu'il se poursuivre en l'état et nous saurons nous mobiliser pour cela. » Enfin, elles ont sèchement indiqué au parti siméoniste la voie à suivre : « Une seule vole est possible, celle du rapport de force »
et lui ont vertement enjoint de ne pas faire dans l’amnésie ou l’ingratitude : « Que ceux au pouvoir n'oublient pas qu’ils sont là où ils sont parce que des militants se sont battus et en ont payé le prix fort. Eux ne l'ont pas oublié. Nous non plus. » Il convient de le souligner, les quatre organisations ayant pris le temps de la réflexion, de l’analyse et de se réunir, cela rend particulièrement signifiante leur prise de position. Celle-ci révèle ou confirme clairement une déchirure de la confiance politique et affective qui existait encore entre la jeunesse militante nationaliste et Femu a Corsica et, bien entendu, Gilles Simeoni.
Ceci rappelle un peu un précédent : le différend d’ordre stratégique intervenu en 1975, quelques mois avant les événements d’Aleria, entre d’une part, l’aile majoritaire de l’ARC que conduisait Edmond Simeoni, qui avait tout fait pour que réussissent les négociations avec l’État dans le cadre de la mission Libert Bou, et d’autre part, les jeunes militants ayant été plus tard les fers de lance du développement du FLNC et les concepteurs de la stratégie LLN (Lutte de Libération Nationale). Différend ayant d’abord été déchirure puis étant devenu rupture.
Cependant rien n’est jamais ni identique, ni écrit. Pour que, dans les semaines ou les mois à venir, la déchirure devienne rupture, il faudrait que les quatre organisations tentent de mettre à bas le processus Darmanin et que Gilles Simeoni s’obstine à le porter même s’il n’obtient pas de l'Etat des concessions concernant les prisonniers politiques (aménagements de peine, libérations) et l’assurance que tout ou presque sera discuté (même s’il appartiendra en définitive à Emmanuel Macron, au Conseil d’État, au Parlement et au Conseil Constitutionnel de trancher). Le président du Conseil exécutif peut donc encore « rattraper le coup ». Sa position est cependant inconfortable.
En effet, il est désormais pris en tenaille entre d’une part, une opposition de droite qui attend l’occasion de prouver qu’il n’est pas capable de choisir entre l’idéologie et le compromis et d’autre part, une base nationaliste comprenant la majeure partie de la jeunesse militante qui pousse à la fermeté et un Partitu di a Nazione Corsa et surtout des indépendantistes qui, au coin du bois, attendent le faux pas de la soumission pour tenter d’inverser en leur faveur le rapport de force au sein de la mouvance nationaliste. Gérald Darmanin en reportant sa visite en Corse et les membres du Comité stratégique pour l’avenir de la Corse en signant un texte (seule la représentante de Corsica Libera ne l’a pas fait) qui demande à l’Etat la libération de Pierre Alessandri et Alain Ferrandi afin de permettre la reprise du processus Darmanin, ont donné un peu de temps à Gilles Simeoni pour tenter de trouver une sortie par le haut. Mais ce temps ne comportera que peu de semaines et peu de mains secourables seront tendues.
Pierre Corsi
Quatre organisations nationalistes de jeunesse ont révélé ou confirmé clairement une déchirure de la confiance qui existait encore entre la jeunesse militante nationaliste et Femu a Corsica et, bien entendu, Gilles Simeoni.
A la suite du refus d’aménagement de peine ayant été opposé à Pierre Alessandri, quatre sur cinq des organisations nationalistes de jeunes (Ghjuventù Indipendentista, Ghjuventù Libera, Ghjuventù Paolina, Cunsulta di a Ghjuventù Corsa, ne manquait que Ghjuventu in Core) ont implicitement apporté leur soutien à la demande de suspension des discussions entre les élus de la Corse et Paris formulée par le collectif L’ora di u Ritornu et aux décisions en ce sens prises par Core in Fronte et Corsica Libera.
En effet, dans un communiqué commun, elles ont expressément invité les partis nationalistes ne l’ayant pas encore fait à « suivre ce chemin » ; invoquant à l’appui de leur démarche l’interminable détention infligée à Petru Alessandri et Alain Ferrandi : « L'injustice et le déni du droit sont des lignes rouges dont nous ne nous affranchirons pas » et l’absence d’une volonté réelle de dialogue de la part de l’État : « Le dialogue suppose le respect mutuel (…) Cette condition n'est absolument pas remplie. »
Tout indique dans la teneur de leur communiqué que les quatre organisations ont voulu mettre les choses au point avec Femu a Corsica. Et, c’est le moins que l’on puisse dire, elles n’ont pas fait dans la dentelle ! Elles ont en premier lieu dénoncé la décision du parti siméoniste de ne pas suspendre sa participation au processus Darmanin. Elles ont ensuite qualifié ce processus de « soi-disant processus historique de dialogue » et affirmé qu’il était « en rien indispensable » car ne permettant d’évidence pas, selon elles, d’aboutir à une satisfaction des revendications historiques du nationalisme : « La volonté de l'Etat de restreindre le débat au seul aspect technique exclut de fait toute prise en compte du caractère éminemment politique des revendications du Peuple corse (…) Les lignes rouges posées par le gouvernement empêchent de réelles perspectives d'avenir. » Elles ont enfin rappelé au parti siméoniste que l’ouverture consentie en mars dernier par Gérald Darmanin, avait été imposée par la mobilisation dans la rue, massive et offensive, de la jeunesse nationaliste et de milliers de Corses, et que discuter avec Paris devait non pas porter sur quelques aménagements institutionnels et techniques destinés à donner un peu plus de pouvoir à la Collectivité de Corse mais sur la satisfaction de trois revendications politiques portées par la mobilisation susmentionnée : « Nous rappelons que c’est suite à l'appel des jeunes et à la mobilisation massive du Peuple corse que le ministre Darmanin a été dépêché dans l’île et a ouvert ce processus de discussions.
