De quoi le peuple corse est-il le nom ?
Le peuple corse existe. Cela ne fait aucun doute.
De quoi le peuple corse est-il le nom ?
Le peuple corse existe. Cela ne fait aucun doute. Mais quels en sont les contours de sa réalité ? Cela reste encore un mystère malgré une inflation de son usage par les partis politiques insulaires.
Une fâcheuse manie des politiques
Qui a vu le film de Pierre Tchernia La gueule de l’autre ne peut avoir oublié la formidable tirade de Michel Serrault sur le peuple ramenant son contenu à une recette de pot-au-feu. On a pris l’habitude d’entendre les représentants de partis opposés parler des Français ou mieux encore de la France comme s’ils l’incarnaient ou parvenaient à synthétiser les envies de tous les citoyens. Il en va de même pour la Corse. Tous les dirigeants semblent savoir dans les détails ce que veulent les Corses ou mieux encore le peuple corse comme si celui-ci était un être unique obligé de passer par des ventriloques pour faire connaître ses rêves et ses colères. Pourtant quand on y réfléchit bien le concept de peuple ne veut pas dire grand-chose sinon de désigner un ensemble d’êtres humains qui habitent un même lieu. C’était d’ailleurs le sens que lui donnaient les Romains prenant bien garde de différencier le peuple et les sénateurs, ses représentants.
Le peuple : un concept à géométrie variable
Difficile de cerner les contours du peuple corse. Qui englobe-t-il exactement ? Il varie beaucoup selon les circonstances. La Corse est une île (donc un espace bien délimité) qui abrite environ 340 000 personnes. Ce serait donc cela le peuple corse ? Pas si simple, car parfois on se rappelle qu’il existe des Corses hors la Corse. Et là les affaires se compliquent : selon les critères d’Edmond Simeoni, le peuple corse rassemblerait des centaines de milliers de personnes d’ascendance insulaire plus ou moins complète depuis Bonifacio jusqu’à Porto Rico. Le peuple serait donc l'agrégat de tous ceux de vague ascendance corse ? Pas facile à accepter. Où s’arrêtent les limites d’un pareil décompte ? On ne le saura jamais. Il s’agit là d’un décompte fictif et pas même affectif, car bien de ceux qui sont ainsi désignés comme Corses ne le savent pas ou plus simplement n’en ont plus rien à faire. Faut-il alors définir le peuple comme l'ensemble des postulants au titre de Corses comme jadis les recensait le fumeux Annuaire mondial des Corses ? Pas très sérieux.
Un peuple habitant ?
Le peuple corse, celui qui serait plus facile à cerner, serait donc composé des habitants et des Corses de l’extérieur qui reviennent dans l'île le temps des vacances, soit une trentaine de milliers de personnes qui s'ajouteraient aux 340 000 locaux. Voilà de quoi fâcher toutes celles et tous ceux qui ont été spoliés de leur héritage par l’indivision. Quant aux habitants insulaires, la notion est plus que floue. Parfois, les nationalistes qui sont les plus grands consommateurs du concept parlent des 340 000 Corses pour aussitôt y ajouter « la région la plus pauvre de France ». Or, nos pauvres à nous sont pour beaucoup les immigrés ou enfants d’immigrés. Ils feraient donc partie de la fameuse communauté de destin au même titre que les continentaux venus s’installer chez nous ? Hélas, dès qu'il devient opportun de brandir la menace du « grand remplacement » et voilà ces « allogènes » chassés de la case « peuple corse » pour entrer dans celle des envahisseurs. Du coup, le peuple corse subit une sacrée cure d’amaigrissement pour tomber à une centaine de milliers de personnes dans le meilleur des cas sans qu'on sache précisément les critères de sélection opérés par les éradicateurs sinon celui de la haine et du ressentiment. Sont-ce ceux qui portent un patronyme insulaire excluant ainsi ceux qui ont eu le malheur d’hériter un jour de leur corsité par la mère ? Sont-ce ceux qui parlent plus ou moins bien le corse ? Malheur, car en pareil car nous voilà à l’étiage de quelques petites dizaines de milliers de personnes.
Les inconvénients de concepts globalisateurs
Hier les révolutionnaires se croyaient la figure de proue « des masses laborieuses » du « prolétariat » et parlaient en leurs noms. On a constaté les catastrophes que ce simplisme a provoquées. Les êtres humains ne seront jamais à la hauteur des rêves messianiques. Ces rêveurs, à la recherche d’une pureté originelle, finissent toujours en bourreaux rédempteurs lorsqu'ils accèdent au pouvoir. Alors oui, le peuple corse existe. C’est indéniable. Mais il est multiple, varié et riche de ses différences et pour tout dire indéfinissable. Vouloir se l'approprier pour le rendre esclave d’une quelconque idéologie est à coup sûr courir à la catastrophe. Alors, évitons les slogans réducteurs et regardons vers l'avenir.
GXC