Les revendications validées dans un collectif dont la majorité territoriale était partie prenante étaient les suivantes : Ghjustizia è verità pè Yvan Colonna, Liberazione di i prighjuneri pulitichi, Ricuniscenza di u Populu corsu. »
Plus loin encore qu’un rappel à l’ordre
La mise au point est allée plus loin encore qu’un rappel à l’ordre. D’abord, outre reprocher au parti siméoniste d’éluder les revendications de milliers de Corses descendus dans la rue et de jeunes ayant affronté les forces de l’ordre, les quatre organisations l’ont accusé de passer sous les fourches caudines dressées par Paris. Cette accusation a même été formulée avec un mot particulièrement impactant et vexatoire : soumission.
En effet, elles ont écrit : « Par sa volonté d'obtenir une avancée en matière d'autonomie, si petite soit-elle, et en refusant d'interrompre le dialogue, Femu a Corsica choisit la soumission. »
Ensuite, elles ont agité une menace forte : à savoir faire en sorte, si elles n’étaient pas entendues, de faire capoter le processus Darmanin. Elles ont en effet prévenu : « Nous avons permis ce processus institutionnel, nous n'accepterons pas qu'il se poursuivre en l'état et nous saurons nous mobiliser pour cela. » Enfin, elles ont sèchement indiqué au parti siméoniste la voie à suivre : « Une seule vole est possible, celle du rapport de force »
et lui ont vertement enjoint de ne pas faire dans l’amnésie ou l’ingratitude : « Que ceux au pouvoir n'oublient pas qu’ils sont là où ils sont parce que des militants se sont battus et en ont payé le prix fort. Eux ne l'ont pas oublié. Nous non plus. » Il convient de le souligner, les quatre organisations ayant pris le temps de la réflexion, de l’analyse et de se réunir, cela rend particulièrement signifiante leur prise de position. Celle-ci révèle ou confirme clairement une déchirure de la confiance politique et affective qui existait encore entre la jeunesse militante nationaliste et Femu a Corsica et, bien entendu, Gilles Simeoni.
Ceci rappelle un peu un précédent : le différend d’ordre stratégique intervenu en 1975, quelques mois avant les événements d’Aleria, entre d’une part, l’aile majoritaire de l’ARC que conduisait Edmond Simeoni, qui avait tout fait pour que réussissent les négociations avec l’État dans le cadre de la mission Libert Bou, et d’autre part, les jeunes militants ayant été plus tard les fers de lance du développement du FLNC et les concepteurs de la stratégie LLN (Lutte de Libération Nationale). Différend ayant d’abord été déchirure puis étant devenu rupture.
Cependant rien n’est jamais ni identique, ni écrit. Pour que, dans les semaines ou les mois à venir, la déchirure devienne rupture, il faudrait que les quatre organisations tentent de mettre à bas le processus Darmanin et que Gilles Simeoni s’obstine à le porter même s’il n’obtient pas de l'Etat des concessions concernant les prisonniers politiques (aménagements de peine, libérations) et l’assurance que tout ou presque sera discuté (même s’il appartiendra en définitive à Emmanuel Macron, au Conseil d’État, au Parlement et au Conseil Constitutionnel de trancher). Le président du Conseil exécutif peut donc encore « rattraper le coup ». Sa position est cependant inconfortable.
En effet, il est désormais pris en tenaille entre d’une part, une opposition de droite qui attend l’occasion de prouver qu’il n’est pas capable de choisir entre l’idéologie et le compromis et d’autre part, une base nationaliste comprenant la majeure partie de la jeunesse militante qui pousse à la fermeté et un Partitu di a Nazione Corsa et surtout des indépendantistes qui, au coin du bois, attendent le faux pas de la soumission pour tenter d’inverser en leur faveur le rapport de force au sein de la mouvance nationaliste. Gérald Darmanin en reportant sa visite en Corse et les membres du Comité stratégique pour l’avenir de la Corse en signant un texte (seule la représentante de Corsica Libera ne l’a pas fait) qui demande à l’Etat la libération de Pierre Alessandri et Alain Ferrandi afin de permettre la reprise du processus Darmanin, ont donné un peu de temps à Gilles Simeoni pour tenter de trouver une sortie par le haut. Mais ce temps ne comportera que peu de semaines et peu de mains secourables seront tendues.
Pierre Corsi